Les premières impressions à l’arrivée à Washington sont toujours les mêmes : la foule impressionnante de voyageurs alignés avec discipline pour les formalités de police à l’aéroport de Dulles et la rapidité avec laquelle cette étape est franchie. Ce jour n’a pas échappé à la règle. Environ 1000 passagers de toutes couleurs de peau et de toutes origines, serrés dans une file serpentant dans un immense hall, avancent à petits pas, attentifs aux instructions de l’officier d’immigration. En une heure trente, tous seront passés sans encombre. La lourde machine administrative des Etats-Unis est toujours efficace.
Sur l’autoroute, les attraits naturels de la capitale et de sa région sont bien au rendez-vous : un doux soleil de septembre dans un ciel bleu pâle et le vert foncé, qui s’apprête à virer vers le roux, des grandes forêts enserrant la capitale. Si rien n’a changé de ce côté, dans le flot habituel des voitures, la prédominance massive des véhicules étrangers, Toyota et autres marques asiatiques très largement en tête, illustre pourquoi la maîtrise des importations de biens est devenue ici un enjeu majeur, budgétaire comme économique.
C’est ce que rappellent les actualités télévisées, centrées sur les initiatives et les déclarations du Président, et sur les réactions des opposants à sa politique. Mais les nouveaux sujets ne manquent pas : actions anti-commerce de drogue vis-à-vis du Vénézuela ; interventions de la garde nationale à Chicago après Washington et Los Angeles ; protestations enflammées des populations contre le projet d’arrêt de distribution de vaccins pour les écoliers en Floride ; et bien sûr commentaires sur la démonstration de force de la Chine lors du sommet et du grand défilé militaire qu’elle vient d‘organiser.
Cette effervescence politique qui inonde les médias ne perturbe guère pour l’instant l’atmosphère feutrée de la ville ni son activité. Au Mayflower et dans les autres grands hôtels, les séminaires s’enchainent as usual ; à la sortie des bureaux, on se presse dans les restaurants courus comme l’historique Old Ebbitt Grill au centre ou l’élégant Fiola Mare à Georgetown ; les musées du Smithsonian déploient toujours leurs trésors de connaissances et d’art ; les prix du quotidien paraissent avoir peu évolué. Seuls quelques indices peuvent être reliés aux changements intervenus depuis janvier dernier. Dans les activités de services, la main d’œuvre étrangère est toujours présente, mais semble moins nombreuse. Près de la Maison Blanche, une des destinations préférées des touristes, la plupart des parcs sont désormais interdits d’accès. Dans le Square Lafayette, la zone ouverte aux visiteurs est restreinte, mais des orateurs, très peu nombreux, continuent à y clamer des appels à Jésus ou des protestations les plus diverses. Tous sont cependant parfois priés, en douceur mais résolument, de quitter les lieux : chacun se replie alors lentement à l’extérieur avec son appareil photo ou sa banderole.
La sensation dominante est bien ici celle d’une continuité patiente avant de voir si les évolutions négatives que certains annoncent – inflation, panne de la croissance- se concrétiseront. Dans cette grande ville proche des centres de décision, la sérénité semble de mise pour l’instant. Et les esprits sont loin de la France, de son pessimisme et du sort préoccupant de son premier ministre, sujet dont on parlera sans doute ici seulement le lundi 8.
Paul Derreumaux
Publié le 08/09/2025