MALI : JOUR DE FÊTE A KAYO

En ce matin du premier dimanche de mai, beaucoup de gamins aux tenues multicolores, curieux  et bavards, sont déjà assis près de la tente installée pour recevoir les hôtes de marque. Le chef de village et l’imam principal de Kayo accueillent ceux qui les rejoignent. Un petit groupe de villageoises a commencé à chanter, soutenu par le rythme des tams-tams. Son animatrice, une petite femme à lunettes, au large sourire, coiffée d’un bonnet de laine bicolore et armée d’un instrument traditionnel de percussion, emmène l’équipe avec détermination. Hommes, femmes et adolescents arrivent lentement, grossissant peu à peu les rangs des badauds.

La cérémonie que tous attendent est l’heureux résultat d’un parcours engagé en décembre dernier par la Fondation DAMBE. Celle-ci a inscrit dans son programme d’activités depuis trois ans le financement de forages au profit de villages insuffisamment équipés et mal desservis par leur environnement. Devant les autres urgences qui lui sont soumises chaque année et la difficulté de trouver une entreprise compétente et aux exigences financières modérées, le projet avait été reporté jusqu’ici. La Fondation s’était promis de le concrétiser avant fin 2025. Deux personnes rencontrées en novembre dernier vont permettre de franchir le pas. D’abord un entrepreneur de travaux publics, C.S.D., ami de longue date des dirigeants de la Fondation : fin connaisseur de la région de Bamako, toujours serviable, lui-même investi dans les actions de solidarité, il recherche activement et identifie un jeune entrepreneur, D.T. ; qui parait répondre aux critères recherchés. Un rendez-vous avec celui-ci confirme la qualité du choix : l’interlocuteur est posé et direct, il est expérimenté dans son secteur et sa société est équipée d’un matériel performant. Le projet pouvant donc être exécuté dans de bonnes conditions, l’équipe ainsi constituée se met en quête dès décembre 2024 d’un site approprié pour sa réalisation.

Trois critères majeurs ont été clairement fixés dès l’origine pour cette première opération. Le village recherché doit être suffisamment éloigné de Bamako, pour ne pas bénéficier aisément des commodités de la capitale. Sa population doit être assez conséquente pour que le forage change la vie d’un nombre élevé de personnes, et en croissance pour montrer sa vitalité. Surtout, les responsables du village choisi auront à être à la fois les avocats de cet investissement auprès de leur population, et ses protecteurs quand celui-ci sera effectif, ce qui implique un fort engagement de leur part.  Après de premiers contacts menés sur cette base avec quelques localités et restés infructueux, le choix s’arrête sur Kayo. Située non loin de Koulikoro, à proximité de la route à 4 voies qui relie maintenant cette ville à Bamako, Kayo compte en 2025, selon les informations reçues, environ 4000 âmes en incluant les villages et hameaux avoisinants. Elle dispose d’un seul forage opérationnel alors que deux autres tentatives sont restées inachevées. L’accueil réservé à la délégation de la Fondation début janvier 2025 est chaleureux et il est clair que le projet a toute son utilité. Grace à la pêche dans le fleuve Niger assez proche et à l’agriculture vivrière, les familles peuvent subvenir à leurs besoins et la population grandit. Plusieurs endroits sécurisés sont aussi rapidement proposés pour le lieu d’implantation du forage. De plus, outre cette première contribution, et après les explications reçues, la population s’engage aussi à prendre en charge une partie minime du coût de l’opération. La Présidente sait que cet engagement multiforme est crucial. Il sera une garantie supplémentaire de la pérennité du projet car la communauté de Kayo se sentira encore plus concernée par celui-ci et y portera un soin attentif.

Les évènements vont alors aller vite. L’emplacement définitif est retenu et le forage sera installé sur un terrain public près de la mosquée centrale. Les travaux débutent immédiatement, l’eau est trouvée sans difficulté majeure et tout l’équipement est installé et prêt pour la livraison avant fin mars. Le château d’eau, d’une capacité de 500 litres, trône haut au-dessus du forage et, grâce à l’installation incluse de l’énergie solaire, alimente à tout instant d’eau potable les cinq robinets qui peuvent être utilisés simultanément sur deux zones distinctes. L’édification d’un mur et le crépissage de la mosquée voisine par un autre donateur donnent à l’ensemble encore plus d’allure.

C’est pour célébrer dignement la fin de ce travail que tous ceux qui y ont participé sont réunis ce jour. Le public s’est encore élargi depuis tout à l’heure et le chef de village souligne d’abord, en son nom et au nom de ses administrés, sa satisfaction et ses remerciements. Les imams lui emboitent le pas, suivis par la Présidente de la Fondation, qui rappelle les objectifs recherchés. Toute l’assistance se dirige ensuite vers le forage et ouvre solennellement les vannes. Chacun veut toucher l’eau qui jaillit, limpide, vivante, rafraichissante sous le soleil de mai, et en boire si possible une gorgée. Les femmes, les plus heureuses, engagent la danse simulant une « bataille de l’eau », qui illustre la situation si fréquente des épouses et des mères, trop nombreuses avec leurs grands récipients pour partager le filet d’eau qui est leur quotidien. Après cela, tous regagnent leur place, sous ou près de la tente, et s’engagent un deuxième « round » de remerciements, une reprise de la danse de la fausse « bataille », et enfin la chanson rythmée d’une chorale improvisée de femmes du village. A côté des invités, des pêcheurs de Kayo ont déposé en cadeau un échantillon de leur principale richesse : trois magnifiques capitaines encore ruisselants. Un bel exemple de leur propre générosité. La fête est restée simple et familiale, comme souhaité, mais l’enthousiasme témoigne de la satisfaction sincère des habitants

L’investissement n’est bien sûr qu’une petite pierre lisse sur le long chemin caillouteux à transformer en belle piste, qui traduirait l’accès de tous à l’eau potable. Mais la piste apparaitra d’une succession de ces pierres, posées par tous ceux qui le pourront. Et c’est à la prochaine que pensent déjà les artisans de cette première réussite. Demain ne peut attendre….

Paul Derreumaux

Article publié 13/05/2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *