Le FCFA, bouc émissaire pour d’autres maux ?

Le FCFA, bouc émissaire pour d’autres maux ?

 

Les voix contestant la pertinence du maintien du FCFA se sont multipliées depuis quelques années. Les arguments de ce bataillon d’opposants à la zone franc sont de qualité diverse. Beaucoup sont erronés, ou trop uniquement à visée politique, et ne sont souvent que critiques sans proposer de solution alternative : ils peuvent dans l’ensemble être oubliés. Certains ont cependant une analyse objective et une approche plus constructive qui mérite d’être écoutée, surtout s’ils sont menés par des personnalités dont la compétence ne peut être contestée.

L’attention portée à cette monnaie ayant cours dans les trois composantes de la zone franc -Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA); Communauté des Etats de l’Afrique Centrale (CEAC) ; République des Comores – fait que les caractéristiques du FCFA sont bien connues et peuvent n’être que rappelées : une monnaie commune, dénommée chaque fois sous le même sigle de Franc CFA, dans les pays de chacune des trois zones ; une parité unique et fixe de cette monnaie par rapport à l’Euro (EUR); une seule Banque Centrale par zone définissant la politique monétaire de celle-ci; une garantie totale de convertibilité en EUR apportée par la France ; un compte d’opérations ouvert auprès du Trésor Français par les Banques Centrales de chaque région, accueillant au moins 50% de leurs réserves en devises.

Plusieurs des reproches adressés au Franc CFA n’ont aucun effet sur le rôle que peut jouer la monnaie dans l’économie des pays qui l’utilisent. Il en est ainsi notamment du nom de la monnaie, du fait que les billets de banque en circulation sont fabriqués en France, de la présence d’observateurs français dans les Conseils d’Administration des Banques Centrales des trois zones, et même du compte de contrepartie et des réserves qui s’y trouvent. Certes, ces points peuvent avoir une haute valeur symbolique pour ceux qui ont besoin d’arguments simples mais de portée politique. Ils n’ont en revanche aucun impact sur le rôle positif ou négatif que le FCFA peut jouer dans les pays visés. Ainsi, le Shilling kényan est bien indépendant malgré son nom, qui rappelle l’Angleterre, et le fait que les billets de banque du Kenya sont fabriqués…à l’étranger. La Banque Centrale du Kenya, comme ses consoeurs de tous les pays, possède aussi des comptes en devises dans de multiples banques hors du pays, souvent moins rémunérés que les avoirs de la zone Franc laissés au Trésor français.

On peut déjà noter qu’aucun des contempteurs crédibles du FCFA ne conteste jusqu’ici l’intérêt d’une monnaie commune pour un espace régional. Les avantages du maintien d’un ensemble économique et monétaire unifié sont en effet déterminants : puissance internationale plus importante, en termes de Produit Intérieur Brut (PIB) comme de population ; accroissement des possibilités de commerce interne à la zone ; atouts apportés par une intégration régionale solide pour les investissements structurants et productifs ; meilleure stabilité juridique et fiscale ; amélioration probable de la gouvernance. Les efforts de construction de solidarités régionales dans toutes les parties du continent montrent d’ailleurs la généralité de cette recherche d’union, que possède déjà l’ensemble francophone et qu’il parait indispensable de préserver. Encore faut-il que les structures économiques des pays concernés soient suffisamment homogènes pour que cette synergie produise son plein effet. La CEMAC d’Afrique Centrale, surtout axée sur la production et l’exportation de pétrole et de métaux, diffère ainsi notablement de l’UEMOA d’Afrique de l’Ouest, plus orientée sur les produits agricoles et plus industrialisée. La trajectoire économique différente que suivent depuis longtemps ces deux régions – telle en ce moment une croissance vive à l’Ouest et une crise qui se prolonge au Centre – montre les difficultés de l’exercice. Elle tend aussi à prouver les limites des variables et des politiques monétaires pour rapprocher des systèmes économiques trop éloignés l’un de l’autre, surtout si la volonté politique fait défaut comme en Afrique Centrale.

Ce constat conduit directement aux principales critiques faites au FCFA. En Afrique francophone, la rigidité du FCFA et son adossement à une monnaie trop forte pour l’état des économies introduirait un blocage décisif à l’évolution des structures économiques de celles-ci et à la résolution des principaux problèmes rencontrés dans les pays concernés. Comme ailleurs en effet en zone subsaharienne, les objectifs fondamentaux doivent être ceux d’une croissance économique au rythme maximal et de bonne qualité, c’est-à-dire largement créatrice d’emplois capables d’absorber une progression démographique inégalée et assurant une réduction de la pauvreté aussi rapide que possible. Par la « rente monétaire » qu’il apporterait, le FCFA constituerait un handicap par rapport aux pays maîtrisant eux-mêmes la valeur de leur monnaie, qui peuvent donc ajuster celle-ci pour faciliter la valorisation de leurs exportations, la création d’industries et le commerce régional.

Face à cette thèse, deux points doivent être soulignés.

La gestion de la monnaie a pour principaux objectifs la stabilité optimale de la valeur de celle-ci par rapport à celle des monnaies retenues comme référence, et, à cette fin, une bonne maîtrise de l’inflation. Dévaluations fréquentes et inflation sont en effet des facteurs d’incertitude et de gêne pour toutes les entreprises, et notamment les investisseurs. Les éviter impose une discipline souvent difficile à respecter. Les fortunes diverses des monnaies de pays aussi prometteurs que le Nigeria, le Kenya ou le Ghana montrent les coups d’arrêt qu’entrainent les ajustements monétaires de grande ampleur et les efforts douloureux d’ajustement qu’ils imposent à travers les inflations qui suivent les pertes de valeur de la monnaie. A l’opposé, les difficultés rencontrées par le Maroc en 2016 pour la stabilisation de la valeur internationale du Dirham lors de l’assouplissement des liens antérieurs entre cette monnaie et l’Euro illustrent les risques liés à une telle indépendance monétaire : il a fallu toute la maturité de l’économie marocaine et la qualité du suivi de la Banque Centrale pour franchir avec succès, mais au terme de deux essais, cette étape risquée. Le FCFA a jusqu’ici bien rempli cette mission de stabilité, comme le prouve régulièrement la faiblesse de l’inflation en zone franc comparée à celle des pays « monétairement indépendants », et les modalités de sa gestion par les Banques Centrales concernées sont rassurantes pour les investisseurs nationaux comme étrangers. Le choix de la monnaie à laquelle est arrimé le FCFA présente aussi de nombreuses justifications. Les flux commerciaux et financiers entre l’Union Européenne restent prédominants, et sont ainsi dénués de toute perturbation monétaire. Le géant chinois, dont le poids croit constamment, cherche à diminuer les variations entre le Yuan et l’Euro, ce qui réduira les effets de celles-ci sur ses échanges avec l’Afrique. Les ratios EUR/ USD se sont également relativement stabilisés depuis quelques années et les effets négatifs de leurs variations sur la rémunération des exportations de la zone franc se sont en conséquence atténuées. De plus, ces effets jouent alternativement dans les deux sens, et peuvent être au moins partiellement compensés par la variation des cours des produits eux-mêmes. Rappelons enfin que la fixité du rapport FCFA/EUR n’est ni une donnée immuable, comme l’a montré la dévaluation de janvier 1994, ni un tabou, la création d’une monnaie commune étant par exemple à l’étude dans la CEDEAO même si la longueur de sa conception peut faire croire que d’autres solutions pourraient être plus appropriées.

Solidement arrimé à une monnaie forte, le FCFA empêcherait de ce fait d’atteindre les cibles prioritaires que sont une croissance économique forte et une transformation des structures génératrice d’un nombre élevé d’emplois. Les adeptes de cette attaque citent souvent en exemples le Ghana, le Nigéria et quelques autres pays, où la flexibilité monétaire donnerait plus de moyens d’actions à la politique économique et expliquerait une bonne partie du dynamisme observé. S’il est certain que le régime de change fixe prive les Etats de l’arme d’un ajustement systématique de la valeur de la monnaie pour soutenir les programmes d’actions mis en oeuvre, il est aussi certain que le régime de change flexible ne garantit pas le succès des pays qui ont fait ce choix. L’analyse statistique des taux de croissance à moyen ou long terme des pays africains ne montre pas, pour ce qui concerne le revenu par tête, que les pays de la seconde catégorie ont en moyenne distancé de manière significative et définitive les nations qui restent fidèles à la première. Les données de la décennie actuelle tendraient même à une opinion contraire. Surtout, l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB), le volume de création d’emplois et la bonne répartition de la création de richesse dépendent davantage d’autres facteurs que ceux de la flexibilité de la monnaie. Trois d’entre eux paraissent déterminants et disposent de grandes marges de manœuvre par rapport à la situation actuelle.

Le premier est celui de la qualité des stratégies économiques suivies par les Etats grâce aux divers leviers dont ils disposent. Ainsi, une politique fiscale mieux conçue et plus juste, surtout basée sur un élargissement de l’assiette, et un recouvrement plus performant des recettes permettraient d’élever enfin le ratio de celles-ci par rapport au PIB bien au-dessus du « plafond de verre » de 20%, et d’accroitre notablement les moyens d’action des Etats.  L’octroi d’une priorité plus marquée à l’enseignement et à la formation professionnelle, et la bonne adaptation de l’offre de ceux-ci aux besoins des entreprises faciliteraient l’accroissement recherché de la productivité, de la qualité des produits et services et d’une progression de la place du secteur industriel et de services modernes. Un soutien massif et intelligent à l’agriculture vivrière et à la transformation locale de ses produits, l’amélioration rapide des infrastructures et de la capacité énergétique, la réduction de dépenses inutiles et la réaffectation de ces fonds sont autant d’autres pistes. Une meilleure gouvernance et une véritable politique anticorruption et antifraude décupleraient l’effet positif de chacune des politiques citées.

Le second est celui d’un encouragement permanent et suffisamment consistant au secteur privé. Seul celui-ci est en effet en mesure d’insuffler le dynamisme et l’énergie créatrice capables de « booster » la croissance. En zone franc, comme dans toute l’Afrique subsaharienne, apparaissent de plus en plus de jeunes possédant les compétences, et parfois l’expérience, nécessaires et des capitaines d’industrie prêts à assumer des risques de grande ampleur et à se saisir de nouveaux secteurs d’activité. Mais tous trouvent sur leur chemin des freins administratifs de toute sorte et des financements insuffisants plutôt qu’un soutien déterminé des Etats, et la différence entre sone franc et Afrique anglophone est sans doute la plus frappante sur ce point.

Le troisième, particulièrement vrai en Afrique de l’Ouest, est la meilleure exploitation de l’atout d’une coopération régionale déjà bien avancée. Parfaitement intégrée au plan monétaire et financier, l’UEMOA progresse trop lentement en termes d’harmonisation administrative, économique, fiscale, juridique. Certes la convergence des grands indicateurs économiques, qui est une contrainte majeure, progresse, mais trop lentement. Comme pour l’Union Européenne, la région semble manquer actuellement d’un grand dessein et d’une volonté suffisamment ferme, capables de faire progresser rapidement la situation actuelle. Avec un commerce intrarégional qui ne dépasse pas 20% des échanges de la zone et ne progresse que modestement, l’UEMOA gaspille ses acquis issus d’une union douanière établie de longue date. En ce domaine, la réalisation intensive d’infrastructures grâce à la mutualisation des ressources financières, une meilleure concertation des Etats sur les projets de grandes entreprises permettant une répartition plus équitable des emplois et des richesses créées, un coup d’arrêt donné à la fraude et aux obstacles de toutes sortes sont susceptibles d’enclencher une hausse significative de ces échanges intérieurs à la zone.

Quoi qu’en pensent les détracteurs du FCFA, les « recettes » énoncées ci-avant sont aussi porteuses de réponses aux problèmes majeurs actuels sous le régime monétaire de la zone Franc que sous tout autre régime. Il a été vérifié de longue date en effet qu’aucun système monétaire n’est parfait. Il parait donc sage de donner la priorité à des chantiers « réels », que doivent affronter tous les pays sans exception, et de les faire progresser au maximum. Cela ne pourra que mettre les Etats francophones en meilleure position pour faire évoluer avec plus de sécurité leur système monétaire en tenant compte des étapes qu’ils auront franchies.   En la matière, l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) semble avoir une longueur d’avance. En accélérant ses réformes structurelles, en respectant les délais annoncés pour la création d’une monnaie régionale suffisamment crédible et prenant mieux en compte les évolutions des liens commerciaux de l’Afrique avec le reste du monde, elle pourrait faire taire de la plus belle manière les critiques au FCFA.

Paul Derreumaux

Article publié le 24/04/2019

 

 

UEMOA et CEMAC

UEMOA et CEMAC : Lointains cousins plutôt que frères jumeaux ?

 

Malgré un parallélisme dans la construction des deux blocs, les différences entre ceux-ci pourraient bientôt l’emporter sur leurs ressemblances.

On pourrait croire à première vue que les deux parties de la zone franc – Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), d’un côté, et Communauté Economique et Monétaire des Etats d’Afrique Centrale (CEMAC), de l’autre –  sont les composantes symétriques d’un même ensemble. Il est vrai que ces deux zones partagent au moins trois caractéristiques essentielles : la langue officielle, la valeur de leur monnaie et des structures d’intégration régionale d’apparence fort semblable. Pourtant, les aspects qui les différencient sont nombreux, et sans doute plus importants que leurs ressemblances.

Deux données naturelles les opposent d’abord. Au plan démographique, les 8 pays d’Afrique de l’Ouest francophone sont bien plus peuplés que les 6 d’Afrique Centrale – respectivement 102 et 45 millions d’habitants en 2013 – et, dans cette dernière, quatre pays comptent encore chacun à cette date moins de 5 millions d’habitants. Ce grand écart devrait d’ailleurs s’accentuer puisque l’Ouest progresse plus vite : les dernières prévisions conduisent à 266 et 112 millions de personnes pour chacun des deux blocs à l’horizon 2050. L’Afrique Centrale est en revanche nettement mieux lotie, jusqu’ici, en richesses minières, pétrolières, et forestières. Ces atouts l’ont avantagée dans les années 2000/2014 : la forte croissance africaine s’appuyait alors en bonne partie sur le développement rapide de la Chine et sur ses effets positifs sur la demande de matières premières, ce qui a généré un cycle long de hausse des prix des produits de base. Tous les pays de la CEMAC, mis à part la Centrafrique, en ont profité et ont obtenu sur cette période des taux de progression du Produit Intérieur Brut (PIB) élevés en moyenne. La petite Guinée Equatoriale a été un moment comparée à un Emirat pétrolier.

Une troisième différence majeure semble de plus en plus affirmée: celle de la gouvernance politico-économique, comme en témoignent deux indicateurs. Au plan politique, le fonctionnement des institutions et le renouvellement des dirigeants s’inscrivent progressivement en Afrique de l’Ouest dans le respect des règles fixées. Les soubresauts sont certes encore nombreux : ils ont touché la majorité des pays de la zone dans la dernière décennie, parfois avec violence -coups d’Etat ou même guerre civile-, à l’occasion envenimés par un terrorisme de plus en plus menaçant. Pourtant, les périodes « hors normes » durent de moins en moins longtemps et les élections présidentielles des six derniers mois se sont déroulées sans effusion de sang et, pour la plupart, de manière transparente. En Afrique Centrale au contraire, le mouvement est plus indécis et les constitutions solennellement adoptées sont encore trop facilement remises en question au risque de troubles graves. En matière économique, les intégrations régionales, en théorie parallèles dans les deux zones, recouvrent des réalités éloignées. A l’Ouest, les progrès sont sensibles même s’ils sont encore beaucoup trop lents, et les retours en arrière restent rares. Au Centre, les égos des dirigeants et les priorités nationales prennent le pas sur les actions communes et sur la volonté de constitution d’un espace régional suffisamment puissant et donc crédible. L’incapacité à empêcher la déflagration en Centrafrique avant l’arrivée des troupes internationales et le maintien jusqu’à ce jour de deux bourses mobilières dans la région, dont aucune n’est viable, figurent parmi les exemples les plus criards de ces « ratés ».

La longue période faste des cours des minerais et du pétrole, jointe à une venue en force des financements internationaux en Afrique, constituait sans doute une occasion unique pour les Etats d’Afrique Centrale de réaliser les transformations structurelles visant en particulier à accroître leur diversification sectorielle, et donc à réduire leur dépendance vis-à-vis de marchés internationaux qu’ils ne maîtrisent pas, La faible population des pays les plus favorisés facilitait en outre pendant ce temps la conduite de politiques vigoureuses d’inclusion économique et sociale. Ces objectifs n’ont pas reçu les priorités escomptées.  En conséquence, les structures économiques des pays de cette zone sont restées jusqu’ici particulièrement concentrées sur l’exploitation et l’exportation maximales de quelques produits de base, avec la fragilité associée à cette situation. Dans le même temps, moins favorisée en richesses minières, l’UEMOA a réussi à maintenir une croissance significative grâce aux investissements publics importants, à l’excellente santé des services, emmenés par les télécommunications et les banques, et à de bonnes récoltes agricoles. Certes cette avancée a été certaines années plus modérée que celle des membres de la CEMAC. Toutefois, en mettant à part le cas particulier de la Guinée Equatoriale, l’écart n’a pas été suffisamment consistant et permanent sur toute la période pour entrainer une différence notable dans le niveau de développement moyen des deux zones au milieu des années 2010

Depuis fin 2014, la chute brutale des prix des matières premières, et surtout des hydrocarbures, et les mouvements financiers qui y ont été associés ont inversé les privilégiés. L’UEMOA, forte importatrice de pétrole, a vu sa facture énergétique réduite. . En outre, les mutations engagées par la Côte d’Ivoire, que ce soit par exemple sous la forme d’investissements publics massifs ou de la construction d’une puissante industrie agro-alimentaire, donnent un exemple des possibilités d’accélération permises par une forte volonté politique assortie d’un programme de réalisation suffisamment dense. Représentant à elle seule plus de 35% du PIB de l’UEMOA, la Côte d’Ivoire, avec une croissance de près de 9% par an en moyenne sur 2012/2016, entraine dans son sillage une bomme progression de toute la zone. Celle-ci devient d’ailleurs actuellement une des régions les plus attractives du continent. Au contraire, enfoncée dans la crise qui touche tous les producteurs de pétrole, la CEMAC voit se dégrader ses indicateurs de finance publique, d’endettement extérieur et de balance commerciale. Sa croissance du PIB décélère vers une moyenne de 3% en 2016 tandis que celle de l’UEMOA est prévue au-delà des 7%, y compris pour les quelques années à venir.

Il n’est évidemment pas certain que le renversement du balancier engagé en 2014 se poursuive sur une décennie. Le relèvement des prix du brut est maintenant attendu pour 2017 et les nouvelles sur la Chine se font moins pessimistes. Si ces données se confirment, la situation de la CEMAC pourrait notoirement s’améliorer et un rééquilibrage s’effectuer quant aux perspectives économiques des deux blocs de l’espace CFA. Même si cette hypothèse se matérialise, il restera à l’Afrique Centrale à réaliser toutes les mutations économiques et politiques qui s’imposeront plus que jamais et pour lesquelles l’Afrique de l’Ouest prend une longueur d’avance.

Devant ce fossé qui se creuse entre les deux régions, on peut se demander si leur lien principal d’une monnaie à valeur commune doit être maintenu sans conditions. Les besoins des deux zones sont en effet naturellement différents : la relation qui les attache toutes deux à l’Euro suppose donc une sévère discipline commune et un minimum de convergence des stratégies économiques, pour ne pas conduire à des situations ingérables et globalement pénalisantes. Les difficultés de transfert d’une partie à l’autre de la zone Franc illustrent bien l’existence de cette hétérogénéité. Faut-il s’obstiner à réduire ces difficultés, au profit d’une unité de façade, ou privilégier le renforcement de la solidité de chaque bloc ?    

Paul Derreumaux