Afrique Subsaharienne : les nouvelles fractures

Afrique Subsaharienne : les nouvelles fractures

La fracture numérique, stigmatisant un maintien de l’Afrique subsaharienne hors de la révolution des nouvelles technologies de la communication, est apparue longtemps comme une menace majeure. La vitesse avec laquelle les activités qui y sont liées se sont étendues dans les pays du Nord et le retard pris par la zone subsaharienne dans le démarrage de cette révolution laissaient croire à un impossible rattrapage. Cette crainte est aujourd’hui atténuée. Les progrès phénoménaux réalisés en Afrique dans l’utilisation du téléphone mobile, la forte montée en puissance du « mobile banking », facilitant une inclusion financière plus large, l’agilité des jeunes entrepreneurs pour les nouvelles possibilités du numérique rendent plus optimiste quant à la capacité de l’Afrique à s’associer à cette mutation.

Si ce danger décroit d’intensité, d’autres s’amplifient qui mettent à part la région subsaharienne face au reste du monde et rendent plus difficiles son développement. Au moins trois autres fractures paraissent  à cet égard déterminantes.

La plus grave est sans conteste la fracture démographique. L’Afrique devrait concentrer au XXIème siècle plus de 50% de la croissance de la population mondiale et pèsera dès 2050, avec ses 2,4 milliards de personnes, plus de 25% des habitants du monde, contre seulement 12% en 2000. Toutes les autres régions du globe seront au contraire caractérisées par un ralentissement de leur progression de leur population, voire par un recul de celle-ci. L’inertie des mouvements démographiques rend à la fois ces hypothèses très probables, et sans doute minimales, et le changement des tendances seulement possible à long terme. Cette vive poussée est présentée par les optimistes comme un atout pour le continent, en raison de ses promesses pour une croissance économique stimulée par la forte hausse de population active et l’émergence des classes moyennes. Or deux constats imposent une vision plus pessimiste. D’abord, les créations d’emplois, y compris informels, ne suivent nulle part le rythme d’arrivée des actifs sur le marché du travail, ce que ne mettent pas en valeur des statistiques officielles de chômage biaisées par des définitions peu pertinentes. Ensuite, les carences des systèmes éducatifs et de formation professionnelle n’apportent pas aux systèmes économiques suffisamment de demandeurs d’emploi répondant aux besoins en main d’œuvre qualifiée des secteurs à forte valeur ajoutée. L’accroissement des actifs et des consommateurs est donc loin d’aller automatiquement de pair avec celui de la  population. De plus, suite à ce double hiatus, l’émigration, notamment des jeunes, devrait rester pour beaucoup de nations africaines une variable d’ajustement inévitable en complément des mesures en faveur de l’emploi et d’une meilleure formation. Dans les pays du Nord, la diminution des populations actives et la désaffection des nationaux pour certains métiers pourraient trouver une solution dans cette émigration africaine. Les esprits ne semblent pourtant pas prêts à la mettre en œuvre de façon consensuelle, ni dans les pays de départ ni dans ceux d’accueil, au risque de devoir gérer le moment venu des tensions plus fortes nées d’une aggravation des écarts entre les zones.

Une deuxième différence majeure est celle de la gouvernance. Certes, celle-ci est loin d’être toujours exemplaire dans les nations avancées comme le montrent les avatars récents du choix du  Brexit, des résultats de la dernière élection américaine, voire des péripéties de la présidentielle française. Mais, dans ces cas, des contrepouvoirs savent ensuite montrer leur puissance et réintroduire rapidement, après ces poussées de fièvre, une bonne dose de rationalité ou de modération. En Afrique, où l’importance d’un leadership de grande qualité est aussi essentielle en raison de l’importance des choix à opérer et des actions à mener, la situation de la gouvernance politique, administrative et économique est souvent beaucoup plus contestable. Des pratiques électorales au fonctionnement des entreprises en passant par la qualité des dirigeants politiques, les dommages causés par la corruption et les oppositions administrations/secteurs privés, les faiblesses sont multiples, et les améliorations trop lentes. De plus, la rareté et la faiblesse des contrepouvoirs tout autant que le silence ou la tolérance des partenaires étrangers  sont autant d’incitations manquantes aux changements. Faute d’accélération de ceux-ci, il est à craindre que cette fracture des gouvernances soit aussi un handicap majeur du continent.

La fracture énergétique constitue un troisième péril. Parmi toutes les infrastructures, l’énergie est une de celles où les investissements réalisés ont été jusqu’au début des années 2010 les plus insuffisants : ainsi, malgré les progrès atteints dans la production et la distribution d’énergie électrique, le pourcentage de personnes connectées aux réseaux nationaux est le plus faible du monde et le nombre  total d’individus n’ayant pas accès à l’électricité continue à croître en valeur absolue. De plus, les réalisations en termes d’énergie renouvelable sont encore modestes, surtout en comparaison avec les potentialités du continent pour l’hydraulique, l’éolien et le solaire. La lourdeur des autorisations administratives requises, la faible liberté parfois laissée aux initiatives privées, le coût élevé des projets sont autant de freins à l’essor de ces énergies nouvelles. Pendant ce temps, les pays avancés semblent avoir définitivement donné la priorité à ces énergies qui devraient être majoritaires sur leurs sols dans quelques décennies. L’Afrique risque donc de connaitre ici encore un profond écart, à la fois quantitatif et qualitatif, avec les régions les plus développées, qui sera lourd de répercussions négatives sur ses performances à venir et sur les changements climatiques.

Les pays subsahariens qui réussissent à arrêter ou à réduire tout ou partie de ces fractures sont pour l’instant très minoritaires et leurs succès fragiles et réversibles. Ils montrent cependant que, heureusement, le pire n’est jamais sûr, et donnent espoir à tous. Leurs avancées donnent dans tous les cas quelques leçons. La première est le rôle déterminant des Autorités politiques nationales, et donc des qualités que celles-ci doivent réunir, dans le comportement, dans la réflexion et dans l’action. La deuxième est que le salut viendra d’abord des pays du continent eux-mêmes et de leurs capacités à consentir les efforts nécessaires, à conduire les changements requis et à œuvrer avec ténacité dans les bonnes directions. La troisième est le rôle d’accélérateur que pourraient jouer les partenaires étrangers s’ils acceptent de faire eux-mêmes les réformes d’approche qui s’imposent et de consacrer au développement économique de l’Afrique les ressources financières depuis longtemps promises.

Paul Derreumaux

Crowdfunding en Afrique : le meilleur et le pire

Crowdfunding en Afrique : le meilleur et le pire

 

Le « crowdfunding », ou financement participatif, est une idée ancienne remise au goût du jour par l’évolution des techniques. En l’occurrence, il évoque le financement d’un projet ou d’une structure sans intermédiaires, telles les banques ou la bourse, par une mise en contact directe entre un demandeur et des offreurs de ressources financières. Le processus est ancien : les appuis financiers amicaux et familiaux, les dons, les sociétés mutuelles, par exemple, ont de tous temps relevé de ce principe. L’arrivée massive de l’internet à la fin des années 1990, puis des réseaux sociaux, a fourni un nouvel instrument au service de cette approche communautaire, par la création de plateformes informatiques facilitant et accélérant cette entrée en relation. Les industries artistiques (cinéma, musique) en ont été les précurseurs. La pratique s’est ensuite largement répandue à d’autres secteurs, notamment l’immobilier et les « start-up » des nouvelles technologies. Les « business angels », institutions d’appui à la création de jeunes entreprises, y ont trouvé un moyen bien adapté à leurs objectifs et ont  contribué à sa diffusion. D’autres éléments jouent aussi pour expliquer l’audience croissante du crowdfunding : profusion actuelle de capitaux en quête de placements, espoir de rémunérations élevées face à des placements classiques aux taux très bas, goût de plus en plus prononcé pour des actions de solidarité sont quelques-uns de ces facteurs. Même s’il reste encore un mode financement très minoritaire, le crowdfunding fait donc aujourd’hui partie du paysage financier des pays du Nord.

Le terme et son contenu ont récemment pénétré l’Afrique où la question des ressources propres des entreprises est encore plus difficile et où toute nouvelle idée est la bienvenue. Certes, les plateformes informatiques spécifiques sont encore rarissimes mais, sous des formes plus traditionnelles et moins automatisées, l’Afrique subsaharienne a déjà accueilli diverses expériences de ces financements participatifs.

Certaines ont été des réussites. L’une des plus remarquables en zone francophone est sans doute celle qui a présidé à la naissance des deux premières BANK OF AFRICA et de leur holding African Financial Holding (AFH), qui ont été à l’origine d’un des principaux groupes bancaires africains. Les BANK OF AFRICA du Mali et du Benin ont ainsi rassemblé pour leur création « ex nihilo », respectivement en 1982 et 1989, des centaines d’actionnaires privés nationaux. A cette fin, les promoteurs ont multiplié dans chaque cas les réunions pour toucher directement le public le plus large, parfois avec l’appui de leaders d’opinion, et le convaincre d’investir même modestement. La force et la qualité de ces contacts directs ont été  déterminantes pour le succès de ces opérations et l’entrée en bourse ultérieure de ces sociétés, bien réussie, a prouvé le maintien de ce climat de confiance. Cette même confiance mutuelle basée sur des contacts étroits et un « parler vrai » des promoteurs a eu les mêmes résultats positifs au niveau de la holding, où le capital a été multiplié par 200 et le nombre d’actionnaires par 10 en 20 ans. Les multiples nationalités de ceux-ci ont seulement rendu l’exercice encore plus difficile sans vraiment l’entraver.

A l’opposé, de graves constats d’échec sont observés. L’un des plus récents est celui des « projets d’agro-business » privés – hévéa, cultures maraîchères –  lancés en Côte d’Ivoire en 2016. Au terme d’une habile campagne de promotion et de promesses mirifiques de rendement, des dizaines de milliers de souscripteurs, de l’intérieur et de la diaspora, ont apporté directement à quelques sociétés privées des ressources évaluées à plusieurs dizaines de milliards de CFA. Les réalisations n’ont cependant pas suivi et une bonne partie des fonds réunis a disparu des comptes bancaires des sociétés concernées. Devant la menace d’une crise sociale, l’Etat a été contraint d’engager lui-même début 2017 le remboursement des fonds ainsi disparus, en attendant d’hypothétiques autres solutions. Des nations comme le Nigéria affrontent régulièrement de telles difficultés. De même, dans l’immobilier, il est fréquent de rencontrer des promoteurs qui collectent auprès des ménages de premières souscriptions pour la réalisation de programmes de logements et disparaissent avant la fin de ceux-ci. L’effet de telles malversations pénalise gravement les entrepreneurs sérieux qui souhaitent recourir au financement participatif et retardent d’autant des investissements utiles.

Pour contrer ces risques, les pays les plus avancés mettent peu à peu en place des réglementations qui encadrent le système de mobilisation d’une épargne collective, limitent les abus possibles et prévoient des sanctions. Ces garde-fous seraient sans doute particulièrement utiles en Afrique pour limiter les dérives. Toutefois, les deux meilleures protections seront ailleurs. La première réside dans la qualité des projets présentés et, encore plus, de leurs initiateurs, afin que la confiance, sur laquelle est totalement basé ce système, soit pleinement justifiée. La seconde est que les investisseurs acquièrent une capacité d’analyse minimale pour mieux résister aux sirènes de leur propre cupidité et, souvent, des mensonges des promoteurs. La route sera longue pour que ces deux conditions soient réunies mais les possibilités qu’offre cette forme de mobilisation de ressources méritent ce combat.

Paul Derreumaux

Article publié le 25/08/2017

Banques et télécommunications en Afrique : vers l’affrontement ?

Banques et télécommunications en Afrique : vers l’affrontement ?

Démarré au Kenya il y a moins de dix ans, le « mobile banking » – paiement par téléphone mobile – a déjà révolutionné en Afrique les instruments de paiement. Une lutte pourrait s’engager à bref délai entre banques et sociétés de télécommunications pour la domination de cette partie de l’industrie financière.

Le succès du produit M’Pesa de Safaricom à Nairobi a été fulgurant. Géniale création commerciale ou produit à visée sociale, l’origine de sa création est oubliée. Dans tous les cas et malgré la modestie de chaque transaction traitée, les volumes concernés sont vite devenus gigantesques : 17 millions de kenyans, plus de 35% de la population, utilisent aujourd’hui M-Pesa et les flux annuels  gérés représenteraient plus de 35% du Produit Intérieur Brut (PIB) kenyan, soit 20 milliards de USD. Dans ce pays à la pratique financière sophistiquée, le système s’est étendu dans trois directions : chez des sociétés téléphoniques concurrentes avec des produits similaires ; chez certaines banques comme Equity Bank, qui a repris l’offensive en créant Equitel, opérateur téléphonique virtuel (MVNO) lui permettant d’offrir les mêmes services ; à travers M-Pesa lui-même qui a diversifié sa gamme de services, y compris jusqu’au crédit avec le produit M-Shwari.

Cette réussite a d’abord essaimé dans quelques pays d’Afrique de l’Est et Australe puis, à partir de fin 2008, en Afrique francophone, en particulier sous l’impulsion de la société française Orange, témoin au Kenya de la réussite de M-Pesa. L’environnement de la zone franc est fort différent de celui du Kenya : Autorités monétaires plus conservatrices, système bancaire moins développé, taux de bancarisation plus faible. Pourtant, ce retard du système bancaire va en partie faire le succès d’Orange Money, notamment dans les pays les moins favorisés. Le nouvel instrument apporte en effet à la population un accès plus facile, plus sécurisé et moins onéreux aux opérations très courantes que sont les transferts à la famille. Il permet aussi l’introduction d’autres services comme le paiement de factures et d’achats chez des commerçants, puis, plus récemment, les transferts. Initié en Côte d’Ivoire, Orange Money va particulièrement se développer au Sénégal et au Mali, grâce à la prédominance de l’opérateur. Dans ce dernier pays, Orange Money compte fin 2015, après trois ans seulement d’activité, plus de clients actifs qu’il n’existe de comptes dans tout le système bancaire, et des flux annuels d’opérations représentant plus de 10 % du PIB national. Fort de ces succès, Orange exporte l’initiative dans une bonne part de ses pays d’implantation en Afrique du Nord et Subsaharienne tandis que ses principaux concurrents déploient leurs propres solutions: Mobicash pour Etisalat/Maroc Télécom, Mobile Money pour MTN, Airtel Money pour Airtel. Le paiement par mobile entre progressivement dans les mœurs sur tout le continent et facilite l’inclusion financière.

En la plupart des pays, ce système garde cependant un handicap pour les opérateurs téléphoniques : il nécessite un accord avec une ou plusieurs banques qui gardent la responsabilité, aux yeux des Autorités monétaires, de la monnaie électronique émise et qui maintiennent en leurs livres, à leurs conditions de rémunération, sa contrepartie en numéraire. Maîtres du jeu au plan technique, les sociétés de télécommunication ne retirent pas tous les avantages financiers possibles. Grâce aux modifications de la législation bancaire, elles vont franchir une étape supplémentaire : devant les innovations, un nouveau type d’agrément est apparu, celui d’Emetteur de Monnaie Electronique (EME). Les exigences sont identiques à celles des banques pour ce qui concerne par exemple l’audit interne et la connaissance des clients (le « KYC »), mais plus modérées pour le capital minimum. Cette adaptation a été introduite dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) dès 2006 et le groupe Orange est le premier à franchir le pas. Son Plan Stratégique 2020 met en effet en bonne place à la fois le continent africain, avec un dense programme de nouvelles implantations, et les instruments de paiement, considérés comme un facteur primordial de fidélisation de la clientèle. Sa forte présence dans l’UEMOA lui permet aussi de mutualiser les coûts liés : trois EME ont donc été agréés en 2016 –Côte d’Ivoire, Mali et Sénégal – s’appuyant sur une structure commune, le CECOM, pour le contrôle des opérations de ces nouvelles filiales. D’autres groupes lui emboiteront très certainement le pas et, avec cette nouvelle organisation, les sociétés de télécommunications s’affranchissent des banques et entrent même sur leur terrain.

Dans les nouvelles perspectives qui s’annoncent ainsi, trois éléments apparaissent déterminants. Le premier est l’intérêt du « mobile banking » pour tous les groupes de télécommunications. Après des années de très forte croissance, la période récente est caractérisée par un ralentissement sensible de la progression du chiffre d’affaires et des résultats. L’atteinte de taux de pénétration désormais élevés, le repli des chiffres d’affaires moyens par abonné (l’ARPU) et le durcissement de la concurrence montrent les limites des « business models » antérieurs. Deux mouvements s’observent donc : d’abord, une concentration des acteurs qui s’accélère au profit de quelques groupes qui possèderaient alors la plus large empreinte sur tout le continent ; ensuite, une focalisation des efforts sur les activités les plus porteuses – trafic internet et « mobile banking » -. Celles-ci sont d’ailleurs facilitées par une transition qui se déploie vers la technologie 4G, plus performante, et l’apparition de smartphones à bas prix, plus accessibles au public africain.

Le second résulte des difficultés auxquelles se heurtent en ce moment la plupart des grands groupes bancaires subsahariens : freinage de l’expansion imposé par leur Banque Centrale aux banques marocaines par crainte de risque systémique ; répercussions sur les groupes du Nigéria de la crise qui frappe leur pays ; graves perturbations réglementaires pour les banques kenyanes ; accroissement général des créances en souffrance avec le ralentissement de la croissance économique ; augmentations du capital minimum exigées ou prévues dans plusieurs zones. Plutôt sur la défensive face à ces contraintes, les banques montrent aussi une faible capacité de riposte et d’innovation devant les incursions des géants des télécommunications sur le terrain des moyens de paiement. La création par Equity Bank d’un opérateur virtuel au Kenya est la principale contre-offensive menée à ce jour et son succès n’est pas assuré.

Le troisième est l’émergence de nouvelles technologies susceptibles de prendre une place dans le domaine des instruments de paiement. La plus porteuse est sans doute celle des « paiements sans contact ».Les banques et leurs partenaires des cartes de crédit y ont une longueur d’avance avec la norme « Near Field communication » (NFC) qui commence à s’installer aussi sur les téléphones mobiles, comme chez Airtel au Gabon : banques et opérateurs téléphoniques ont donc tous deux leurs chances. Certaines banques font aussi alliance à de petits acteurs sans licence téléphonique mais disposant d’une application de « mobile banking », espérant que leur réseau d’agences leur permettra d’atteindre les seuils minimaux de rentabilité. Les sociétés de transfert express gardent enfin d’importants atouts, si elles acceptent de réduire leurs coûts face aux nouveaux arrivants.

Même si le jeu reste ouvert, les opérateurs téléphoniques marquent des points. En France, le nouveau produit Orange Cash donne à Orange Money la possibilité de pénétrer le marché juteux des transferts internationaux, et l’opérateur pourrait s’intéresser à de nouveaux services. Mais les limites des périmètres de chaque camp restent floues. Les banques vont-elles se replier sur les gros paiements et les crédits, ou mener une contre-attaque fondée sur de nouvelles technologies ? Les sociétés téléphoniques vont-elles rester sur les territoires récemment conquis ou s’attaquer à d’autres marchés comme celui de la micro-finance ou du crédit, dont l’exemple de M-Schwari au Kenya montre toutes les difficultés ? Rien n’est joué, mais l’Afrique est déjà gagnante : non seulement elle n’est plus techniquement en retard, mais ses enjeux inspirent des stratégies sur d’autres continents.

Paul Derreumaux

Tribune publiée dans l’Opinion.fr le 24 Octobre 2016