Les systèmes financiers de l’UEMOA : 2 . Microfinance : belle relance. Monnaie électronique : expansion sous contraintes.

Si les acteurs bancaires gardent une très large prédominance dans l’écosystème financier de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), ils coexistent avec deux autres groupes, qui ont performé de manière acceptable en 2021.

 Le premier est celui des institutions de microfinance ou Systèmes Financiers Décentralisés (SFD). Ceux-ci sont nombreux, disparates et surtout de faible envergure. Parmi eux, la Commission Bancaire contrôle les « SFD de grande taille », dont les dépôts et les crédits dépassent 2 milliards de FCFA. Cette catégorie a subi des vagues de restructuration qui ont réduit son effectif en raison de la mauvaise santé financière de nombreuses composantes, mais elle regroupe encore quelque 200 entreprises, dont près de la moitié sont organisées en réseaux. Malgré ces efforts, beaucoup de ratios financiers de ces SFD restent en moyenne faibles par rapport aux normes recherchées, tels ceux de la capitalisation, de la marge bénéficiaire et de la rentabilité des fonds propres, ce qui freine le renforcement des entreprises du secteur. Les contraintes réglementaires montrent quant à elles des progrès variés : la limitation des risques globaux à 200% des ressources est respectée par la quasi-totalité des SFD tandis que les normes de capitalisation et de liquidité ne sont atteintes que par environ la moitié.

En dépit de ces avancées, les SFD gardent à fin 2021 un poids globalement négligeable par rapport   aux établissements bancaires : 5% pour les bilans, près de 6% pour les crédits, moins de 4% pour les dépôts. Ils sont aussi ces deux dernières années la catégorie des structures financières qui progresse le moins vite tant pour les bilans que pour les dépôts. Malgré cette faiblesse structurelle, ils totalisent en 2021 11,7 millions de comptes de clientèle, soit 67% du nombre des comptes bancaires, et sont l’interlocuteur privilégié des micro-, petites et moyennes entreprises, comme des ménages les moins favorisés. Ils ont d’ailleurs largement contribué à l’essor de la bancarisation dans toute la région et leur place déterminante s’est globalement maintenue sur la décennie écoulée. Entre 2011 et 2018, le taux de bancarisation « strict » -banques seules – avait même cru moins vite que celui apporté par les SFD et, si la tendance s’est inversée les trois dernières années, le « match » reste encore ouvert à ce jour.  Cette situation est spécialement marquée sur toute la période dans trois pays de l’Union -Bénin, Sénégal et Togo-, où les réseaux de SFD ont une densité de bureaux qui dépasse toujours celle des agences bancaires.  

Leur proximité avec la partie la plus fragile des systèmes économiques avait coûté cher aux SFD en 2020 du fait des répercussions de la pandémie Covid-A9 sur les maillons les plus faibles des économies. Le poids des créances en souffrance, le coefficient d’exploitation, la rentabilité s’étaient fortement dégradés et constituaient un signal d’alerte. La tendance s’est inversée en 2021 : le résultat d’exploitation a bondi de 52% avec la hausse des crédits, et le résultat net a presque quadruplé grâce au repli des provisions requises. Dans le même temps, les SFD ont bien tenu leur rôle dans le financement de la relance de leur clientèle spécifique : leurs crédits progressent en effet de +16,4% en 2021, contre +12,5 % seulement pour les banques davantage tournées vers les placements. Le parcours des institutions de microfinance a donc été autant profitable en 2021 pour elles-mêmes que pour les économies de l’Union.

Enfin, une analyse de ces SFD par leur taille montrerait qu’une petite frange d’entre eux possède maintenant des moyens financiers proches de ceux des banques locales et est en mesure de concurrencer ces dernières sur certains dossiers. Ces institutions sont d’ailleurs parfois présentes dans plusieurs pays (Baobab, Cofina par exemple), agissant alors en groupes régionaux bien structurés, et brûlent aussi de franchir un pas supplémentaire en obtenant un agrément de banque de plein exercice grâce à des fonds propres conséquents. D’autres restent cantonnées à un pays mais y sont des structures financières de référence, tel le Crédit Mutuel au Sénégal ou les Banques Populaires au Burkina Faso. La vivacité et l’ambition de ces SFD les plus puissantes constituent aussi une émulation bénéfique à toutes les catégories de clients, et notamment les petites entreprises, mais aussi à l’ensemble du système financier. 

De leur côté, les Emetteurs de Monnaie Electronique (EME) ont continué en 2021 une vive expansion mais ont moins brillé que les années précédentes.

Trois points positifs restent inchangés. D’abord, la densité d’implantation remarquable de ces institutions là où elles existent. Les comptes recensés s’élèvent à 85,7 millions fin 2021, en augmentation de 15% sur l’année contre +47% l’année précédente. Ils représentent maintenant environ 5 fois l’effectif des comptes bancaires. Surtout, le nombre de leurs points de vente est sans commune mesure avec celui des guichets bancaires -788 000 contre 3930- ce qui traduit bien le rôle crucial des EME dans l’inclusion financière des populations, notamment hors des grandes villes. Ensuite, l’envergure croissante des opérations traitées, en nombre comme en montants. En 2021 les premiers ont crû de 18% avec près de 4 milliards de transactions, tandis que les seconds progressaient de 22% avec 35240 milliards de FCFA, soit plus du tiers du Produit Intérieur Brut de la zone. Même si le rythme a fléchi, il reste supérieur à celui de l’évolution des activités dans l’Union et témoigne de la présence renforcée des EME dans le domaine des moyens de paiement. Enfin, la diversification continue du spectre des utilisations. La part des paiements, longtemps ultra-prédominante, baisse régulièrement et partout, au profit des règlements de factures et de services ou de transferts internationaux, voire de paiements de salaires, qui représentent ensemble près de 20% de l’ensemble des usages fin 2021, contre moins de 10% il y a 5 ans. Cette extension illustre la place désormais irremplaçable de la monnaie électronique dont une partie est aussi désormais conservée par les clients, en attente de transactions à venir, comme une épargne scripturale classique.

D’autres données sont plus nuancées. Les EME ne sont encore en activité que dans cinq pays. De plus, 3 des 13 sociétés agrées ne sont toujours pas opérationnelles. Les liens de ces institutions avec les sociétés de télécommunications expliquent que leur dynamisme dépende beaucoup de celui des leurs sociétés mères et des priorités de celles-ci. En outre, les EME n’ont pas le monopole de la monnaie électronique. Celle-ci est aussi proposée par 26 banques, qui agissent en partenariat avec des opérateurs de téléphonie ou des « Fintechs », et leurs opérations ne sont pas recensées dans les données ci-avant bien que certains de ces acteurs aient parfois une grande importance locale. Ce marché très prometteur est donc encore en construction et la domination actuelle des EME fait face à plusieurs défis. L’un est de nature concurrentielle. Il vient du système bancaire dont la gestion des opérations est de plus en plus digitale, quelle que soit la taille de celles-ci alors que les EME ne peuvent gérer que des transactions de faible montant . Il résulte aussi de la montée en puissance de certaines Fintech qui ont réussi à lever des capitaux importants auprès d’institutions internationales : c’est le cas de la société Wave après ses succès au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Appréciées par les réductions des coûts de transaction qu’elles favorisent, ces Fintech sont cependant soumises à des contraintes réglementaires plus modestes, ce qui peut fausser la compétition. Un autre est d’ordre réglementaire : si la Banque Centrale se réjouit de l’existence des EME en raison de leurs effets favorables sur l’inclusion financière, elle poursuit aussi l’objectif central de faire progresser encore celle-ci par tous moyens grâce à la réduction continue des coûts sur les petites transactions jusqu’à des limites difficiles à supporter pour les filiales des grandes entreprises de communication. Cette approche explique que les Autorités aient laissé « pousser » avec bienveillance les Fintech, même si leur contrôle se resserre sur elles aujourd’hui. Dans le même temps, le chantier bien avancé de l’interopérabilité entre toutes catégories d’institutions financières devrait certes apporter de grands progrès aux entreprises comme aux individus dans leur fonctionnement quotidien, mais prévoit de nouvelles réductions drastiques des commissions prélevées, qui imposeront sans doute de profondes réformes pour les EME. Un dernier risque est opérationnel. Dans la diversification des opérations qu’ils offrent maintenant au public, les EME n’ont pas encore réussi à percer dans la distribution des petits crédits en partenariat avec des banques ou des SFD. Les tentatives qui se multiplient en la matière n’ont pas prouvé jusqu’ici, pour des raisons autant techniques que de profitabilité, leur viabilité et évoluent lentement. Le pan des activités de crédit reste donc toujours l’apanage des institutions bancaires et de microfinance, et un atout pour leur préséance.    

En résumé, l’année 2021 apparait plus équilibrée que la précédente dans l’évolution des trois composantes des systèmes financiers de l’Union. Celles-ci ont toutes connu une croissance significative de leurs indicateurs d’activité et dégagé des résultats financiers positifs, consolidant chacune leurs positions. Les contraintes réglementaires qui s’imposent à chaque type d’institution sont dans l’ensemble respectées par une très large majorité de celles-ci, C’est notamment la cas pour les banques : près de 90% d’entre elles réussissent toujours en particulier à se plier aux exigences de fonds propres minimaux, durcies chaque année depuis 2019, et le fléchissement observé en 2021 sur certains ratios -liquidité, immobilisations, ressources stables- est modéré, Le ratio de division des risques continue à être partout le plus difficile à atteindre et pourrait conduire à des normes de fonds propres encore plus évères pour répondre aux besoins des économies locales. Comme déjà souligné, les SFD ont connu aussi un « satisfecit » limité en ce domaine et les principaux EME sont actuellement conformes au niveau minimal de fonds propres qu’ils doivent atteindre. Cette consolidation respective pourrait permettre à chacune des catégories de redoubler d’efforts pour mieux accomplir les missions dans lesquelles elles montrent encore des faiblesses. Les banques pour l’augmentation de leurs fonds propres, une plus grande implication dans les concours à l’économie et l’intensification du marché interbancaire. Les SFD pour un renforcement de leurs capacités financières, une modernisation de leurs structures et un plus grand dynamisme. Les EME pour une meilleure accessibilité aux populations et entreprises les plus fragiles, l’accroissement du taux d’activité de leurs comptes et l’extension de leur opérations présentant la meilleure valeur ajoutée.

La multiplication de passerelles entre les activités de ces trois groupes et d’occasions de partenariats entre ceux-ci en des domaines à définir serait aussi susceptible d’ouvrir la voie à un rôle plus actif dans le financement des économies de la sous-région, tel qu’attendu par tous. Même s’ils ne peuvent générer eux-mêmes le développement économique, les systèmes financiers doivent être prêts à l’épauler au mieux à tout moment.      

Paul Derreumaux

Article publié le 12/01/2023

Crowdfunding en Afrique : le meilleur et le pire

Crowdfunding en Afrique : le meilleur et le pire

 

Le « crowdfunding », ou financement participatif, est une idée ancienne remise au goût du jour par l’évolution des techniques. En l’occurrence, il évoque le financement d’un projet ou d’une structure sans intermédiaires, telles les banques ou la bourse, par une mise en contact directe entre un demandeur et des offreurs de ressources financières. Le processus est ancien : les appuis financiers amicaux et familiaux, les dons, les sociétés mutuelles, par exemple, ont de tous temps relevé de ce principe. L’arrivée massive de l’internet à la fin des années 1990, puis des réseaux sociaux, a fourni un nouvel instrument au service de cette approche communautaire, par la création de plateformes informatiques facilitant et accélérant cette entrée en relation. Les industries artistiques (cinéma, musique) en ont été les précurseurs. La pratique s’est ensuite largement répandue à d’autres secteurs, notamment l’immobilier et les « start-up » des nouvelles technologies. Les « business angels », institutions d’appui à la création de jeunes entreprises, y ont trouvé un moyen bien adapté à leurs objectifs et ont  contribué à sa diffusion. D’autres éléments jouent aussi pour expliquer l’audience croissante du crowdfunding : profusion actuelle de capitaux en quête de placements, espoir de rémunérations élevées face à des placements classiques aux taux très bas, goût de plus en plus prononcé pour des actions de solidarité sont quelques-uns de ces facteurs. Même s’il reste encore un mode financement très minoritaire, le crowdfunding fait donc aujourd’hui partie du paysage financier des pays du Nord.

Le terme et son contenu ont récemment pénétré l’Afrique où la question des ressources propres des entreprises est encore plus difficile et où toute nouvelle idée est la bienvenue. Certes, les plateformes informatiques spécifiques sont encore rarissimes mais, sous des formes plus traditionnelles et moins automatisées, l’Afrique subsaharienne a déjà accueilli diverses expériences de ces financements participatifs.

Certaines ont été des réussites. L’une des plus remarquables en zone francophone est sans doute celle qui a présidé à la naissance des deux premières BANK OF AFRICA et de leur holding African Financial Holding (AFH), qui ont été à l’origine d’un des principaux groupes bancaires africains. Les BANK OF AFRICA du Mali et du Benin ont ainsi rassemblé pour leur création « ex nihilo », respectivement en 1982 et 1989, des centaines d’actionnaires privés nationaux. A cette fin, les promoteurs ont multiplié dans chaque cas les réunions pour toucher directement le public le plus large, parfois avec l’appui de leaders d’opinion, et le convaincre d’investir même modestement. La force et la qualité de ces contacts directs ont été  déterminantes pour le succès de ces opérations et l’entrée en bourse ultérieure de ces sociétés, bien réussie, a prouvé le maintien de ce climat de confiance. Cette même confiance mutuelle basée sur des contacts étroits et un « parler vrai » des promoteurs a eu les mêmes résultats positifs au niveau de la holding, où le capital a été multiplié par 200 et le nombre d’actionnaires par 10 en 20 ans. Les multiples nationalités de ceux-ci ont seulement rendu l’exercice encore plus difficile sans vraiment l’entraver.

A l’opposé, de graves constats d’échec sont observés. L’un des plus récents est celui des « projets d’agro-business » privés – hévéa, cultures maraîchères –  lancés en Côte d’Ivoire en 2016. Au terme d’une habile campagne de promotion et de promesses mirifiques de rendement, des dizaines de milliers de souscripteurs, de l’intérieur et de la diaspora, ont apporté directement à quelques sociétés privées des ressources évaluées à plusieurs dizaines de milliards de CFA. Les réalisations n’ont cependant pas suivi et une bonne partie des fonds réunis a disparu des comptes bancaires des sociétés concernées. Devant la menace d’une crise sociale, l’Etat a été contraint d’engager lui-même début 2017 le remboursement des fonds ainsi disparus, en attendant d’hypothétiques autres solutions. Des nations comme le Nigéria affrontent régulièrement de telles difficultés. De même, dans l’immobilier, il est fréquent de rencontrer des promoteurs qui collectent auprès des ménages de premières souscriptions pour la réalisation de programmes de logements et disparaissent avant la fin de ceux-ci. L’effet de telles malversations pénalise gravement les entrepreneurs sérieux qui souhaitent recourir au financement participatif et retardent d’autant des investissements utiles.

Pour contrer ces risques, les pays les plus avancés mettent peu à peu en place des réglementations qui encadrent le système de mobilisation d’une épargne collective, limitent les abus possibles et prévoient des sanctions. Ces garde-fous seraient sans doute particulièrement utiles en Afrique pour limiter les dérives. Toutefois, les deux meilleures protections seront ailleurs. La première réside dans la qualité des projets présentés et, encore plus, de leurs initiateurs, afin que la confiance, sur laquelle est totalement basé ce système, soit pleinement justifiée. La seconde est que les investisseurs acquièrent une capacité d’analyse minimale pour mieux résister aux sirènes de leur propre cupidité et, souvent, des mensonges des promoteurs. La route sera longue pour que ces deux conditions soient réunies mais les possibilités qu’offre cette forme de mobilisation de ressources méritent ce combat.

Paul Derreumaux

Article publié le 25/08/2017

La (VRAIE) lutte contre la corruption n’est pas si facile…

La (VRAIE) lutte contre la corruption n’est pas si facile…

 

Rajasthan, mi-novembre 2016. Dans la douce chaleur brumeuse de ce début de matinée, la foule habituelle se presse à l’entrée du Taj Mahal à Agra pour admirer le somptueux mausolée de marbre blanc construit par Chah Djahan pour son épouse bien aimée Mumtaz Mahal. Tous deux reposent désormais pour l’éternité dans ce qui est considéré comme l’une des sept merveilles du monde moderne. Magique par sa beauté classique, les symétries parfaites de sa construction et le symbole d’amour éperdu qu’il représente, le « Taj » est particulièrement visité par les touristes étrangers, mais aussi très prisé par la population indienne qui vient, de tout le pays, le visiter en famille.

Malgré la beauté du spectacle, les conversations animées des visiteurs nationaux tournent pourtant depuis quelques jours sur un sujet plus prosaïque que poétique. Le 8 novembre au soir, le Premier Ministre Modi a annoncé à la télévision que les coupures de 500 et 1000 roupies – les plus grosses et valant respectivement environ 6,9 et 13,8 Euros – seraient démonétisées dès le lendemain. Elles ne pourraient ensuite qu’être déposées sur un compte bancaire, avec une pénalité de 100% pour tout versement supérieur à 250000 roupies.

L’explication donnée à cette mesure brutale est la lutte contre une corruption qui gangrène le pays. La monnaie fiduciaire, qui représente encore une bonne part de la masse monétaire nationale, abrite en effet les milliards de roupies provenant des dessous de table, des trafics divers, de la fraude fiscale, des détournements, des fausses factures,… C’est particulièrement vrai pour les deux coupures les plus importantes, visées par la mesure gouvernementale, qui constituent à elles-seules plus de 85% de la monnaie fiduciaire totale. La bataille contre l’argent « sale » était une des priorités affichées par le candidat Narendra Modi lors de la campagne présidentielle de 2014. Devant le peu de progrès  face aux pratiques répréhensibles, le Premier Ministre a décidé une attaque frontale : rendre brutalement inutilisables les produits de ces actes délictueux qui restent souvent stockés en billet de banque.

L’objectif est en partie économique. Le gouvernement fédéral veut assainir l’économie en retirant la masse d’ « argent noir », réduire le secteur informel encore largement dominant, augmenter la matière taxable. Il espère ainsi  augmenter les recettes fiscales et accroître la capacité de financement d’investissements de l’Etat, et développer les ressources des banques et donc leurs moyens d’actions. Mais l’ambition est surtout politique : d’abord respecter les engagements pris en termes de moralisation de l’économie ; en même temps réduire les avoirs des partis concurrents, et notamment le puissant Parti du Congrès, qui sont constitués en bonne partie de masses de billets aux origines incertaines et largement distribués lors des campagnes électorales.

La soudaineté et la généralité de la mesure ont pris de court tous les agents économiques. Les banques ont été prises d’assaut pour le dépôt des anciens billets et l’obtention de nouvelles coupures. Cette opération était cependant rendue très complexe par l’énormité de la population, la masse des billets concernés en circulation (plus de 24 milliards de coupures), le nombre élevé de personnes qui ne disposent pas encore de compte bancaire (taux de bancarisation  proche de 50%), mais aussi par les dysfonctionnements dans l’approvisionnement des banques commerciales en nouveaux billets. Dans les villes comme dans les campagnes, les interminables files d’attente aux guichets ont attesté de la mauvaise organisation de cet échange. Les Guichets Automatiques de Banques (GAB), parfois inadaptés aux nouveaux billets, ont connu une situation aussi tendue, émaillée de fréquents dérapages dus à l’exaspération des clients. Dans le même temps, toutes les « ficelles » possibles pour tourner les règles instaurées pour cet échange ont été utilisées par certains citoyens, souvent les plus fortunés ou ceux dont la richesse était d’origine contestable. L’imagination a fait fleurir les moyens envisageables pour se débarrasser sans délai des coupures désormais démonétisées : stockage de produits en grande quantité, achat massifs de billets d’avion ou de train en vue de leur revente ultérieure, achats d’or, … L’Etat fédéral a à chaque fois vigoureusement combattu ces pratiques, malgré les effets collatéraux négatifs que pouvaient parfois entrainer les interdictions édictées, telles le repli des cours de bourse de nombreuses entreprises ou la baisse immédiate du cours international de l’or. Même les contre-attaques politiques et judiciaires n’ont pas fait fléchir les Autorités.

« Donnez-moi 50 jours pour débarrasser l’Inde de la corruption» avait demandé le Premier Ministre. Ce délai ne semble pas avoir suffi. Plus de deux mois après le début de l’opération, la mise en circulation des nouvelles coupures reste problématique et l’encombrement des agences bancaires toujours au maximum. Au niveau économique, l’activité bancaire a été plutôt ralentie par ces difficultés logistiques et l’embellie escomptée est toujours en attente. De dernières prévisions concluent même que la croissance du Produit Net bancaire (PNB) serait réduite d’au moins 0,5% en 2016 en raison des perturbations observées. Dans ce contexte, les plus touchés ont été les membres des classes les plus pauvres, sans compte bancaire, sans autres ressources que les quelques billets qu’ils possédaient et désormais sans valeur, sans autre solution que de patienter des journées entières devant les banques commerciales. Pourtant, toutes les interviews effectuées montrent que ces catégories de la population sont favorables à la poursuite de l’opération, car elles sont persuadées qu’elle portera un grand coup contre la corruption des politiques et des hommes d’affaires qui les exploitent.

L’expérience est intéressante pour les pays, très nombreux, qui clament sans cesse leur volonté de lutter contre la corruption. Elle met en avant quatre principales leçons. D’abord, les actions concrètes sont possibles : elles impliquent seulement, pour sortir du discours, que des réflexions sérieuses soient menées sur les circuits qu’utilisent les fraudeurs et les corrupteurs, en fonction des possibilités de leur environnement national, pour mener à bien leurs délits. En second lieu, ces actions sont pour le moins difficiles en raison de leurs caractéristiques nécessaires : soudaineté voire brutalité, originalité, impossibilité de contournement par le public visé, fréquente hostilité allant bien au-delà de ce public, durabilité des effets provoqués. Par leur nature imprévue et leur opposition aux pratiques en vigueur, ces actions anti-corruption font immédiatement l’objet d’une forte opposition tous azimuts et imposent donc que le pouvoir qui les édicte possède la légitimité et la force nécessaires pour les imposer. De plus, en heurtant de nombreux intérêts ou groupes de pression puissants, ces mesures déclenchent toujours les réactions de catégories sociales ou d’individus qui, même de bonne foi, cherchent à arrêter l’expérience. La troisième leçon est donc celle de la ténacité requise pour que les mesures aient le temps d’être menées à leur terme et de produire leurs effets. L’exemple indien est pertinent à ce point de vue : malgré la gêne occasionnée pour de nombreuses personnes, et notamment pour ceux que l’Etat veut défendre, les longues perturbations sont le prix à payer pour terrasser la corruption. Enfin, même si elles portent leurs fruits, les actions anti-corruption ne peuvent être efficaces à 100% ou de manière définitive. Certains individus ou sociétés visés passent entre les mailles du filet et les circuits de la fraude et de la délinquance financière se reconstituent. En Inde toujours, une démonétisation identique avait eu lieu il y a 38 ans : l’opération conduite en janvier 1978 s’était déroulée pour les mêmes objectifs et avec le même effet de surprise, et avait conduit à la même panique et aux mêmes débordements. Elle n’a visiblement pas éradiqué pour toujours l’argent noir. Avec le développement connu par le pays ces dernières décades et l’expansion correspondante de la circulation monétaire, l’opération actuelle n’est que beaucoup plus délicate.

Malgré leurs difficultés et inconvénients et la modestie de leur intérêt économique, de telles opérations présentent d’importants effets psychologiques positifs : elles renforcent en effet la crédibilité des Autorités politiques qui les réalisent, dès lors qu’elles ont la force et l’assise suffisantes pour mener ces réformes jusqu’au bout. Le Premier Ministre indien a déjà annoncé qu’il réaliserait d’autres actions « musclées » de ce genre, notamment dans le secteur toujours délicat de la propriété foncière.  Les purges de grande ampleur effectuées en Chine au sein des ploutocrates du régime en donnent une autre illustration.

On peut donc se demander pourquoi les Etats africains sont si réticents à suivre cette voie. Les discours des plus hautes Autorités mettent toujours la lutte contre la corruption en bonne place mais en restent la plupart du temps aux grandes intentions tandis que les exemples délictueux se multiplient à tous les niveaux et sont souvent connus de tous. Sans doute la faiblesse généralisée des appareils étatiques et de la priorité donnée au bien public sont-elles les principales raisons de cette trop fréquente inertie. Les mesures, même à des niveaux plus limités, visant à endiguer la corruption seraient pourtant particulièrement appréciées des populations qui subissent chaque jour les conséquences néfastes de celle-ci. Le monnayage de formalités par les fonctionnaires, l’achat des diplômes, la spéculation foncière, sans parler de la déliquescence de la justice, pourraient ainsi faire l’objet d’attaques bien ciblées et intelligemment conçues. L’impunité des fautifs, l’exploitation des plus faibles, le renforcement indu des inégalités figurent parmi les maux les plus graves qui pèsent sur les sociétés en développement et freinent directement leur croissance. Aucun combat contre ces lèpres sociales n’est donc inutile, même s’il est difficile et n’est pas assuré d’un succès total.

Paul Derreumaux

Article publié le 19/01/2017

L’intégration financière régionale en UEMOA : progrès et résistances

L’intégration financière régionale en UEMOA : progrès et résistances

L’intégration financière dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a été d’abord impulsée par le secteur bancaire. Récemment, les évolutions ont été plus multiformes, moins linéaires et rencontrent diverses résistances. De nouvelles avancées sont possibles mais nécessiteront des mutations.

Une bonne intégration financière dans l’UEMOA peut servir trois principaux objectifs : assurer la meilleure homogénéité possible des systèmes financiers entre les pays de la zone ; faciliter l’application des politiques monétaires et financières régionales sur toute l’Union ; accroitre partout la croissance économique et son caractère inclusif pour tous les agents économiques. En la matière, la période 2000/2010 avait été surtout marquée par la montée en puissance et la transformation du secteur bancaire, redevenu dynamique et rentable après le séisme des années 1980, modernisé dans ses pratiques, plus imaginatif dans ses produits et services, appuyé sur des réseaux d’agences bien densifiés. De plus, ce secteur était profondément renouvelé dans ses acteurs : des groupes à capitaux privés régionaux, nés lors de cette crise systémique, avaient joué un rôle pionnier dans les mutations et progressivement tenu une place essentielle sur chaque place de l’Union. Face à ces deux données favorables, des faiblesses restaient encore recensées. En particulier, les composantes non bancaires du secteur financier demeuraient faibles, en dépit de premières améliorations, telles celles notées sur le marché financier régional. Enfin, l’environnement était toujours fragile en de nombreux domaines –taux débiteurs élevés, carences de la justice, fiscalités disparates, rareté des crédits interbancaires, formation des équipes à renforcer –,  générant autant de freinages.

Depuis 2010, de nouvelles tendances apparaissent, mettant en évidence quelques replis mais aussi de nouveaux moteurs d’intégration. Au niveau des acteurs, les mouvements dans le « tour de table » des principaux groupes depuis 2010 ont accentué la concentration du système bancaire régional mais ont surtout octroyé une place dominante aux banques à l’actionnariat majoritairement étranger à l’Union, inversant ainsi la tendance précédente. Ces groupes  détiennent maintenant à eux seuls plus de 50% des parts de marché de l’espace francophone de l’Ouest, situation inédite depuis longtemps. Ces changements ne sont pas sans effet. Des centres stratégiques importants sont ainsi redevenus extérieurs à l’UEMOA. Pour ces institutions, les liaisons « verticales », entre le siège et les filiales, priment désormais sur les liens « horizontaux » précédemment développés entre les établissements régionaux d’un même groupe, comme le montrent à la fois des montages de crédit ou des structures organisationnelles. Pour la Banque Centrale du Maroc (BCM), le poids des engagements subsahariens des trois principaux établissements marocains, qui représentent les deux tiers des bilans bancaires du pays, est en outre devenu un risque systémique : il entraine une surveillance rapprochée sur toute nouvelle décision d’extension géographique ou même de politique de crédit. Il en résulte pour les leaders du marché une  priorité donnée à la consolidation des structures en place, de préférence à des extensions, et une prise en compte privilégiée des contraintes fixées par les sociétés mères et leurs Autorités de contrôle. La poussée de l’intégration devient aujourd’hui le résultat essentiel des groupes bancaires « outsiders ». Suivant leurs devanciers, ceux-ci accélèrent la construction de leurs réseaux : trois groupes prennent place dans le club restreint de ceux qui rassemblent plus de 2% des actifs bancaires de l’Union et quelques autres suivent. Ainsi, la burkinabé Coris Bank, est présente désormais dans quatre pays et se demarque par sa capacité d’innovation. La remontée en puissance des institutions régionales reste donc envisageable à moyen terme. De nouvelles institutions comme le Fonds Financier Yeelen, impulsé par la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), pourraient servir de catalyseur à la mobilisation des moyens nécessaires.

La question  des moyens de paiement est sans doute le domaine où les transformations actuelles sont les plus profitables à l’intégration. A côté des circuits bancaires classiques, les sociétés de transfert rapide avaient été, malgré leur cherté, un premier vecteur d’inclusion financière pour les transferts internationaux de petit montant. La monétique a pris le relais : produit initialement élitiste monopolisé par les banques françaises, elle a été démocratisée sous l’impulsion des principales banques privées africaines, puis largement déployée dans l’espace régional, en particulier grâce au groupement GIM-UEMOA. Celui-ci a réduit les difficultés financières et techniques d’accès à ce service et, dix ans après sa création, englobe la quasi-totalité des banques de l’Union -108 sur 129 établissements agréés -, assure une grande interconnexion entre opérateurs et a fortement développé sa palette de produits. Avec l’apparition des cartes prépayées, les banques ont marqué un progrès supplémentaire en ouvrant les services monétiques aux personnes ne disposant pas de compte bancaire. L’introduction récente du « mobile banking »  se situe dans cette même lignée  d’innovations: Grâce à leur formidable expansion, les opérateurs de téléphonie mobile permettent à un large public encore exclu des systèmes bancaires d’effectuer des opérations de paiement basiques par la seule utilisation de leur téléphone. Le système, démarré en Côte d’Ivoire en 2009, est devenu en quelques années un produit courant aux multiples usages. Economique, sécurisé, facile d’accès, répondant à des  besoins prioritaires, il a été plébiscité. Selon la Commission Bancaire ; on compte en 2015 plus de 25 millions d’utilisateurs du paiement par mobile dans l’Union, pour près de 500 millions de transactions avoisinant 15% du Produit Intérieur Brut (PIB) de la zone. Devant l’importance de ce produit, la BCEAO a ajusté sa réglementation et ouvert la possibilité de création de sociétés spécialisées comme Emetteur  de Monnaie Electronique (EME). L’opérateur Orange a déjà utilisé cette possibilité mais il est vraisemblable que la même démarche sera suivie par d’autres sociétés de télécommunications. Le champ d’action de ces EME s’étend en permanence : des accords passés avec certaines banques permettent par exemple d’approvisionner directement le portemonnaie électronique à partir d’un compte bancaire tandis que les cartes prépayées des EME  autorisent leurs clients à sortir du numéraire d’un distributeur de banque. Ainsi se prépare sans doute une troisième génération de monnaie électronique qui sera caractérisée à la fois par une large interopérabilité entre les produits des divers acteurs, par une facilité accrue du passage d’une monnaie à l’autre et par un élargissement constant des secteurs utilisant cette nouvelle monnaie –assurances, crédit à la consommation, transferts internationaux -. Cette mutation profonde et rapide des moyens de paiement va renforcer considérablement l’inclusion financière, en haussant brutalement les taux de bancarisation.

Le troisième trait majeur de la période  est le développement significatif de quelques autres composantes du secteur financier : il constitue également un outil précieux pour l’intégration en apportant aux entreprises et aux ménages un éventail plus large de réponse à leurs besoins. Le plus marquant est celui du marché boursier. Sa progression, longtemps hésitante, s’est fortement accélérée depuis 2013. La hausse cumulée des capitalisations sur les trois exercices 2013-2015 a dépassé 70% et place la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) au 6ème rang des marchés financiers africains, tandis que 2016 voyait pour  la première fois l’entrée en bourse de quatre nouvelles sociétés. Six pays sont aujourd’hui présents sur la BRVM. Celle-ci a pris une nouvelle dimension, avec sa cotation quotidienne désormais en ligne, sa communication plus agressive, ses efforts de partenariat avec des places voisines, l’accroissement de ses transactions quotidiennes.. Une transformation majeure du même type pourrait s’opérer dans les assurances. Le secteur demeure jusqu’ici éparpillé entre de nombreuses compagnies, peu capitalisées et souvent à la limite de la rentabilité, et le poids financier du secteur reste infime – moins de 1% – au sein du PIB régional. La récente décision de l’organisme régional de contrôle, la CIMA, de multiplier par cinq le capital minimum des compagnies pour le porter à 5 milliards de FCFA devrait entrainer un profond renouveau et une grande revitalisation du secteur. La mise en œuvre de cette mesure, normalement génératrice de nombreuses concentrations, va cependant se heurter aux résistances à se regrouper des sociétés existantes et à l’étroitesse du marché actuel. Pour atteindre les objectifs visés, elle doit être accompagnée d’une meilleure adaptation aux besoins des produits offerts, et d’une transformation des canaux de distribution. Pour les autres composantes, les progrès sont plus lents à se concrétiser. En micro-finance, les acteurs grandissent et se multiplient mais manquent souvent de fonds propres et gardent un périmètre d’action purement national, voire local. Quelques groupes, tels Microcred, commencent cependant à construire un réseau pluri-national et pourraient suivre une approche plus intégrée, propice à l’harmonisation des environnements financiers. Pour les fonds d’investissement, la société Cauris, née en 1996, a longtemps été seule présente dans l’Union et ses participations ont avant tout concerné des sociétés de bonne importance. De nouvelles institutions de cette catégorie s’implantent pourtant peu à peu et diversifient leurs cibles. L’initiative la plus récente de  la société IPDEV2 vise même le créneau des micro-entreprises et la création en 10 ans de 50 nouvelles entreprises dans chacun de ses pays d’implantation.

Malgré les progrès réalisés, le chemin à parcourir reste long et nécessite une action conjuguée à au moins trois niveaux.

Le premier est celui des acteurs financiers eux-mêmes. Il s’agit d’abord de renforcer encore massivement la pénétration des institutions financières dans les économies de chaque pays. Les créations par les banques de points de vente supplémentaires produisent leurs effets, mais, en raison de la lourdeur des investissements requis, l’évolution est trop lente face aux retards et à la poussée démographique. La nouvelle concurrence de la monnaie électronique favorise l’accélération de cette bancarisation, sous une nouvelle forme, mais les possibilités ouvertes aux titulaires de ces comptes « virtuels » ne couvrent pas encore toute la palette des produits financiers. Les deux mouvements doivent donc se poursuivre simultanément et les passages possibles entre ces deux circuits se multiplier. Une deuxième obligation est que les banques s’engagent plus profondément dans la révolution de la digitalisation. Leur grande réticence jusqu’à une période récente explique en partie le succès du « mobile banking » et l’avance technique et commerciale prise par les opérateurs téléphoniques. Dans les dernières années, seule la Société Générale apparait avoir retenu cette approche comme un de ses axes stratégiques pour la clientèle de particuliers, tandis que les banques africaines sont restées plus attentistes, à l’opposé de leur politique des deux décennies précédentes. Il est donc impératif que toutes les institutions bancaires s’approprient d’urgence ces nouvelles technologies pour résister à la concurrence musclée des sociétés de télécommunications, et inventent la « banque africaine du XXIème siècle ». Celle-ci concernera aussi bien la réalisation des opérations que les points de contact avec la clientèle ou la politique commerciale : elle sera plus proche, plus facile à comprendre, moins coûteuse, mais aussi plus sûre. Une bonne intégration financière suppose aussi que les flux financiers interbancaires s’intensifient. Ceux-ci restent rares, hormis à l’intérieur d’un même groupe, illustrant la méfiance des institutions entre elles et l’étroitesse d’un marché monétaire manquant d’instruments et d’organisation. Une amélioration de ces divers aspects augmenterait les possibilités de mobilisation de ressources dans l’Union. Les acteurs portent aussi une quatrième responsabilité : celle d’accroître les concours à des secteurs encore délaissés, en imaginant les solutions répondant aux besoins comme aux capacités des bénéficiaires, et aux exigences légitimes de maîtrise des risques: les Petites et Moyennes Entreprises(PME) et l’habitat sont les exemples les plus connus de ces créneaux peu favorisés. Le dernier est aussi lourdement pénalisé par le maintien de taux d’intérêt élevés, spécialement pénalisants pour les crédits à long terme nécessaires à l’immobilier. Ici encore, la baisse des taux est engagée, mais encore insuffisante et inégale selon les pays, ce qui ralentit l’intégration.

Le deuxième niveau relève de la responsabilité des Autorités et s’observe sous plusieurs angles. Pour la fiscalité par exemple, il est remarquable que les décisions prises au plan régional et destinées à encourager l’épargne et les marchés de capitaux soient rendues applicables avec autant de retard, voire encore laissées en attente, dans les législations de certains membres de l’Union : l’adoucissement de la taxation sur l’épargne longue, les avantages accordés aux sociétés cotées, la loi nouvelle sur les établissements d’investissement à revenu fixe ou variable, les dispositions spécifiques aux relations entre « sociétés mère-fille » en sont quelques illustrations. Ces décalages freinent des avancées notables, comme si les Etats n’appréhendaient pas les impacts positifs en résultant pour la modernisation et le dynamisme de leur économie. Les politiques publiques pourraient aussi être utilisées pour stimuler la consolidation de champions financiers régionaux. Même si ceux-ci naissent avant tout des forces naturelles du marché, les politiques des Autorités sont déterminantes pour assurer leur pérennité. Ainsi, l’application à bref délai des normes de Bâle III et de ratios prudentiels plus contraignants jouerait un rôle crucial pour le renforcement des institutions bancaires et leur meilleure résistance face aux risques croissants. La mise au point effective de mécanismes de « résolution » offrant une protection plus efficace des déposants et une meilleure sécurité des opérations en cas de crise bancaire consoliderait aussi tout le système financier régional. De même, une plus grande utilisation par les Etats de la BRVM pour la privatisation d’entreprises publiques ou la cession de leurs participations dans des sociétés privées renforcerait le poids du marché financier régional et sa liquidité. Un troisième vecteur d’intégration réside dans la qualité, la continuité et la cohérence des politiques de convergence économique : plus celles-ci seront pertinentes et suivies avec détermination par chaque Etat, plus les institutions financières des pays de l’Union seront placées dans des contextes analogues qui les inciteront à des orientations stratégiques similaires. L’existence d’une politique monétaire commune a déjà montré les effets favorables d’une telle unicité. Des progrès dans la rapprochement des politiques budgétaires, sociales, environnementales auront les mêmes résultats, qui se renforceront progressivement les uns les autres. Enfin, les Autorités régionales et/ou nationales peuvent impulser elles-mêmes dans toute l’Union les secteurs qui leur paraissent prioritaires. La création, sous l’égide de la BOAD, de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire (CRRH) apporte ainsi aux banques des refinancements à long terme qui encouragent le financement de l’habitat. L’apparition dans plusieurs pays de Fonds de Garantie pour les PME apporte des fonds propres ou des cofinancements à cette composante essentielle du système économique régional.

L’évolution positive de l’environnement serait aussi un troisième facteur décisif d’intégration. L’accroissement généralisé de la place du secteur privé et son rôle décisif dans la croissance et l’innovation en sont la meilleure preuve. Toutefois, beaucoup reste à faire. Dans la facilité de création et de fonctionnement des sociétés, dans leur accès dans de bonnes conditions aux financements, dans les conditions d’attribution des marchés, dans les contraintes foncières, les indicateurs du « Doing Business » montrent la diversité des situations selon les Etats et la vitesse variable des progrès. Par ailleurs, alors que les innovations offrent de plus en plus de « sauts technologiques » permettant aux pays en retard de rattraper les pays plus avancés avec un coût limité, les appuis publics financiers ou de formation sont rarement disponibles alors que le dynamisme et la soif de réussite de la jeunesse africaine sont au rendez-vous. L’exemple type est celui de la « fracture numérique » : faute dans certains pays de matériels appropriés, de formateurs disponibles, et surtout de volonté politique, les nations de l’UEMOA, et leurs habitants, risquent d’être dans des positions inégales devant les progrès possibles nés de l’automatisation de certains travaux et du traitement de nombreuses opérations. Mais la remarque vaut aussi pour beaucoup d’autres aspects, allant de la recherche agronomique aux services de santé, où le défaut d’encouragement et de vulgarisation de l’innovation maintient des économies et des populations hors de la modernité. Sur un autre plan, l’obligation qui serait faite d’associer, même pour une part minime, les banques locales aux financements de grande envergure, pour des projets nationaux ou régionaux, aurait très certainement un effet bénéfique pour l’intégration financière et le renforcement de l’expérience des institutions bancaires locales.

Si le rôle moteur des banques dans l’intégration financière régionale tend à marquer une pause, les relais existent donc pour réaliser de nouveaux progrès. Ceux-ci devraient conduire en même temps à un renforcement du poids des crédits au secteur privé dans le PIB Régional : avec un taux moyen présentement inférieur à 30%, tout accroissement de ce pourcentage aurait un important effet induit potentiel sur le développement économique de l’Union. Il reste à ne pas oublier que les systèmes financiers puissants et de qualité sont une condition nécessaire de la croissance, mais pas une condition suffisante pour l’obtention de celle-ci.

Paul Derreumaux

Le paysage financier africain en 2015

Le paysage financier africain en 2015

Dans une Afrique désormais très courtisée, le système financier est, avec celui des télécommunications, le secteur probablement le plus moderne et performant. Sa transformation en trente ans est spectaculaire et n’est sans doute pas à son terme. Les acquis, essentiels et multiples, ont été décisifs dans l’évolution positive du continent. D’importants progrès restent cependant encore à accomplir.

Les avancées constatées concernent avant tout le système bancaire et, géographiquement, l’Afrique subsaharienne où les changements ont bien une allure de révolution. Celle-ci s’exprime au moins dans quatre directions.

La première est celle de la densification, des banques comme des agences. Depuis les années 1980, marquées en particulier en zone francophone par une véritable crise systémique, les systèmes bancaires n’ont cessé d’accueillir partout de nouveaux établissements. Dans la plupart des pays, le nombre des banques, après les nombreuses faillites de la période 1980/1995, a fortement augmenté, faisant plus que doubler en particulier  dans les pays francophones. Les  principales exceptions concernent l’Afrique du Sud et le Kenya, où l’effectif était mature de plus longue date, et le Nigéria, par suite de la politique de concentration autour d’un nombre réduit de grands établissements, imposée par la Banque Centrale. Ce renforcement du secteur était d’ailleurs considéré par les Partenaires Financiers Internationaux comme une priorité dans la remise en ordre macroéconomique des pays africains et a très probablement constitué un des principaux facteurs permissifs  du retour à la croissance en Afrique. Le nombre accru d’intervenants a eu une première conséquence immédiate : celle d’une concurrence accrue, imposant aux banques une politique tournée vers le gain nécessaire de parts de marché et donc génératrice d’améliorations continues des services apportés à tous les types de clientèle. Deux principaux canaux ont été empruntés. D’abord une forte augmentation du nombre d’agences destinée à drainer le public des particuliers auparavant très négligé. Celles-ci ont  été multipliées  en Afrique subsaharienne – par 4 dans les pays les moins avancés et par 2 dans les pays à revenu intermédiaire de 2004 à 2007 -, selon un mouvement qui a touché tous les pays bien que de façon inégale. Le taux de bancarisation a donc nettement progressé, même s’il reste nettement inférieur à celui d’autres pays à développement comparable : environ 25% en moyenne et de 55% à seulement 15% selon les régions. Ensuite, une multiplication et une modernisation inédites des produits et services offerts : à partir de 2000, la monétique s’ouvre progressivement à de nombreuses banques au lieu d’être l’apanage des filiales françaises ; les années 2010 voient les « packages » diversifiés de services offerts à des clientèles de plus en plus ciblées et compartimentées, sous l’impulsion notamment des banques marocaines. Enfin, le « mobile banking » va s’imposer dans quelques pays africains : après son succès retentissant au Kenya, il devient de plus en plus présent en Afrique de l’Ouest. Le client est ainsi courtisé, analysé, classifié, soumis à une offre croissante de produits. La réduction considérable en trente ans du retard de l’Afrique en matière de relations avec la clientèle est bien une caractéristique majeure de la période récente.

Durant ces trois dernières décades, la banque africaine a aussi changé à plusieurs reprises d’actionnaires. Les banques publiques ont quasiment disparu, sans doute définitivement. Les banques françaises et anglaises, tétanisées par la crise de liquidité et de solvabilité des années 1980 et découragées par une situation économique d’où la croissance est alors quasiment absente, ont stoppé tout investissement significatif en Afrique, quand elles ne l’ont pas quitté. Le relais est d’abord pris par des banques privées locales, beaucoup plus ouvertes, par goût comme par nécessité, aux innovations et aux risques inhérents au public jusqu’ici négligé des particuliers et des entreprises de taille moyenne. Ces banques apportent une nouvelle vision commerciale avec la construction de réseaux plurinationaux, qui travaillent en synergie et accompagnent mieux leur clientèle d’entreprises. A partir de 2005, la réussite de ces groupes privés africains aiguise les appétits des banques de deux des pays les plus avancés d’Afrique en matière bancaire : le Maroc, en raison de possibilités limitées d’expansion dans le pays, et le Nigéria, en vue d’affecter efficacement l’augmentation massive de fonds propres qui vient de leur être imposée. Les banques marocaines et nigérianes deviennent alors en quelques années, par des opérations de rachat et/ou de créations, les actionnaires majoritaires des réseaux bancaires africains les plus vastes, à égalité avec ceux des groupes sud-africains plus anciens. Quelques-uns, présents dans plusieurs zones linguistiques, méritent aussi le titre de réseaux panafricains. Derrière elles, une petite dizaine de groupes privés à capitaux africains régionaux ont continué à grandir en restant jusqu’ici indépendants de ces leaders : ils apparaissent dans toutes les régions mais surtout en Afrique de l’Est et en Afrique Centrale. Un troisième groupe est composé des filiales des grandes banques européennes : les françaises résistent, les anglaises sont plus offensives. Des banques locales uni-nationales constituent la quatrième composante de ces systèmes bancaires. Ceux-ci comptent maintenant sur tout le continent près de 950 banques – plus de 800 pour la seule Afrique subsaharienne – contre moins de 600 vingt ans auparavant. La principale résultante de ces divers mouvements est que, au moins en Afrique francophone de l’Ouest, la poussée de l’actionnariat régional pendant la période 1990/2010 a de nouveau cédé la place à une domination étrangère dans laquelle les intérêts français côtoient désormais les acteurs marocains et nigérians. Dans les autres régions au contraire, les actionnaires locaux semblent avoir mieux résisté et rivalisent avec les capitaux d’origine anglaise et sud-africaine.

La puissance et la rentabilité des établissements est une troisième nouveauté. Depuis au moins une dizaine d’années, une bonne partie des banques africaines connaissent une croissance annuelle, exprimée en monnaie locale, de leurs principaux indicateurs d’activité et de résultats largement supérieure en moyenne à 10%, et en tout cas à la croissance globale de l’Afrique. Dopées par leurs acquisitions et leur expansion géographique, les banques marocaines et nigérianes se sont hissées pendant cette période aux premiers rangs derrière les cinq premières banques sud-africaines. Même si celles-ci restent encore inatteignables, comme évoluant dans un autre univers, leur avance se réduit lentement sous l’impact simultané de la faible croissance économique nationale et du repli du rand. En matière de résultat net, les taux de rentabilité s’affichent à deux chiffres et la mise en difficulté de banques non étatiques a été rarissime depuis deux décades. Cette évolution est à l’origine de divers cercles vertueux. Au plan économique, l’existence de banques plus dynamiques, mieux gérées, davantage tournées vers le crédit à la clientèle a favorisé le développement en sécurisant les transactions et en facilitant le financement des investissements. La vive progression des banques elles-mêmes soutient la croissance globale par les investissements et les embauches qu’elles réalisent. Au plan purement bancaire, ces rendements élevés du capital investi expliquent l’attraction croissante du secteur auprès des banques des pays africains les plus avancés, des Fonds d’Investissements, et même maintenant de certaines banques étrangères, du Qatar au Canada.

La quatrième évolution remarquable est celle de la réglementation et du contrôle des banques. Pour la réglementation, celle-ci est marquée par un durcissement généralisé des conditions d’accès à la profession – à travers des augmentations répétées de capital minimum – et de fonctionnement de celle-ci, avec le respect imposé de ratios de plus en plus contraignants. Ces changements ont suivi ceux observés dans la réglementation internationale, avec plus ou moins de retard selon les pays. Dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) par exemple, le capital requis pour la création d’une banque a été multiplié par 10 entre 2007 et 2015, mais les exigences réglementaires sont toujours celles de Bale I. En Afrique de l’Est au contraire, les fonds propres minimaux demeurent modestes mais les ratios prudentiels à appliquer sont très rigoureux. Au Maroc, Bâle III va entrer en application. L’orientation est dans tous les cas portée au durcissement sous la poussée des transformations internationales et de la montée des risques en Afrique, inhérente à la croissance rapide des banques et des crédits dans un environnement économique et juridique encore peu structuré. Pour le contrôle, les instances de régulation ont multiplié les textes mettant en place au sein des banques des procédures et des instances de plus en plus contraignantes tout en densifiant elles-mêmes leur surveillance. Dans les pays francophones, où le dispositif antérieur était particulièrement fragile, l‘amélioration majeure a consisté dans la création en 1989 de deux Commissions Bancaires régionales – une pour l’Ouest, une pour le Centre- permettant ainsi une parfaite indépendance de toute ingérence étatique locale. L’un des nouveaux défis de ces instances centrales est la mise au point de mesures facilitant le contrôle des réseaux transfrontaliers qui dominent le marché.

Ainsi reconstitué, fortifié, articulé en réseaux mieux adaptés aux besoins de clients plus mobiles et connectés, désormais profitable, investisseur important, le système bancaire est aujourd’hui une des plus belles vitrines d’une Afrique subsaharienne redevenue attractive. Ce panorama encourageant laisse cependant subsister des zones d’ombre. Même si celles-ci sont en bonne partie liées aux importantes faiblesses qui demeurent dans les économies africaines, les systèmes financiers peuvent contribuer à y remédier en poursuivant leur propre renforcement. Trois éléments cruciaux peuvent ici être soulignés.

Les systèmes bancaires eux-mêmes ont à combler les écarts qui les séparent encore de nombreux pays en développement plus avancés en matière de structures financières. La bancarisation des populations reste en moyenne sensiblement plus faible, tout comme le poids relatif de la monnaie scripturale dans la masse monétaire. Les ratios des crédits et des dépôts par rapport au Produit Intérieur Brut (PIB), même s’ils ont au minimum doublé de 1990 à 2013 et dépassent parfois 40%, restent très inférieurs à ceux de pays à développement comparable –Afrique du Sud et Maurice mis à part -. Malgré les avancées réalisées, l’éventail des produits offerts par les banques demeure en effet trop réduit tandis que la taille des établissements, même regroupés au sein de réseaux, leur interdit de prendre en charge les financements les plus importants. C’est ainsi que, par exemple, les grands projets africains d’infrastructures ou d’investissements miniers sont jusqu’ici presqu’exclusivement financés de l’étranger. A l’autre extrémité de l’éventail d’activités, les sociétés de télécommunications s’emparent de plus en plus, grâce au « mobile banking », du domaine des moyens de paiement et jouent elles-mêmes un rôle central dans la diffusion de la bancarisation. Le Kenya fut un précurseur en la matière et l’Afrique de l’Ouest semble être la région qui lui emboite le pas avec le plus de dynamisme. Les actions menées depuis une trentaine d’années doivent donc être intensifiées pour que les banques africaines soient un acteur encore plus complet en matière de « retail » et plus puissant en terme de financements.

En même temps,  les banques existantes n’ont pas encore su apporter des réponses totalement adéquates dans divers secteurs ou activités. Celui des Petites et Moyennes Entreprises (PME) en est un exemple. La place essentielle tenue par un secteur informel difficilement maîtrisable en termes d’informations et de méthodes de travail, la faiblesse des garanties disponibles, les taux de déperdition élevés sur ces concours donnent aux banques une grande frilosité sur ces catégories de sociétés alors que celles-ci constitueront normalement l’ossature des économies africaines de demain. Face à ces résistances, les solutions possibles pourraient provenir notamment d’une plus grande pratique du co-financement avec des partenaires au développement, afin de partager les risques subis, d’une part, et d’un effort accru par les banques de l’adaptation de leurs critères d’intervention aux caractéristiques de ces entreprises, d’autre part. Un autre domaine encore insuffisamment exploité est celui des concours à l’habitat, où les besoins sont immenses. Beaucoup de banques commerciales ont  pu récemment,  grâce à un élargissement des possibilités de refinancement, allonger jusqu’à 15, voire 20 ans, la durée de leurs prêts. Mais le principal obstacle reste ici le niveau élevé des taux intérêts. Celui-ci renchérit à l’excès les prêts immobiliers et donc le prix d’achat effectif des biens. La réduction de ce coût est indispensable pour que le secteur immobilier puisse croître comme il le mérite, et devenir à la fois un piler de la croissance économique et un contributeur de la paix sociale.

Enfin, si le système bancaire a magistralement évolué en trente ans, la diversification des autres composantes du système financier africain n’a réalisé que des progrès  encore limités sur la période. Pour les compagnies d’assurance, hormis l’Afrique du Sud, le secteur est loin des attentes. Quelques groupes régionaux solides se sont bien constitués dans chaque grande zone de l’Afrique subsaharienne, mais le taux de pénétration auprès du public reste infime et, surtout, la coopération avec le secteur bancaire pour le placement des produits, à travers la bancassurance, n’a pas encore connu le développement escompté. La micro-finance a confirmé sa place au fil des ans : en particulier, les nombres d’emprunteurs et les actifs gérés auraient été multipliés en moyenne par quatre entre 2005 et 2012. Toutefois les volumes restent modestes et la progression est moins vive que sur les autres continents. Ici encore, les passerelles de coopération avec les banques et les sociétés de télécommunication sont  à perfectionner afin de compléter les modalités d’utilisation de la micro-finance et d’en faire un instrument important de lutte pour la bancarisation. Les marchés financiers de capitaux ont aussi à accélérer leur expansion. De plus en plus nombreux -22 sur toute l’Afrique-, ils sont encore de taille insuffisante : la bourse d’Afrique du Sud, à elle-seule, représente environ 80% d’une capitalisation globale qui est passée de 245 milliards de dollars en 2002 à 732 milliards de dollars en 2012, soit très en deçà du PIB des pays concernés. Le nombre de sociétés cotées ne progresse que modestement et la liquidité insuffisante des titres reste un handicap majeur. La principale évolution des dix dernières années a été le recours massif des Etats à ces marchés locaux pour les besoins de leur financement courant. Le succès de toutes les émissions effectuées montre bien la présence d’une épargne abondante et disponible qui devrait faciliter la montée en puissance des marchés financiers. La difficulté majeure est l’étroitesse de l’offre pour des raisons essentiellement culturelles. Le marché financier régional de l’UEMOA, qui permet le regroupement sur une seule place des entreprises de 8 pays, ne compte que 40 sociétés cotées, soit nettement moins qu’au Kenya. Pourtant, il pourrait pourtant connaitre une rapide progression, si les perspectives économiques de la zone se confirment.

En développant l’accès aux services financiers et en facilitant le financement de tous les agents, la croissance exceptionnelle du système bancaire a été à la fois un facteur permissif et un soutien actif de la croissance africaine.  L’atténuation rapide des faiblesses subsistantes et l’élargissement de ces progrès aux autres composantes du système financier seront de même des atouts essentiels pour que cette croissance globale se pérennise et permette une évolution vers l’émergence économique et sociale souhaitée pour le continent. Toutes les prévisions émises sur ce secteur sont très optimistes : il reste aux acteurs à être à la hauteur du préjugé favorable qui leur est accordé.

 

Cet article est issu d’une présentation effectuée le 12 juin 2015 à Bordeaux lors du Colloque « Bonnes nouvelles d’Afrique », organisé par la Fondation Prospective et Innovation présidée par M. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre

Paul Derreumaux