Systèmes bancaires dans l’UEMOA : Mention bien face à la crise

Systèmes bancaires dans l’UEMOA : Mention bien face à la crise

 

Le constat est encourageant. Au vu des Assemblées Générales qui s’égrènent des banques cotées à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), le système financier de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a bien résisté, dans l’ensemble, aux conséquences économiques et sanitaires de la crise du Covid-19. Une analyse plus fine met toutefois en évidence trois constats plus précis : une gestion plutôt efficace des banques, un contexte favorable dans l’Union, des incertitudes à attendre en 2021.

Les principaux indicateurs de l’année 2020 montrent d’abord les bonnes capacités d’adaptation des systèmes bancaires à cette situation inédite. Au plan des charges de fonctionnement, le secteur a été de ceux qui ont le mieux appliqué les consignes sanitaires liés à la pandémie -distanciation, généralisation du télétravail- et les équipes ont été assez peu touchées par le Covid-19. Les coûts supplémentaires qui en ont découlé ont été souvent compensés par les mesures d’économie prises en 2020 : restrictions de voyages, mises en chômage partiel, ajournement de recrutements. Les charges d’exploitation ont ainsi connu une hausse limitée, et parfois un repli pouvant approcher 10% du total pour les banques les plus économes.

Au plan des activités, la plupart des banques ont enregistré une progression plus soutenue de leurs ressources de clientèle que de leurs concours à l’économie. La première traduit les efforts des entreprises et des ménages de constitution d’encaisses de précaution dans un contexte de baisse des activités et d’attentisme des investissements. En Côte d’Ivoire, la croissance moyenne des dépôts de la place a été ainsi de 24% sur l’année. Dans les autres pays, des performances comparables ont été atteintes :  + 17% pour l’ensemble du Groupe Orabank,    + 26% pour la Banque Malienne de Solidarité, + 22% pour la BANK OF AFRICA au Burkina Faso par exemple, Les crédits directs en fin de période ont au contraire réduit leur progression du fait du freinage général des échanges internationaux, du ralentissement des économies, mais aussi de la prudence redoublée des banques dans la distribution de nouveaux concours. En Côte d’Ivoire, le total des crédits a progressé de 14%, provoquant un recul de 7% du taux de réemploi des ressources. Dans le Groupe BANK OF AFRICA, les crédits de trésorerie n’ont augmenté que de 5% au Burkina Faso et au Sénégal, et se sont mêmes repliés en valeur absolue au Mali.

Au plan des résultats, les Produits Nets Bancaires (PNB) sont souvent restés proches des niveaux records de 2019 : malgré la tendance au recul des commissions pénalisées par le manque d’affaires nouvelles, les marges d’intérêt ont été préservées, grâce notamment à une fréquente réorientation des concours à la clientèle vers des placements en trésorerie peu risqués, et ont sauvé l’essentiel. Cette résistance a été notée dans tous les pays de l’Union, avec dans chacun d’eux des situations variables des établissements en fonction de leur portefeuille de clients, de leur appétence aux risques et de leur capacité de trouver des emplois alternatifs. La situation est plus disparate pour les Résultats Bruts d’Exploitation, en raison de l’impact des politiques variables suivies dans la gestion des charges courantes, et pour les Résultats Nets. Ceux-ci portent notamment la trace du coût du risque : ce dernier a bien sûr généralement grandi à compter du second semestre 2020. Mais, derrière cette constante, l’impact final a souvent été atténué par l’habileté des équipes à proposer des restructurations acceptables. Les bénéfices dégagés sont donc fréquemment supérieurs à ceux de 2019, comme c’est le cas pour Ecobank Cote d’Ivoire ou Corisbank, ou en repli limité, telle la SGCI, première banque de l’Union. Quelques établissements ont réussi des parcours remarquables, comme Bridge Bank à Abidjan dont les dépôts et les crédits ont crû respectivement de 26% et 17%, qui a atteint ses objectifs budgétaires et dont le bénéfice annuel a fait un bond de 30%. Dans tous les cas, les banques dont les résultats sont déjà publiés distribueront des dividendes voisins, et parfois supérieurs, à ceux de 2019.L’année 2020 n’aura donc pas été ici une année de crise pour le secteur.

Deux principales causes extérieures ont favorisé cette résistance des banques de la région. La première est l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Union en 2020 (+0,9%), meilleure que celle de l’ensemble l’Afrique subsaharienne, en recul de plus de 4%. L’absence de confinement généralisé dans l’espace régional, la force des circuits informels, la forte chute des prix du pétrole dont la zone est globalement importatrice expliquent largement cette bonne tenue macroéconomique. Dans plusieurs pays, les entreprises ont aussi bénéficié des actions de l’Etat pour soutenir leur appareil économique ou instaurer des protections sociales exceptionnelles : création de fonds de soutien aux entreprises, notamment de petite taille, report d’échéances fiscales, paiements de « packages » de secours aux populations les plus vulnérables. Dans ces circonstances, elles ont été mieux armées face à la pandémie et les banques en meilleure position pour éviter les déclassements de dossiers.

Surtout, l’Union a été favorisée par une réaction rapide et efficace de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à travers deux types de mesures. La première est réglementaire, pour alléger en cette période les contraintes pesant sur les banques en la matière : report possible à court terme d’échéances des crédits, sans déclassement de ceux-ci ; baisse des taux pour les adjudications de ressources aux banques ; décalage d’un an dans le durcissement des ratios relatifs aux fonds propres. La deuxième est financière avec les « Bons Covid » dont la diligence de mise en place est à saluer. Ces Bons, émis par les Etats de l’Union, ont apporté à ceux-ci des financements d’une maturité de trois mois au taux maximum de 3,5%, affectés aux mesures d’urgence, et ont été souvent un relais de concours à plus long terme des Partenaires Techniques et Financiers (PTF). L’accord donné aux banques par la BCEAO pour un refinancement intégral possible de ces Bons a permis leur participation massive à la souscription et le succès de ces titres. En un an, quelque 1500 milliards de FCFA ont été ainsi levés par les Etats selon une programmation ciselée. Très opportune pour les Etats, cette initiative a aussi servi les banques dans la recherche d’emplois de substitution à faible risque et dans la préservation de leur compte d’exploitation. Elle a en revanche sans doute peu encouragé le système financier à des efforts exceptionnels vis-à-vis des entreprises en difficultés.

En dehors de l’UEMOA, ces contextes favorables ont souvent manqué, et les résultats des banques s’en ressentent en de nombreux endroits. En Afrique Centrale francophone, le plongeon des cours de l’or noir a provoqué un net recul des PIB des pays concernés : celui-ci a pesé sur les ressources de clientèle, réduit drastiquement les possibilités de crédit et multiplié les exigences de provisions pour créances en souffrance.  Au Kenya, dont le système bancaire est un des plus performants d’Afrique, la crise a été multiforme ; recul de secteurs essentiels comme le tourisme ou l’agriculture, hausse du déficit budgétaire et de la dette extérieure, baisse des flux financiers de la diaspora. Il devrait en résulter pour les banques une hausse sensible des provisions et une nette baisse des bénéfices : – 22% pour la Kenya Commercial Bank, – 42% pour le nouveau groupe National Commercial Bank of Africa (NCBA).

Pour 2021, les perspectives demeurent mitigées. Depuis le deuxième trimestre 2020, les Etats africains ont certes, avec des fortunes diverses, mis en place des parades à la crise économique issue de la pandémie et les appareils économiques ont appris à fonctionner face à celle-ci. Cependant, les appréciations les plus fréquentes tablaient sur un retour à la normale début 2021 et un plein « effet de rattrapage » pendant l’année en cours. Les estimations sont désormais moins optimistes. En Afrique comme ailleurs, beaucoup de nations ont été frappées par une deuxième ou une troisième « vague » de l’épidémie, parfois plus contagieuse ou mortelle, imposant de nouvelles restrictions et freinant la reprise de l’économie. Le rythme de celle-ci est donc encore incertain et le retour à la situation de fin 2019 plutôt reporté désormais à 2022. Si certains secteurs cruciaux pour le continent se portent mieux, comme le pétrole où le niveau d’équilibre actuel est meilleur pour les vendeurs et acceptable pour les acheteurs, des pans entiers comme le tourisme et l’hôtellerie sont encore en souffrance. Des dangers issus de la crise de 2020 restent menaçants. Ils sont macroéconomiques tels les déficits budgétaires fortement gonflés sans espoir de retour à la normale à court terme, un endettement public en hausse généralisée, une croissance du PIB intérieure aux précédentes anticipations, une forte inflation importée pour certains produits. Ils sont aussi microéconomiques avec le risque de faillites d’entreprises plus nombreuses après l’arrêt des aides de l’Etat là où elles existaient et la tentation de certains gouvernements à renforcer la pression fiscale pour résorber les lourds déficits budgétaires.

Dans ce paysage incertain, la zone UEMOA devrait être encore plutôt favorisée. Les dernières prévisions des Autorités régionales retiennent une hausse du PIB de 5,8% en 2021, légèrement supérieure à celle de 2019 et en progrès par rapport aux premières estimations faites en début d’année Emmenée notamment par les bonnes perspectives de la Cote d’Ivoire, « poids lourd » de l’Union, cette progression devrait être assez bien répartie dans les 8 pays de l’UEMOA. Elle serait surtout une nouvelle fois sensiblement supérieure aux résultats moyens de l’Afrique subsaharienne -où une avancée de 3,4% du PIB est escomptée- et permettre la reprise d’une progression du revenu par habitant. Le niveau encore tolérable de l’endettement public, malgré les emprunts contractés en réponse à la crise, en comparaison avec celui de nombreux autres pays africains va constituer un autre atout de la zone. Il devrait être complété par une réduction du déficit budgétaire grâce à la réduction des aides exceptionnelles et la reprise économique.

Ce contexte favorable devrait bénéficier à nouveau globalement au système financier de l’UEMOA. En termes d’activité, une tendance positive, pour les dépôts de clientèle et pour les crédits à l’économie, en lien avec les améliorations macro-économiques, pourrait être ressentie par tous les établissements. En termes de résultats et de profitabilité, l’éventail des situations pourrait être plus large en fonction notamment des politiques suivies par les établissements en 2020 : importance suffisante des efforts de provisionnement et de restructuration des crédits fragiles, intensité des réformes de fonctionnement consenties, niveau des fonds propres après la crise. Sans surprise, ceux qui auront suivi les trajectoires les plus rigoureuses en 2020 seront les mieux armés pour la suite. Les transformations du système financier régional se poursuivent d’ailleurs, annonçant de vraisemblables repositionnements : le groupe BNP continue son repli stratégique et a cédé ses filiales burkinabé et malienne ; cette dernière a été reprise par Atlantic Financial Group, présent désormais dans 4 pays ; Bridge Bank Cote d’Ivoire ouvrira sa succursale sénégalaise en septembre prochain, la BMS malienne rêve d’un troisième site dans l’Union et de suivre les traces de la BDM. Le clan des « outsiders » se renforce donc, promettant de nouvelles confrontations intéressantes pour les années à venir.

Paul Derreumaux

Article publié le 10/05/2021

Banques Subsahariennes : reconfigurations inattendues

Banques Subsahariennes : reconfigurations inattendues

Le terme vient du langage informatique mais, en l’occurrence, pourrait s’appliquer à deux transformations récentes du système bancaire subsaharien. La plus importante, à court terme, est sans doute celle du réseau Ecobank touché en septembre 2014 par deux changements capitalistiques majeurs : l’entrée en force de la Banque Nationale du Qatar (BNQ) dans la holding du Groupe ; le passage de la banque sud-africaine Nedbank du statut de prêteur à celui d’actionnaire.

Pour les observateurs du système bancaire subsaharien, la venue de la BNQ n’est surprenante que par la discrétion et les modalités avec lesquelles s’est effectuée cette opération. La banque qatarie s’est en effet investie massivement en Egypte dès 2012, par le rachat majoritaire de la filiale locale de la Société Générale, et visait récemment une acquisition possible au Maroc. Dès cette période, l’Afrique subsaharienne était donc logiquement sa cible prochaine. La taille relativement modeste des banques africaines et une méconnaissance des caractéristiques de fonctionnement des banques dans ce périmètre conduisaient sans doute la QNB à préférer l’achat d’un groupe déjà présent lui-même dans cette zone plutôt qu’une entrée directe dans celle-ci. Les difficultés d’une opération marocaine et l’opportunité offerte par les soubresauts actuels d’Ecobank ont amené la QNB à franchir le pas et à réaliser cet investissement qui la fait détenir 23,5% du capital de la holding du Groupe, ETI, pour un montant quatre fois inférieur à celui de l’opération égyptienne.

La décision de Nedbank est moins surprenante : la conversion possible en actions du prêt consenti à ETI était prévue dès la mise en place du concours et était le schéma le plus couramment envisagé. Il aurait signifié une substitution vraisemblable du leadership des intérêts sud-africains à ceux du Nigéria au sein de ce groupe panafrician. L’arrivée de la BNQ pouvait laisser penser que Nedbank ne réaliserait pas cette conversion. Au contraire, cette dernière a annoncé avant la date butoir qui lui était imposée sa souscription effective à 20% du capital de ETI et l’a fait de belle manière, en payant ses actions en numéraire et en encaissant le remboursement de son prêt par ailleurs.

Les deux géants disposent donc ensemble d’environ 40% du capital social – QNB a indiqué qu’elle laisserait redescendre sa part à 20% – et, compte tenu de l’actionnariat « flottant » sont théoriquement en mesure d’imposer la politique qu’ils définiraient en commun. Le jeu n’est peut-être pas aussi simple. L’ « alliance stratégique » Nedbank/Ecobank conclue en 2008 a conduit les deux réseaux à une première connaissance réciproque tandis que la banque sud-africaine peut être tentée de s’appuyer sur le fonds de pension de même nationalité Public Investment Corporation (PIC), qui détient 19% de ETI, pour prendre une position dominante dans la gestion d’Ecobank. BNQ pourrait chercher à tenir un rôle plus directif en raison de sa puissance financière et de l’appui qu’elle pourrait apporter au réseau subsaharien, en particulier grâce à ses connexions internationales et à sa forte présence dans le financement  des infrastructures. Les actionnaires nigérians, largement majoritaires depuis l’origine, souhaitent vraisemblablement maintenir leur primauté d’influence et récolter les fruits de l’expansion du Groupe. Grâce à la grande diversité de l’actionnariat et à l’absence de bloc homogène dominant, le management lui-même a été habitué jusqu’ici à une forte indépendance : elle a été utilisée pour imprimer au Groupe une expansion géographique remarquable et une présence progressive sur tous les aspects de la banque commerciale. Dans ce jeu à plusieurs personnages clés, l’équilibre reste à trouver, des aménagements institutionnels seront sans doute nécessaires et beaucoup d’alliances sont a priori envisageables. Il faut espérer que celle qui se dégagera sera stable et acceptée par tous, pour que le Groupe puisse exploiter au mieux tous les atouts que lui donnent sa large implantation, ses moyens financiers désormais consolidés, et l’expérience de ses équipes et de ses actionnaires banquiers.

Tandis que cette rude partie s’engage à l’Ouest du continent, une autre apparait dans la zone australe autour du groupe African Banking Corporation (ABC). Celui-ci, implanté dans 5 pays, est certes plus de 10 fois plus petit que Ecobank et n’affiche pas les mêmes performances. Il vient cependant de connaitre lui aussi une reconfiguration capitalistique qui pourrait le propulser sur l’avant-scène, suite à la reprise de la totalité du capital de sa société mère par la holding Atlas Mara. Cette dernière, créée fin 2013, a mobilisé en un temps record d’importants capitaux sur le marché londonien, qu’elle ambitionne d’investir en Afrique et surtout dans le secteur financier. L’acquisition du Groupe ABC a été sa première opération, menée avec une certaine discrétion. Elle s‘est accompagnée d’une prise de participation minoritaire dans une banque nigériane et dans un établissement rwandais.

Atlas Mara reste pour l’instant peu explicite sur l’orientation commerciale et l’organisation qu’elle veut donner aux cibles ainsi conquises. Elle semble afficher en revanche une grande ambition de principe : celle de construire un groupe panafricain décentralisé, structuré autour de « hubs » régionaux qui couvriraient chacun une des grandes parties du continent, s’érigeant ainsi en rival des réseaux actuellement les plus étendus. Si l’idée semble séduisante, son application soulève encore plusieurs inconnues majeures au niveau d’Atlas Mara: l’importance des fonds que cette société pourra concrètement mobiliser pour l’atteinte de son objectif, la compatibilité du schéma proposé avec les contraintes réglementaires de certaines Autorités monétaires des pays visés, le contenu précis du projet industriel. Le Groupe ABC, principal point de départ de la construction envisagée,  dispose d’indicateurs qui demandent à être sérieusement renforcés, compte tenu des multiples changements qui ont marqué sa gestion et son actionnariat passés. Il doit aussi confirmer la profitabilité de son nouveau « business model » de banques « tous publics », dans lequel il est entré depuis quelques années, et reprendre rapidement son expansion géographique. Il a besoin pour cela de ressources financières et humaines importantes et d’un actionnaire recherchant un développement à long terme et non des plus-values financières rapides. Les prochaines années permettront de tester le nouveau réseau sur ce plan et de voir si son actionnaire principal peut répondre à toutes les exigences du défi lancé.

Pendant que ces deux Groupes vont devoir régler dans les meilleurs délais ces incertitudes, tout en se défiant sans doute à distance pour jouer les premiers rôles,  d’autres  transformations s’enclenchent, notamment en Afrique de l’Ouest. La Banque Centrale Populaire (BCP), dernière venue des banques marocaines à la suite de son rachat de 50% de Banque Atlantique, annonce sa prochaine montée à 65% du capital de la holding de ce réseau et la création d’une filiale de micro-finance. La plus puissante des banques du royaume chérifien vise ainsi à rattraper ses devancières et à élargir l’éventail de ses activités. A une échelle plus modeste, l’établissement burkinabé Coris Bank poursuit son expansion à marche forcée – créations « ex nihilo » au Mali et au Togo – et innove en étant la première banque de la région à ouvrir un Département islamique au sein de son activité de banque commerciale « classique ».

Après une période plutôt calme en mouvements capitalistiques et en ouverture de nouvelles banques, l’année 2015 sera donc normalement plus agitée. Elle montrera que la physionomie du système bancaire subsaharien est toujours en construction et susceptible de nouvelles importantes mutations, qui ne viendront pas nécessairement des entités les plus importantes. Il apparait déjà qu’en Afrique subsaharienne, particulièrement francophone, l’actionnariat  régional continue globalement son repli au profit d’actionnaires extérieurs : ce mouvement, à contresens de celui des années 1990, semble difficile à inverser, en dehors d’un cataclysme bancaire comme celui qui s’était abattu dans les années 1980. Il conviendra maintenant de voir si les aménagements purement capitalistes conduisent bien à un renforcement des systèmes bancaires de la zone, autour de projets industriels solides, et dans une optique conforme aux besoins de développement des pays concernés. Les changements positifs intervenus depuis deux décennies ont en effet donné aux banques subsahariennes une croissance et une rentabilité enviables et une responsabilité accrue dans le financement des économies locales. Ces avancées ont été un des catalyseurs de la croissance africaine et doivent être poursuivies, pour une meilleure bancarisation des populations comme pour la facilitation du financement des entreprises et des Etats. Elles génèrent de plus leur inévitable contrepartie de solutions nouvelles à rechercher, notamment vis-à-vis de la montée et de la diversification des risques opérationnels, ou de l’élévation du coût du risque. C’est davantage à leur efficacité face à ces défis, plutôt qu’à l’identité de leurs actionnaires, que les établissements bancaires subsahariens seront jugés par leur public et par les Autorités.

Paul Derreumaux