OMBRES ET LUMIERES D’AFRIQUE (Tome 3) : Chroniques de temps d’inquiétude

« Le spectateur engagé ». C’est ainsi que me nomme Lionel Zinsou dans sa préface au Tome 3 de cette trilogie. J’accepte avec plaisir cette épithète en exergue de sa très aimable introduction, qui m’honore et pour laquelle je le remercie vivement. Spectateur de longue date de sujets qui me semblent importants pour l’Afrique subsaharienne, j’ai continué à l’être entre 2019 et 2023 avec le souci d’analyse et de précision qui m’avait guidé pour les deux tomes précédents d’OMBRES ET LUMIERES D’AFRIQUE. Engagé car, face à des thèmes divers, je me suis toujours efforcé de comprendre et d’expliquer et, devant les difficultés recensées et chaque fois que je le pouvais, d’identifier des pistes de solutions possibles ou en gestation.

Pour être utile à l’action, le diagnostic posé doit être fondé et lucide, même s’il est désagréable et préoccupant. Et c’est justement une inquiétude grandissante qui domine les constats des années 2019/2023 et qui oppresse beaucoup de citoyens subsahariens. Bien sûr, des avancées importantes se poursuivent dans des domaines cruciaux, tel par exemple celui des secteurs financiers, souvent en bonne santé et en profonde transformation, et l’Afrique est toujours la référence mondiale incontestée de l’essor du téléphone mobile. Mais ces succès perdent de leur impact positif si, dans le même temps, les retards s’accumulent par rapport au reste du monde sur nombre d’indicateurs vitaux et sur des évolutions majeures. En économie, tout se passe comme si, malgré les efforts accomplis et les financements engagés, le « logiciel du développement » sur ce sous-continent subsaharien n’est pas encore véritablement au point ou se heurte à trop d’obstacles infranchissables, laissant la pauvreté s’enkyster pour plus de 30% de la population. En politique, la fragilité des régimes en place conduit de plus en plus à des ruptures durant lesquelles, par nécessité ou par choix, des acquis sociaux et sociétaux et des urgences économiques peuvent passer au second plan des priorités. De vastes régions, comme le Sahel, frappées en outre par l’insécurité, sont particulièrement exposées sur ces deux fronts. La tragédie du Covid-19 montre combien ces difficultés rendent l’Afrique plus vulnérable et isolée, même si sa capacité de résistance ne cesse d’impressionner.

Si elle obscurcit l’horizon, cette inquiétude légitime ne doit conduire ni au désespoir ni au renoncement. De nouveaux motifs d’espérance et d’optimisme germent et se renforcent. L’un d’eux tient à la diversité qui caractérise de plus en plus la zone subsaharienne : dans des pays et régions, certes encore minoritaires, des cercles vicieux semblent s’être brisés de manière durable pour laisser prospérer des forces capables de réaliser les transformations vertueuses espérées depuis les indépendances. Ces espaces privilégiés pourraient inspirer des émules. Un autre, majeur, est la volonté inexpugnable qui habite des catégories essentielles de la population igurant pourtant parmi les plus malmenées : les femmes, trop souvent sous-considérées mais qui se révèlent des entrepreneuses débordantes de créativité et de pugnacité ; la jeunesse, rejetée du travail et des responsabilités, qui ne se résigne pas à voir son destin se déliter ; les acteurs de la solidarité, sur la générosité desquels repose la survie de beaucoup d’exclus.

Comme dans tout corps vivant, coexistent donc faiblesses et atouts, déceptions et espoirs dans un cocktail mouvant. Dans ce monde subsaharien en particulier, où la vitalité transparait aux yeux de tout observateur, la domination des premières aux dépens des seconds n’est jamais immuable. La démographie, trop souvent oubliée par les décideurs, en est la preuve : aujourd’hui souvent un fardeau, elle rend la zone incontournable pour demain sans qu’on sache encore comment ce pouvoir se manifestera. Mieux connaitre les motifs d’inquiétude pour mieux les combattre et les dépasser, recenser les fêlures et les impasses, rien ne peut mieux aider les femmes et hommes de bonne volonté à trouver, ensemble, les meilleures pistes à suivre pour réparer les dysfonctionnements et construire un avenir meilleur.

 

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Paul Derreumaux

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