Lettre ouverte aux (jeunes) entrepreneurs africains de France.

Lettre ouverte aux (jeunes) entrepreneurs africains de France.

 

Les entrepreneurs africains montrent en France leurs qualités d’innovation. Les difficultés rencontrées par les petites entreprises en Afrique les font hésiter à retourner au pays pour tenter leur chance. Pourtant ils pourraient jouer un grand rôle pour concrétiser les mutations attendues sur le continent.

La cérémonie à Paris de remise des Prix de l’Entrepreneur Africain de France, le 19 juin dernier, mérite quelques réflexions. L’évènement avait pour objet de décerner des prix à des chefs d’entreprises, d’origine africaine mais installés en France, en vue de récompenser notamment l’originalité de leurs projets et le succès déjà rencontré par les sociétés concernées ou pouvant être escompté par celles-ci. Deux aspects positifs étaient frappants  dans cette réunion qui visait avant tout des petites ou moyennes entreprises: d’un côté, la jeunesse de la grande majorité des entrepreneurs nominés et primés ; de l’autre, leur capacité d’innovation, la pertinence de leurs projets et leur profonde détermination à se battre, durablement si nécessaire.  En revanche, pour une partie des cas, l’entreprise élue semblait surtout adaptée à l’économie et à la société françaises ; pour ceux dont le «business model» pouvait s’appliquer à l’Afrique, l’idée d’un retour sur le continent paraissait encore incertaine ou lointaine.

Cette grande prudence semble étonnante face à l’engouement dont bénéficie actuellement l’Afrique subsaharienne dans le monde entier. A y regarder de près, elle est moins surprenante qu’il n’y parait.

L’Afrique est en effet à la mode pour le progrès de son économie, qui soutient la croissance mondiale, pour ses richesses naturelles de mieux en mieux exploitées, et pour ses perspectives d’évolution que tous envient. Certes les crises et les conflits y sont encore présents, même s’ils sont moins souvent évoqués qu’auparavant, et peuvent annihiler des années d’efforts de développement dans certaines régions. Toutefois, peu de très grandes entreprises ou de fonds d’investissement dans le monde conçoivent désormais leur business plan sans y intégrer l’Afrique subsaharienne.

Ces visions optimistes reposent sur des fondements objectifs. La situation s’est en effet fortement améliorée sur beaucoup de points en moins de 15 ans et tous les changements positifs sont ressassés partout, parfois avec excès. Deux d’entre eux sont sans doute  essentiels. Le premier est que les centres d’intérêt des Etats et des grands bailleurs de fonds sont actuellement les bons, ceux qui sont nécessaires pour une croissance économique durable : accroître toutes les infrastructures, créer des emplois en grand nombre et, si possible, de bonne qualité ; intégrer la plus grande partie de la population dans le cercle vertueux de la croissance. C’est à ce prix que le développement évitera d’être non inclusif, c’est-à-dire, puisque le politiquement correct interdit désormais d’être trop brutal, inégalitaire ou injuste. Le deuxième progrès est celui du rôle grandissant pris par le secteur privé, ce qui n’est d’ailleurs pas sans lien avec l’accélération observée de la croissance : ce sont les entreprises privées qui investissent, introduisent les nouvelles techniques, poussent l’intégration régionale, créent des emplois, apportent la valeur ajoutée.

Mais ces photos en rose ne reflètent pas toute la vérité et de nombreux indicateurs restent à l’arrêt ou régressent. La pauvreté est encore beaucoup plus visible que la classe moyenne dont on parle si souvent. L’agriculture n’a pas encore fait sa révolution, essentielle à l’essor du reste de l’économie. L’éducation se dégrade souvent en quantité et en qualité. L’Etat remplit rarement son rôle: celui d’un législateur-juge-arbitre irréprochable, capable de définir les lois les plus justes, de les faire appliquer par tous sans favoritisme, d’encourager mais aussi de sanctionner et de promouvoir le développement avec toute la diligence requise. Tant que cette mutation d’un Etat faible et inéquitable vers un Etat fort et respecté ne sera pas réalisée, l’Afrique perdra  toujours les 1 ou 2 points de croissance qui lui manquent terriblement.

Dans cet univers en demi-teinte, les aspects favorables bénéficient surtout à deux catégories d’acteurs économiques. La première est celle des grandes entreprises internationales et des plus importants groupes locaux. Leur puissance financière leur donne à la fois les fonds propres adéquats et l’accès aux financements extérieurs ou locaux nécessaires à leurs investissements et à leur fonctionnement. Leur domaine d’activité les place souvent dans un cadre réglementaire échappant au comportement erratique ou prédateur des administrations nationales ; banque centrale indépendante pour les banques, code minier pour les industries extractives, autorité de régulation pour les sociétés de télécommunications… A défaut, elles disposent d’une meilleure capacité de négociation, tant de manière autonome que par les appuis qu’elles peuvent recevoir. La seconde est celle des sociétés, grandes ou petites, du secteur informel ou relevant d’activités traditionnelles, essentiellement commerciales: celles-ci s’accommodent en effet plus facilement des divers blocages ou carences de l’environnement, qu’elles savent «gérer», tandis que leur chiffre d’affaires profite mécaniquement du taux global de croissance observé depuis près de 15 ans et de l’accroissement de la population. Face à ces deux groupes, les entreprises de taille moyenne ou modeste, tournées vers les secteurs à valeur ajoutée significative, sont les moins privilégiées, qu’elles soient autochtones ou étrangères. Elles sont en effet beaucoup plus dépendantes d’une qualité optimale de toutes les composantes de l’environnement national des affaires et tout dysfonctionnement de celui-ci pénalise fortement leurs chances de prospérité. Ce sont donc elles qui ont les chances de survie les moins élevées. En revanche, leur rôle est fondamental dans la construction d’un appareil économique portant les germes d’une véritable transformation des pays africains : seules leur multiplication et leur réussite permettront de transformer la croissance d’aujourd’hui, en partie offshore, en un développement plus pérenne et bénéfique à tous. Malgré un environnement encore imparfait, les conditions apparaissent aujourd’hui mieux réunies pour réussir cette rupture avec le passé.

Les opportunités d’abord. Grâce aux étapes déjà franchies, les possibilités d’investissement se multiplient et leur champ s’élargit. Deux avantages nouveaux sont en effet apparus dans la période récente. La croissance soutenue de quelques grands secteurs (télécommunications, banques, mines par exemple) renforce les perspectives d’une sous-traitance structurée avec les grandes entreprises concernées, ce qui sécurise le chiffre d’affaires, au moins pour un démarrage. De plus, les innovations techniques permettent de réduire la taille des investissements, et donc des financements, nécessaires et celle des marchés minimaux requis. Les possibilités correspondantes s’étendent maintenant de l’agriculture (stockage, transport, conditionnement, nouvelles variétés), aux services informatiques ou comptables en passant par l’énergie, les industries légères, le bâtiment ou le tourisme.

Pour concrétiser ces opportunités, les ressources humaines sont là plus que jamais. Si l’enseignement local est souvent un parent pauvre des mutations récemment observées, il existe des exceptions et quelques formations supérieures de bon niveau peuvent être trouvées dans la plupart des pays. Les jeunes qui ont la chance de faire la fin de leur scolarité à l’étranger se limitent de moins en moins aux enfants des dirigeants politiques ou des personnalités économiques les plus favorisées. Un nombre croissant de cadres moyens ou supérieurs accomplissent l’effort financier nécessaire pour envoyer leurs enfants dans les écoles et universités françaises, américaines ou canadiennes ou, à défaut, d’Afrique du Nord ou de Turquie. Les étudiants ainsi formés acquièrent souvent une première expérience professionnelle à l’extérieur, où ils s’essayent parfois à créer leur entreprise. La formation technique de ces privilégiés égale souvent celle de leurs homologues des pays du Nord et leur enthousiasme décomplexé impressionne. Ils ont donc dans leur esprit et dans leurs mains un véritable trésor de compétence et d’expérience qu’ils peuvent faire fructifier sur leur continent d’origine. Ils disposent en effet à la fois de la formation qui manque sur place et de la connaissance du terrain que n’ont pas les investisseurs étrangers. Cette nouvelle classe d’entrepreneurs potentiels peut ainsi jouer un rôle essentiel dans la création des types de société dont l’Afrique a le plus besoin.

Enfin, si le soutien des Etats se renforce à pas beaucoup trop mesurés face à l’enjeu que représente cette composante défavorisée des économies africaines, l’environnement s’améliore plus rapidement sur certains aspects, et notamment celui du financement. Sous la pression de la concurrence, les banques et sociétés de micro-finance s’investissent de plus en plus dans le secteur très large et disparate de la petite et moyenne entreprise et adoucissent progressivement les conditions auxquelles elles accordent leurs crédits. Des partenaires financiers au développement plus nombreux acceptent des cofinancements, où ils assument une part du risque des concours bancaires à ces sociétés, ce qui facilite l’accroissement des volumes financés. Quelques sociétés de capital-risque se mettent en place pour aider des entreprises de taille très modeste à grandir, voire à naître, résolvant le handicap majeur des fonds propres insuffisants de ces structures et constituant un maillon jusqu’ici inconnu de l’industrie florissante des fonds d’investissement.

Le temps est donc plus propice pour que les jeunes entrepreneurs se saisissent de la chance qui passe. Ils détiennent aussi une grande responsabilité: celle de contribuer sur le terrain à une nouvelle philosophie de l’activité économique, soucieuse d’efficacité et de succès, mais aussi de droiture et de partage. C’est l’équilibre après lequel tout le monde court depuis longtemps en Afrique ou ailleurs. A la jeunesse africaine de montrer que ce n’est pas qu’un rêve, mais une réalité qu’elle peut porter en elle-même.

Paul Derreumaux

Afrique Francophone : Le Maroc à l’offensive

Afrique Francophone : Le Maroc à l’offensive

Les premiers responsables des principales entreprises marocaines ont ressemblé ces jours-ci à une armée en ordre de bataille, en pleine conquête des  territoires d’Afrique francophone, et leur général était un Roi. Il sera cependant essentiel de vérifier quelles seront les retombées à moyen terme de cette grande mission marocaine et à qui elles bénéficieront.

La tournée que Mohamed VI a effectuée en Afrique de l’Ouest et Centrale du 18 février au 8 mars 2014, successivement au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Gabon, a une allure, une ampleur et un contenu totalement nouveaux. Elle avait certes sans doute des objectifs politiques importants : renforcement en Afrique subsaharienne de l’influence globale du Maroc, seul rescapé à ce jour d’une Afrique du Nord affaiblie et pour l’instant repliée sur le règlement de ses problèmes internes ; utilisation par le monarque de cette audience accrue pour régler plus facilement les problèmes économiques et politiques du pays ; recherche d’un rôle plus déterminant dans le règlement de questions sensibles pour les deux parties, comme celui du Nord Mali. Mais la composante économique de cette mission est peut-être plus essentielle et, dans tous les cas, plus impressionnante.

 La délégation marocaine n’a pas compté moins d’une vingtaine des chefs d’entreprises les plus emblématiques du pays, qui étaient épaulés des principaux Ministres à responsabilité économique et de conseillers du Cabinet royal. Les trois grandes banques marocaines, le secteur des assurances, la société nationale de télécommunications, la compagnie aérienne, les principales sociétés de construction et de promotion immobilière, l’industrie du ciment, l’Office Chérifien des ¨Phosphates (OCP), constituaient l’ossature de la représentation des secteurs économiques. Ce n’est pas un hasard.  Royal Air Maroc avait agi en pionnier et, depuis plus d’une décade, emplit pour une part non négligeable ses avions à destination de l’Europe et des Etats-Unis grâce aux passagers africains qu’il vient chercher par ses nombreuses dessertes africaines. Les trois banques marocaines sont devenues sur les cinq dernières années les premiers acteurs des systèmes bancaires de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en prenant le contrôle de réseaux régionaux existants ou en rachetant in extenso les filiales d’une banque française, selon la stratégie choisie par les intervenants. Une percée de moindre ampleur a eu lieu en Afrique Centrale francophone mais devrait s’intensifier à l’avenir. En rachetant l’un des plus importants groupes régionaux d’assurances, une compagnie marocaine est devenue d’un coup incontournable en zone francophone. Maroc Télécom s’est implantée progressivement au Gabon, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Mali et est maintenant un acteur qui compte dans la région. De manière plus diffuse, certains produits de l’agriculture marocaine se déversent de plus en plus fréquemment sur quelques pays du Sahel. D’autres secteurs sont impatients de suivre cette voie de croissance externe. Les quelques grands de la construction, qui ont réussi avec brio dans le domaine du logement, et de l’habitat social en particulier, voient dans la forte croissance de la population et des villes africaines sur les trente prochaines années une chance unique de développement d’activités actuellement moins allantes au Maroc. De puissantes industries liées à ce secteur, comme les cimenteries, sont aux aguets de telles opportunités pour les même raisons. L’OCP, géant parmi les géants au Maroc, se sent un appétit nouveau mais gigantesque pour approvisionner toute l’Afrique subsaharienne en engrais.

Toutes ces entreprises ont été représentées dans la mission royale par leurs plus hauts dirigeants, de façon que des décisions effectives de coopération puissent être ratifiées sans délai. Elles ont été rejointes à quelques endroits clés de ce voyage, comme Abidjan et Libreville, par un nombre  beaucoup plus élevé de chefs d’entreprises marocaines, ce qui a permis de tenir dans ces villes un grand forum économique. Fort de cet accompagnement solide, Mohamed VI  s’est efforcé avec succès d’être très concret. Passant de quatre à cinq jours dans chaque pays, il a littéralement labouré tous les domaines qui pouvaient répondre aux visées expansionnistes des capitaines d’industrie de son pays et s’est efforcé de  repartir à chaque fois avec des résultats tangibles. La moisson a été riche : 18 accords de partenariat et de coopération signés au Mali, 26 conclus en Côte d’Ivoire par exemple. Les domaines concernés ont été nombreux et souvent analogues. Certaines conventions sont globales et prévoient des avantages réciproques : pour l’encouragement des investissements, l’appui aux exportations, la coopération touristique, les zones industrielles, la pêche et les activités portuaires dans certains pays côtiers. Certaines couvrent des aspects sociaux ou culturels, allant d’accords-cadres pour l’enseignement supérieur et la recherche en Côte d’Ivoire à la formation des imams au Mali. Mais l’essentiel concerne des projets d’implantations d’entreprises ou d’octrois de financements : ceux-ci sont d’ailleurs souvent conclus directement entre les Etats subsahariens intéressés et les sociétés marocaines leaders des secteurs visés, sous le patronage très rapproché du roi du Maroc. Les actions surtout  mises en valeur de part et d’autre ont été celles des banques et des sociétés de promotion immobilière. Les dernières ont annoncé la construction dans chacun des quatre pays de milliers de logements sociaux, économiques et de standing – jusqu’à 10000 en Cote d’Ivoire -, mais aussi de plusieurs complexes hôteliers. Les Présidents de chacune des trois banques présentes, pour leur part, se sont relayés pour signer une pleiade de conventions de financement de grande envergure, dont une bonne part était, directement ou non, au bénéfice des Etats visités.

Stratégiquement comme tactiquement, ce voyage est donc une réussite éclatante pour le Maroc et pour son souverain. Ceux-ci ont tous deux occupé totalement l’espace médiatique des quatre pays visités durant ces vingt jours. En choisissant à chaque fois ce séjour prolongé, Mohamed VI a en effet délibérément adopté une approche différente des visites éclairs que les Présidents des premières nations du monde, France comprise, effectuent toujours en Afrique. Pour les Africains, pour lesquels le temps n’est pas une denrée rare, ce choix est très apprécié et le message est clair : à la différence de beaucoup, le Maroc ne voit pas l’Afrique comme une destination parmi d’autres mais comme une vraie priorité, De plus, l’organisation, méticuleusement préparée selon les souhaits marocains, a été spécialement efficace. Le nombre élevé des conventions signées, le large spectre et le caractère stratégique des activités choisies pour ces accords, l’importance des engagements financiers pris par les principales compagnies du royaume ont donné une impression de puissance des acteurs marocains et de confiance de leur part en l’Afrique. Ces deux aspects s’accordent parfaitement aux souhaits des Autorités des pays hôtes, avides d’investissements étrangers, pour alimenter leur croissance économique, et de considération internationale, pour rehausser leur crédibilité auprès de leur propre opinion publique. En fin stratège qu’il est, le souverain chérifien a donc bien atteint tous ses objectifs économiques et, au moins dans son pays, politiques comme semblent le montrer les commentaires émis à la suite de sa mission. La balle est maintenant dans le camp de ses grandes entreprises, auxquelles il a donné un « coup de pouce » de premier plan et qui seront ainsi très logiquement ses obligées

En Afrique subsaharienne le bilan ne peut encore être totalement tiré. A court terme, celui-ci est incontestablement positif. L’attention accordée par le Maroc – deuxième investisseur du continent dans les pays d’Afrique subsaharienne après l’Afrique du Sud – flatte les pays visités et ouvre pour ceux-ci des perspectives séduisantes d’implantation de nouvelles entreprises et de réalisation de divers investissements, et donc de soutien au développement annoncé aux populations. Celles-ci ont par ailleurs, avec leur placidité habituelle, globalement accepté la place omniprésente laissée au Maroc dans leur pays pendant près d’une semaine. A moyen terme, l’appréciation dépendra d’abord de la capacité des entreprises marocaines et de leurs filiales subsahariennes à passer des effets d’annonce à des réalités vérifiables sur le terrain et capables de produire dans des délais raisonnables tous les effets annoncés. En la matière, les « tycoons » marocains, comme bien d’autres, sont susceptibles de mettre plus de temps que prévu à concrétiser leurs projets alors que la rapidité d’exécution est décisive pour les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale. La déception serait alors à la hauteur de l’espoir initial suscité par cette visite en fanfare. De plus, si tous les projets prennent corps, il serait laissé peu d’espace aux entreprises subsahariennes pour conquérir une place de choix dans leurs propres pays au sein des secteurs les plus prometteurs et les plus importants, alors que la réciprocité affichée des conventions signées, qui ouvre la porte à des investissements subsahariens au Maroc, risque de rester essentiellement virtuelle.

Les accords conclus doivent donc être observés avec attention pour apprécier leur application réelle et leurs aspects positifs. Il serait toutefois injuste de faire la fine bouche. Par cette  visite inédite, le Maroc apporte un appui de premier plan à l’Afrique au moment où les besoins et les ambitions de celle-ci se multiplient grâce au retour durable de sa croissance. Cette arrivée en force d’un nouvel acteur va également permettre de faire jouer la concurrence, toujours utile pour améliorer les prestations reçues. Il appartient donc aux Autorités africaines de profiter au mieux de l’aubaine pour accélérer et renforcer le développement de leurs pays respectifs, et d’utiliser cette étape pour faire éclore sur leurs territoires de nouveaux talents et de nouvelles opportunités. Alors, ce partenariat avec le Maroc sera bien gagnant-gagnant comme annoncé.

Paul Derreumaux

Bonnes ou mauvaises nouvelles d’Afrique : qui va l’emporter ?

Bonnes ou mauvaises nouvelles d’Afrique : qui va l’emporter ?

L’année 2013 ne s’est pas très bien terminée sur le continent. Dans tous les médias, internationaux comme locaux, les grands titres ne sont plus centrés sur la croissance résiliente du continent mais sur les guerres et les crises qui frappent certains de ses Etats. Centrafrique et Sud-Soudan, où les tensions sont devenues meurtrières et les évolutions difficilement prévisibles, font bien sûr la une des grands journaux et des télévisions. Mais dans de nombreux autres pays, la fragilité est souvent remise au premier plan. En Afrique du Sud, qui représente près de 25% du Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Afrique et la seule nation déjà considérée comme économiquement émergente, l’après-Mandela inquiète et beaucoup se demandent comment évoluera, en économie comme en politique, la « nation arc-en-ciel ». Au Mali, la réunification effective du pays reste en butte à des obstacles de fond tandis que le redémarrage des investissements s’effectue très lentement. En Côte d’Ivoire, la politique de réconciliation nationale est jusqu’ici peu convaincante, ce qui réduit l’impact positif des réformes structurelles engagées et des grands chantiers déjà lancés. Au Niger, le taux de croissance « à la chinoise » obtenu en 2012, soutenu par les débuts d’exploitation du pétrole et la mobilisation bien structurée d’importantes ressources extérieures, n’a pas empêché une crise politique récente. Au Cameroun et au Nigéria, le terrorisme rampant perturbe toujours des parties entières du territoire des deux pays. Au Kenya, le récent attentat terroriste de Nairobi et l’épée de Damoclès du jugement du Président et de son Vice-Président par la Cour Pénale Internationale (CPI) atténuent l’attractivité sur les investisseurs de ce pays au puissant potentiel et aux bonnes performances économiques. Dans la Somalie voisine, la guérison longtemps espérée de cette nation martyrisée est encore faiblement visible. A Madagascar, il aura fallu quatre ans pour espérer une sortie de crise qui est encore incertaine.

Ces exemples pourraient encore être multipliés. De ceux-ci émergent clairement quelques conclusions générales. D’abord, la montée, maintenant admise par tous, du risque alliant terrorisme et brigandage de grand chemin : très présent dans le Sahel et sur les voies maritimes, ce danger menace d’autres pays et peut, de cette base, déborder sur l’Europe. Cette question sécuritaire vient parfois s’envenimer localement de querelles religieuses, tribales ou claniques, rendant les solutions encore plus difficiles à mettre au point. Même lorsque ces risques ne sont pas au devant de la scène, la gestion politique parait frappée par de grands handicaps : faible nombre de leaders charismatiques, désintéressés et capables de concevoir une vision à long terme du pays ; tentations fréquentes de remise en cause des constitutions nationales ; accroissement généralisé des comportements prévaricateurs de décideurs politiques et administratifs. Derrière ces faits apparait surtout la carence croissante des Etats qui ne semblent pas en mesure de choisir les priorités, et a fortiori de les assumer, d’adapter les rythmes d’action à l’urgence et à l’ampleur des problèmes posés, de remplacer les anciennes cohérences sociologiques par de nouvelles organisations mieux ajustées aux  transformations structurelles requises par le développement

Pourtant, l’embellie économique de l’Afrique depuis le début des années 2000 est une réalité incontestable et généralisée. La croissance moyenne du PIB supérieure à 5% sur la période est connue et remarquable. L’évolution positive touche la grande majorité des pays malgré de fortes diversités de situations. L’accent de plus en plus porté sur les infrastructures routières et urbaines transforme la physionomie des pays, et surtout des capitales. Deux principaux facteurs expliquent l’essentiel de cette lame de fond qui a saisi le continent. Le premier est l’amélioration significative du cadre macroéconomique dans lequel fonctionnent une grande partie des nations africaines, et notamment subsahariennes : la diminution relative des déficits budgétaires, les efforts d’accroissement des recettes fiscales, la réduction drastique du volume de dette extérieure et de son poids sur les finances  publiques, l’amélioration des termes de l’échange sur une bonne partie de la période, la meilleure pertinence des politiques suivies ont facilité une meilleure atteinte des grands équilibres, en même temps qu’ils rassuraient et encourageaient les investisseurs. Parallèlement, les vingt années passées ont été pour certains secteurs synonymes de progrès intenses et même de rattrapage vis-à-vis des pays développés. C’est notamment le cas des télécommunications, où les taux de pénétration du téléphone mobile atteignent aujourd’hui près de 60% en moyenne, et des banques, où le dynamisme et la bonne santé du système bancaire subsaharien sont unanimement salués. C’est aussi le cas des productions minières et énergétiques, pour lesquelles sont intervenues de nombreuses découvertes et ont été réalisées de lourds investissements, soutenus notamment par la forte demande de grands pays émergents. La construction dans certains pays d’importantes infrastructures a constitué un autre moteur de la croissance observée, en même temps qu’elle portait à un bon niveau le bâtiment et les travaux publics. Ces diverses composantes de l’activité ont bien résisté à la crise financière majeure de 2008 et aux multiples facettes de la crise économique internationale qui ont suivi. D’autres aspects positifs pourraient être évoqués : progressive montée en puissance d’un secteur privé apportant plus d’efficacité et de dynamisme, même dans sa partie informelle qui reste dominante ; augmentation sensible des revenus moyens d’une frange de la population – cadres salariés, entrepreneurs individuels – qui modifie les niveaux et les modes de consommation ; vive poussée de l’urbanisation, qui facilite la couverture en équipements publics minimaux d’une plus grande partie de la population.

Ces moteurs de l’activité économique en Afrique devraient continuer à tourner à bon régime durant les prochaines années au vu des plans de développement qu’affichent les Etats et les  groupes concernés et de la vive concurrence qui aiguise les efforts de chacun. D’autres secteurs devraient voir leur niveau d’activité se renforcer à bref délai : dans l’hôtellerie par exemple, les projets d’implantation se multiplient, tant de la part de chaines internationales que de groupes africains ; les assurances, la production de ciment, la grande distribution comptent aussi parmi les domaines où se profilent des opérations d’expansion géographique. La rencontre de besoins considérables sur des plans très divers, d’un plus grand intérêt de beaucoup d’investisseurs pour le continent et du dynamisme des secteurs privés locaux, encore embryonnaires mais en essor constant, peuvent ensemble alimenter durablement le taux de progression des économies africaines.

Toutefois, en raison de la forte poussée démographique, ces améliorations amènent une évolution encore modeste et insuffisante du produit net par habitant. Pour accélérer la hausse de cet indicateur et imposer plus solidement la croissance économique africaine face aux dangers qui la menacent, plusieurs transformations majeures s’imposent à bref délai. L’une a trait à l’agriculture qui doit absolument devenir un enjeu prioritaire : il faut à la fois en améliorer  les performances et la productivité, réduire ses déperditions, mieux la sécuriser par rapport aux changements climatiques : au Niger, les mauvaises conditions météorologiques de 2013 ont ainsi entraîné un recul de la production agricole et une division par deux du taux de croissance global par rapport aux prévisions. Un deuxième centre d’intérêt privilégié doit être l’effort considérable à mener, quantitativement et qualitativement, en termes d’éducation et de formation professionnelle : il conditionne l’accroissement des chances de chacun dans une société en mutation et la capacité des pays à fournir des demandeurs d’emploi aptes à occuper les postes requis par les nouveaux secteurs porteurs de l’économie. Faute de cette action de masse, le chômage, déjà très présent, pourrait  devenir un péril socialement insupportable. Un troisième défi est celui du renforcement des capacités énergétiques, très déficitaire en de nombreux endroits par rapport aux besoins de l’économie comme à ceux des populations. Une quatrième orientation doit être d’accentuer au maximum les orientations et les mesures d’intégration régionale : celles-ci  accroissent les synergies, et donc les économies et l’efficacité, protègent mieux les pays membres, grâce à la pression commune, contre les risques de crise ou de corruption, et favorisent le lancement de projets majeurs : l’avancée progressive vers une union monétaire dans l’East African Community et le chantier de Boucle Ferroviaire en Afrique de l’Ouest en sont deux illustrations.

Si ces sujets reçoivent rapidement une réponse adéquate, l’Afrique a de bonnes chances de voir ses atouts triompher progressivement des handicaps qui persistent ou la menacent. La capacité d’imagination et d’innovation pour trouver des solutions efficaces aux maux qui la minent, telle la faiblesse dramatique de nombreux Etats assumant difficilement toutes les responsabilités qui leur incombent, sera décisive dans ce combat pour le développement. Dans celui-ci, il est probable que les nations progresseront en ordre dispersé et que certaines, mieux organisées ou déjà plus puissantes, avanceront en éclaireurs, ouvrant la voie à d’autres qui pourraient les suivre à quelque distance.

Paul Derreumaux

Afrique du Sud ou Nigéria ?

Afrique du Sud ou Nigéria : qui pourrait être le leader en Afrique ?

Dans une Afrique en mouvement, tout le monde n’avance pas au même rythme et ne dispose pas des mêmes forces. Dans cette compétition, le Nigéria et l’Afrique du Sud semblent à ce jour les mieux placés pour devenir le leader continental  et, de façon feutrée, commencent à s’affronter pour tenir ce rôle. Cette concurrence, au résultat fort indécis, amène de toute façon une émulation utile à tous.

Il est d’abord remarquable que les deux économies les plus puissantes du continent soient aujourd’hui celles de deux Etats d’Afrique subsaharienne. Cette primauté est récente. Le Produit Intérieur Brut (PIB) du Nigéria devance en effet celui de l’Egypte depuis 2010  et s’installe désormais derrière celui de l’Afrique du Sud : avec respectivement 371 et 318 milliards de dollars US à fin 2012, ces deux géants représentent ensemble près de 45% du PIB des 55 pays d’Afrique, et l’écart avec l’Egypte s’est creusé par suite des difficultés économiques nées du « Printemps arabe ».

Outre cette puissance inégalée sur le continent, Afrique du Sud et Nigéria ont en commun des richesses naturelles de grande ampleur –en particulier or, diamant et platine pour la première et pétrole pour le second- pour lesquelles ces nations sont au premier rang sur le continent mais aussi au niveau mondial. De même, leur économie est fortement diversifiée et comprend notamment un système industriel développé, spécialement en Afrique du Sud où il bénéficie d’une ancienneté et d’une sophistication souvent comparables à ceux des pays du Nord. Derrière ces ressemblances s’observent de nombreuses différences. En matière de système bancaire, l’Afrique du Sud est un monde à part et citée comme un modèle de solidité: ses quatre principales banques cumulent à elles seules plus de 35% des actifs du système bancaire africain et sont les seules du continent à pouvoir être comparées aux plus grandes institutions mondiales ; elles sont les fers de lance d’un appareil financier concentré dans ses acteurs mais diversifié dans ses modalités de financement de l’économie nationale. Au Nigéria, le système bancaire, longtemps peu crédible, a été brutalement assaini à partir de 2005, grâce à l’action musclée, à deux reprises successives, de la Banque Centrale qui a notamment provoqué une diminution drastique du nombre de banques agréées. Désormais reconnues comme fiables, appuyées par la présence de nombreuses institutions financières spécialisées, les banques nigérianes restent cependant loin derrière celles d’Afrique du Sud. En outre, engagées dans une politique de croissance externe depuis près de dix ans, elles n’ont pas effectué une percée continentale à la hauteur de leur surface financière – à l’exception de Ecobank au statut ambigu de banque à capitaux essentiellement nigérians mais ayant son siège à Lomé – alors que les banques Stanbic et Absa d’Afrique du Sud disposent de larges réseaux bien établis en Afrique de l’Est et Australe.

Pour les autres secteurs d’activité, le système économique nigérian, malgré sa consistance et sa diversification, reste globalement moins sophistiqué et réputé pour sa qualité que celui d’Afrique du Sud. Celle-ci compte dans plusieurs secteurs des champions qui ont essaimé leurs implantations dans de nombreux pays africains et ont même une taille mondiale : compagnies d’extraction aurifère, télécommunications, compagnie d’aviation, brasseries, grandes sociétés  de commerce de détail, hôtellerie, services divers. Au Nigéria, seules les performances de l’industrie cinématographique de Nollywood et des compagnies de nouvelles technologies ont acquis cette réputation internationale.

L’histoire de l’Afrique du Sud explique sans doute pour l’essentiel cette avance du pays. Institué en dominion fortement autonome en 1910, celui-ci a eu 100 ans pour construire une économie solide et fortement inspirée du modèle européen. L’isolement forcé dans lequel il s’est trouvé par suite de la politique d’apartheid a de plus forcé les entreprises à se fortifier dans tous les secteurs et à satisfaire le marché intérieur. L’entrée dans le régime démocratique en 1984 n’a pas profondément modifié le régime économique, resté essentiellement libéral. L’Afrique du Sud est à ce jour le seul pays africain reconnu parmi les grands pays émergents : les « BRICS ». Au Nigéria, l’économie a été très largement dominée dès l’indépendance en 1960 par le secteur pétrolier. La puissance de celui-ci a cependant généré, outre une corruption de grande ampleur à l’origine de nombreuses crises politiques, souvent violentes, un fort « syndrome hollandais » qui s’est longtemps traduit par la faiblesse de beaucoup d’autres activités, notamment agricoles.

Dans les cinq dernières années, le Nigéria a rattrapé une partie de son retard : avec ses 170 millions d’habitants, le pays le plus peuplé d’Afrique, qui occupera le troisième rang dans la population mondiale dès 2050 (1), exerce en effet une attractivité exceptionnelle par la taille de son marché et les potentialités de son économie. Il figure donc parmi les pays les plus prisés pour les Investissements Directs Etrangers (IDE) et enregistre un des taux de croissance du PIB les plus élevés du continent. Présenté comme l’un des plus probables membres de la nouvelle génération à venir des pays émergents, son PIB approche désormais 85% de celui de la République Sud-Africaine. Malgré ce rapprochement des économies, le passé différent des deux nations explique pour une bonne part le maintien de fortes divergences dans leurs orientations majeures : tournée vers le marché intérieur et, accessoirement, vers l’Afrique de l’Ouest et Centrale pour le Nigéria ; davantage focalisée sur l’Afrique de l’Est et Australe et, surtout, sur l’international pour l’Afrique du Sud.

Pour les indicateurs par habitant, le tableau est moins favorable pour le challenger : avec un revenu moyen par habitant proche des 1800 USD, la situation du Nigeria reste plus de quatre fois inférieure à celle de l’Afrique du Sud, illustration conjointe du développement plus ancien mais aussi de la transition démographique déjà effectuée de la seconde. En termes d’indicateurs sociaux, l’écart est moins tranché: certes, l’Afrique du Sud est mieux placée pour le taux d’alphabétisation, qui y approche 90%, et l’indice onusien du Développement Humain, pourtant encore médiocre, mais les espérances de vie moyennes sont presque identiques. Dans les deux pays, les inégalités sociales sont criantes et les quartiers huppés de  Victoria Island à Lagos et de Sandton ou Melrose à Johannesburg ne sont que des ilots de luxe au milieu de la masse des bidonvilles et townships. En Afrique du Sud, en particulier, la politique du Black Empowerment n’a concerné qu’une infime minorité de Noirs sans changer significativement la condition du plus grand nombre et, si les deux pays comptent les deux hommes les plus riches du continent, ils sont aussi recensés parmi ceux où la pyramide de distribution des richesses et des revenus est la plus  inégalitaire.

En matière politique, les deux nations sont bien en compétition. Celle-ci s’exprime d’abord au niveau des organisations régionales et des politiques de coopération/intégration/conciliation qui y sont promues. L’Afrique du Sud domine la Southern African Development Community (SADC) et le Nigéria la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). A travers elles, les deux pays s’efforcent de peser, avec un succès variable, sur le règlement des conflits nationaux relevant de leur zone d’influence : Cote d’Ivoire, puis Mali et Centrafrique à l’Ouest ; Madagascar dans la SADC. Le Nigéria pousse aussi, avec difficulté, à une intégration monétaire de la CEDEAO qui donnerait au naira un rôle dominant et renforcerait son économie. L’Afrique du Sud, bien positionnée à l’Union Africaine, siège au G 20 mondial et cherche  à être le premier Etat à représenter durablement l’Afrique aux Nations Unies. Tous ces efforts sont cependant contrecarrés par les graves difficultés vécues de l’intérieur. Les Autorités Nigérianes doivent notamment affronter en même temps les terroristes de Boko Haram dans le Nord et une corruption à grande échelle qui touche tous les secteurs, et notamment l’exploitation pétrolière. Les dirigeants Sud-Africains sont en butte à une fuite importante de la main d’œuvre la plus qualifiée, qu’ils n’arrivent pas à endiguer, à des tensions sociales persistantes dans le secteur clé des mines et au ralentissement durable de leur économie. Les toutes prochaines élections dans les deux pays sont marquées par la même incertitude en raison du changement normalement obligatoire du principal dirigeant.

Cette mise en parallèle, tant économique que politique et sociale, du Nigéria et de l’Afrique du Sud, ne met donc pas clairement en évidence que l’un des deux champions actuels de l’Afrique est appelé à prendre rapidement l’ascendant sur l’autre. Chacun doit soigner des faiblesses aussi sérieuses que ses atouts sont solides. Le dynamisme actuel supérieur du Nigéria reste fragile et n’efface pas encore l’avance incontestable de l’Afrique du Sud dont les ressorts de croissance semblent érodés. Aucun ne devrait donc s’imposer vraiment dans les deux prochaines décennies même si chacun arrive à renforcer son empreinte dans sa zone d’influence respective. Pendant cette période, quelques outsiders pourraient apparaitre ou revenir dans la course en tête : l’Egypte, si elle règle sa fracture actuelle ; l’Algérie, si elle sait mieux profiter de sa formidable rente pétrolière ; le Maroc si sa stratégie offensive d’alliances subsahariennes sait tenir compte des exigences locales ; une Afrique de l’Est unie emmenée par le Kenya ; une Afrique francophone de l’Ouest revivifiée et solidement alliée avec le Ghana. La bataille promet d’être passionnante au fur et à mesure que les appétits s’éveilleront. Elle montre dans tous les cas que l’Afrique n’a plus le visage des anonymes et veut s’inscrire au rang de ceux qui construisent le monde de demain. Même si le chemin en est encore très long, difficile et incertain, il faudra reconnaitre à l’Afrique du Sud et au Nigéria d’en avoir ouvert  la voie au nom de l’Afrique subsaharienne.

(1) L’Afrique du Sud n’est actuellement qu’à la cinquième place sur le continent avec quelque 50 millions d’habitants.

Paul Derreumaux

Actualité bancaire africaine

Brèves réflexions sur l’actualité bancaire africaine.

En septembre dernier, quelques pronostics paraissaient vraisemblables quant aux possibles évènements marquants du système bancaire d’Afrique subsaharienne sur la période 2013/2014 (1). Quatre mois après, certaines pistes d’évolution annoncées se précisent tandis que d’autres aspects importants pourraient apparaitre.

Une première hypothèse émise concernait le ralentissement probable, à court terme, des spectaculaires opérations de rapprochement/expansion qui avaient marqué les cinq dernières années. Cette orientation semble pour l’instant confirmée et la seule transaction d’envergure présentement sur le devant de la scène vise, comme prévu, la privatisation au Nigéria de trois banques restructurées. Encore ce processus risque-t-il, malgré la pression des prochaines échéances électorales dans le pays, de dépasser les délais attendus en raison de la taille des dossiers et du nombre probablement élevé des candidats acheteurs.

Face à cette temporisation, des groupes ambitieux mais de moindre taille occupent le terrain et continuent à tisser leur toile. La banque camerounaise Afriland First Bank, fort éclectique dans la localisation de ses implantations, vient d’être autorisée à acquérir Access Bank en Côte d’Ivoire et négocie en vue de l’installation d’une filiale au Bénin. Elle retrouvera à Abidjan la banque burkinabé Coris Bank, tout récemment opérationnelle: celle-ci, maintenant numéro deux dans son pays, confirme par cette création « ex nihilo » sa volonté d’expansion régionale, après sa tentative avortée au Niger. Même la Banque de Développement du Mali (BDM), leader jusqu’ici peu remuant du système bancaire malien, affiche sa future expansion au Burkina et en Côte d’Ivoire. L’ivoirienne Bridge Bank, maintenant bénéficiaire, vient d’acheter au Sénégal la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE).

A ces mouvements s’ajoute, dans nombre de pays, surtout anglophones, la poursuite de l’arrivée de petites banques privées. L’augmentation du nombre d’établissements bancaires qui en résulte s’observe dans presque chaque système national : le seuil des 20 banques est souvent franchi – 24 en Côte d’Ivoire, 26 au Ghana, 36 en Tanzanie – et la présence d’une bonne quarantaine de banques au Kenya surprend moins qu’auparavant. La concurrence s’intensifie à due proportion et contribue à une progression continue de la bancarisation des populations. Toutefois, les lourds investissements requis par l’activité bancaire et les contraintes croissantes de « compliance » apparaissent difficilement compatibles avec l’augmentation du nombre d’établissements et la survivance d’acteurs de tailles trop diverses faisant tous le même métier.

L’exemple des pays du Nord ou, en Afrique, des pays majeurs comme le Nigéria ou l’Afrique du Sud est à cet égard illustratif des tendances les plus prévisibles à moyen terme. Au plan opérationnel, une différentiation croissante de la profession est probable avec, d’un côté, la diminution du nombre total de banques généralistes et l’augmentation du poids relatif des plus importantes de celles-ci et, face à cette concentration renforcée, la multiplication d’institutions spécialisées : « banques de niche » tournées vers les particuliers haut de gamme, sociétés de crédit à la consommation, sociétés de crédit-bail… Au plan capitalistique, au contraire, le nombre d’acteurs devrait continuer à se réduire, les principales institutions étant souvent appelées à devenir les sociétés mères des sociétés spécialisées.

Cette orientation logique, bien engagée dans les cinq dernières années, pourrait cependant être  plus lente que prévu à se concrétiser. Les principaux groupes africains, moteurs des grandes opérations récentes, doivent consolider leurs implantations et leur organisation centrale, et rechercher des ressources ou des alliés pour étendre la construction de leurs réseaux sans en perdre le contrôle. C’est ce contrôle que cherchent sans doute les puissants acteurs bancaires moyen-orientaux ou asiatiques : ceux-ci disposent en effet des moyens financiers requis, mais leur expertise n’est guère adaptée ni aux économies africaines petites et peu diversifiées, ni aux challenges que leurs équipes devraient obligatoirement relever en cas d’implantation directe de leur part. Les groupes français et anglais restent toujours essentiellement réduits à Barclays et la Société Générale : celles-ci ont cependant visiblement l’une et l’autre la volonté de défendre vigoureusement leurs positions encore solides. La Société Générale, en particulier, annonce un plan ambitieux d’ouverture de 70 agences sur le continent en 2014 et s’efforce de prendre de l’avance sur le « mobile-banking ».

A côté des banques, la seule composante des systèmes financiers qui pourrait enregistrer un renforcement à bref délai est probablement celle des marchés boursiers. Ceux-ci sont maintenant nombreux sur le continent, mais restent dans l’ensemble étroits et peu animés. Ici encore, l’espace francophone se distingue par un retard sensible : dans les dix dernières années, la bourse y a été bien davantage utilisée par les Etats pour le financement de leurs besoins, en remplacement du recours à la Banque Centrale, que par les nouvelles cotations ou les émissions d’actions supplémentaires des grandes sociétés privées.

L’environnement pourrait évoluer favorablement à bref délai. Les Autorités de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) par exemple, encouragées par quelques institutions internationales, ont adopté ou préparent des mesures pouvant conduire à une dynamisation du marché : remplacement possible des garanties exigées par une notation pour les emprunts obligataires, mise au point d’un calendrier annuel des émissions de titres des Etats, institution d’un mécanisme de protection pour les emprunts publics, annonce en Côte d’Ivoire du recours au marché pour de nouvelles privatisations. Pourtant, les changements doivent être menés plus rapidement et à plus large échelle. Dans tous les pays, la profondeur du gisement d’épargne locale est en effet certaine : toutes les émissions d’actions ou d’obligations, même les plus risquées, sont jusqu’ici entièrement souscrites, souvent très largement. Beaucoup d’investisseurs individuels ou institutionnels, et notamment les compagnies d’assurance, sont en particulier friands d’actions, aussi bien pour la bonne progression récente des cours que pour des raisons réglementaires et d’étroitesse des autres choix possibles. Pour exploiter ces potentialités, il conviendrait d’avancer dans trois directions : créer un marché financier fiable dans les zones où les structures sont absentes ou peu opérationnelles malgré les opportunités existantes, comme en Afrique Centrale francophone ; approfondir et faciliter dans de nombreuses bourses l’accès aux marchés et leur attractivité par des actions simultanées sur les coûts, la diversité des instruments, la souplesse des réglementations ; renforcer partout où nécessaire la liquidité des titres en agissant à la fois sur les comportements des investisseurs et sur les modalités de fonctionnement des bourse.

Pour d’autres aspects, les tendances prévues sont au rendez-vous. La question des risques encourus, qu’ils soient relatifs aux contreparties ou aux opérations, devient de plus en plus centrale : la pression des Autorités s’ajoute aux préoccupations des Groupes eux-mêmes au vu de l’évolution de leurs bilans  et explique que des actions de fond soient entreprises sur ce thème par diverses banques. La baisse des taux d’intérêt se poursuit à un rythme ralenti : malgré le manque d’enthousiasme des acteurs du secteur, elle semble à la fois inéluctable et souhaitable, essentiellement pour que se réalisent le renforcement des investissements des entreprises nationales et l’essor du secteur immobilier. Au plan des activités enfin, la concurrence entre les banques continue à s’intensifier comme prévu : les résultats dans l’ensemble très satisfaisants qui seront atteints en 2013 confortent en effet les établissements sur la pertinence de leur stratégie et sur les bonnes perspectives de profit que peut générer une politique très active dans la densification des réseaux d’agences et de la gamme des produits.

En ce dernier domaine, un terrain encore largement vierge est celui du rapatriement de l’épargne des diasporas africaines. Malgré les crises économiques dans les pays du Nord depuis 2008, ces flux ont continué à  prospérer et représentent pour certains pays subsahariens – Comores, Kenya, Mali, Sénégal par exemple – des montants remarquablement élevés à l’échelle des Etats intéressés. Les banques n’y jouent encore qu’un rôle marginal face à d’autres circuits, parfois totalement informels, alors qu’elles sont logiquement les mieux placées pour résoudre un problème crucial posé par ces mouvements financiers : leur utilisation efficace vis-à-vis des besoins permanents considérables des pays africains pour le financement de leur développement. Une percée des banques africaines sur ce créneau exige de leur part une politique de proximité maximale auprès d’une clientèle très éparse et difficile d’accès. Elle suppose donc une accélération dans la construction des réseaux locaux, une plus grande audace dans les implantations hors d’Afrique et une politique plus accommodante des Autorités des pays où s’est installée cette diaspora vis-à-vis des flux financiers concernés. De fortes avancées sont possibles, mais le temps presse car les sociétés de télécommunications s’installent avec fore et compétitivité sur ce secteur.

Ces observations sont finalement rassurantes sur la cohérence des évolutions constatées. Certes, les concentrations majeures, qui semblent toujours inévitables, n’apparaitront sans doute pas dans les toutes prochaines périodes. Cependant, la vitalité du secteur est confirmée, ainsi que son renforcement en cours et l’importance des nouveaux champs d’activité possibles. Le cap positif est bien maintenu, seule la vitesse d’avancement n’est pas assurée.

(1) Cf. « Quoi de neuf dans les banques subsahariennes pour la rentrée » in African Banker (octobre 2013), repris dans le présent blog en novembre 2013.

Paul Derreumaux

 

L’Afrique de l’Ouest francophone

L’Afrique de l’Ouest francophone en pole position ?

Dans une Afrique subsaharienne qui semble désormais bien ancrée dans le développement économique, la partie francophone de l’Ouest apparait souvent comme moins dynamique et moins bien lotie en termes de résultats. Pourtant, ses atouts actuels pourraient la placer rapidement en position plus avantageuse, surtout si elle parvient à réaliser quelques réformes majeures.

Pour l’Afrique subsaharienne, la globalisation des données économiques a une valeur limitée en raison de la mosaïque qui résulte de l’existence des quelque 50 nations qui la composent.  Certes, l’embellie constatée depuis le début des années 2000, et maintenant ressassée à longueur de conférences, touche plus ou moins tous les pays et rassure donc sur une réelle tendance de fond. Toutefois, pour les économistes comme pour les voyageurs, les réalités sont multiples. Deux d’entre elles ont fortement marqué les dernières années passées : l’Afrique de l’Est anglophone apparait plus ouverte aux réformes et plus performante ; dans l’Afrique francophone, la zone Centrale a davantage d’atouts naturels pour alimenter sa croissance

La position moins privilégiée de l’Afrique de l’Ouest francophone au plan économique a été aggravée par les évènements politiques qui ont frappé ces dernières années plusieurs de ses membres: coup d’Etat au Niger ; guerre civile meurtrière en Côte d’Ivoire ; coup d’Etat et guerre au Mali. De 2009 à 2012, le Kenya a ainsi vu son Produit Intérieur Brut (PIB) croitre de 15% de plus que celui de la Côte d’Ivoire, leader de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), et son PIB par habitant, calculé en termes de Parité de Pouvoir d’Achat (PPA), est passé devant celui du citoyen ivoirien.

Pourtant, quatre facteurs devraient notamment être plus favorables à l’UEMOA sur la période qui s’ouvre.

Le premier est une meilleure stabilité politique, condition permissive essentielle d’un développement durable et inclusif. Aucune élection majeure n’interviendra dans la zone avant fin 2015 et il est probable que les dispositifs constitutionnels actuels seront partout sauvegardés. Dans plusieurs cas, de nouveaux dirigeants, ayant une vision claire et volontariste du destin possible de leur nation et de leur peuple, sont en place et ont une chance raisonnable d’être réélus. Les différents évènements dramatiques récents ont conduit à une présence de longue durée de forces militaires régionales et internationales : celles-ci pourraient empêcher plus efficacement le retour à de graves turbulences, et surtout une résurgence forte du terrorisme, ennemi déclaré du développement.

Le second est la multiplication récente d’importantes nouvelles découvertes minières et pétrolières dans l’Union: or au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Mali; charbon au Niger; pétrole au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Niger; uranium au Niger et sans doute au Mali ; zinc au Burkina Faso, zircon au Sénégal,…. Le niveau élevé des cours mondiaux et la vigueur de la demande font que, à la différence de situations passées, ces gisements devraient être mis en exploitation rapidement, ce qui contribuera à une vive poussée des investissements puis des recettes publiques et des exportations. En même temps, attentives aux effets négatifs du syndrome hollandais déjà observé ailleurs, les Autorités nationales tendent à veiller davantage à un meilleur impact de ces investissements sur l’essor d’autres secteurs ou des entreprises nationales, et sur le niveau et l’affectation des recettes publiques.

Le troisième réside dans la priorité accrue donnée à la construction d’infrastructures. Le secteur des télécommunications a montré la voie grâce à quelques grands groupes privés qui ont amené l’Union aux standards moyens du continent. Dans les infrastructures routières et urbaines, les chantiers se sont intensifiés. On circule désormais par route bitumée de Dakar à Maradi et de Cotonou à Agadez. Abidjan construit son troisième pont, Niamey ferait bientôt de même, Bamako pense au quatrième. La future Boucle Ferroviaire régionale, initiée par le Niger mais intéressant quatre Etats voisins, sera un puissant catalyseur de croissance économique et d’aménagement du territoire. Outre leur forte contribution au PIB, ces projets changent la physionomie des capitales, réduisent l’enclavement de nombreuses régions, favorisent la croissance de la production et des échanges. Le secteur énergétique, souvent défaillant, pourrait réduire son retard si les ouvrages en cours ou projetés sont mis en production dans les délais : barrages hydroélectriques en Côte d’Ivoire, au Mali et au Niger, centrales thermiques au Sénégal et au Niger, grande unité de biomasse en Cote d’Ivoire.

Enfin, la solidité des institutions et du fonctionnement de l’UEMOA, l’avancée dans l’intégration des Etats, de leurs économies et de leurs politiques économiques, l’existence d’un espace financier unifié et d’une monnaie commune, la résilience de l’Union face aux crises nationales soutiennent la croissance dans la région. Prises ensemble, elles introduisent un cadre global cohérent et contraignant qui oblige chaque Etat membre à améliorer sa gouvernance, et constituent pour les entreprises une puissante incitation à l’expansion des affaires, et donc des investissements.  Certes, les insuffisances sont encore nombreuses et les progrès pourraient être plus rapides. Mais aucun retour en arrière ne semble constaté et l’UEMOA sert plutôt de référence sur le continent.

Ces éléments expliquent  pour une bonne part le fait que la progression du PIB de la zone, supérieure à 6% en 2012 et, sans doute, en 2013, atteindrait selon diverses estimations 7% en 2014, avec une inflation toujours maîtrisée. Pour les raisons évoquées ci-avant, ce rythme pourrait également s’afficher au moins en 2015. Pourtant, en raison de la forte poussée démographique qui va se prolonger, il faut aller au-delà. Pour gagner chaque année les 1 à 2% qui feront la différence à moyen terme, au moins trois mutations semblent indispensables.

La transformation la plus urgente et la plus pertinente est celle qui contrera la faible efficacité, voire la défaillance, croissante des appareils d’Etat et des secteurs publics. Leur poids et leur influence, nettement plus lourds en zone francophone, rendent ici cet aspect spécialement névralgique. Les actions parfois menées au plus haut niveau en termes de planification et d’assainissement sont largement perturbées par l’inertie destructrice d’une partie de l’administration, la voracité d’une corruption étendue et la mauvaise adaptation fréquente des lois et règlements aux données locales, qui multiplie les occasions de passe-droit. Les seules solutions seront une moindre présence du secteur public dans la sphère productive, l’amélioration rapide et multiforme du climat des affaires, le renforcement de la transparence et de la diligence dans les décisions administratives et judiciaires, l’inculcation d’une culture du mérite dans la fonction publique. L’Etat doit être fort mais juste, rigoureux mais non prédateur, incitatif plutôt que répressif.

Une deuxième priorité est celle d’un secteur primaire plus moderne et plus productif, dans les cultures de rente autant que dans l’agriculture vivrière et dans l’élevage : sa consolidation aurait des conséquences très positives sur la régularité du taux de croissance comme sur l’amélioration de la sécurité alimentaire des populations. Les transformations exigées sont cependant à la fois techniques, organisationnelles et mentales, et demandent donc temps et persévérance : les engagements pris en la matière après la crise alimentaire de début 2008 n’ont pas été respectés. Des actions prometteuses sont entreprises comme l’« Initiative 3N » au Niger, qui vise surtout les productions vivrières et s’illustre par le caractère transversal de sa démarche, ou les « Pôles de croissance intégrés » au Burkina-Faso, qui ciblent le développement équilibré de vastes périmètres, basé sur l’agriculture. Elles sont à multiplier. On peut aussi imaginer que l’Union elle-même promeuve un grand projet régional, telle l’exploitation maximale de l’immense delta de l’Office du Niger, qui rentabiliserait les importantes installations existantes et provoquerait une poussée de la production agricole au niveau communautaire. Le secteur primaire jouerait alors un rôle moteur du développement global, comme il l’a fait sous d’autres cieux ou précédemment en Côte d’Ivoire.

La troisième doit concerner le binôme éducation-formation. Les statistiques encourageantes sur l’accroissement du taux de scolarisation sont en partie virtuelles en raison de la faible qualité moyenne des enseignements de base et secondaire dans beaucoup d’établissements, publics comme privés. Dans les pays où un langage vernaculaire est dominant, l’usage du français, langue officielle, tend même parfois à diminuer, même au niveau professionnel, ce qui pénalise notamment l’introduction des nouvelles technologies. En termes de formation, le paysage est partout caractérisé à la fois par le fort excédent de diplômés insuffisamment qualifiés dans certaines formations tertiaires et le grave manque de techniciens spécialisés dans des secteurs comme l’industrie, le bâtiment ou l’informatique par exemple. Cette situation peut favoriser le retour de jeunes diplômés de la diaspora mais handicape définitivement ceux qui n’ont pu étudier à l’extérieur du pays. Des changements profonds et rapides sur ces terrains sont donc indispensables tant pour assoir la croissance économique sur un socle plus diversifié et inclusif que pour éviter l’explosion sociale pouvant  résulter de la montée massive du chômage..

Des coups de pouce  pourraient favoriser la réalisation de ces préalables, tel celui de l’Initiative pour le Sahel que viennent de lancer conjointement les plus puissantes institutions internationales. Le projet prévoit en effet la mobilisation de plus de 8 milliards de dollars US pour des investissements structurants, centrés en particulier sur les infrastructures, l’énergie et la formation, dans six pays du Sahel : l’UEMOA en serait un bénéficiaire majeur. Celle-ci doit donc saisir sa chance en jouant simultanément de ses points forts et de sa solidarité : même si les pays avancent à leur rythme propre et s’il existe des « locomotives », il est essentiel que l’Union tout entière arrive à destination.

Paul Derreumaux