BANK OF AFRICA-KENYA : L’ambition panafricaine du GROUPE BOA

De sa création en 1983 jusqu’en 2002, le réseau BANK OF AFRICA a connu un développement régulier : une implantation progressive dans 7 pays ; des activités désormais élargies au-delà des banques commerciales ; une puissance accrue illustrant ces développements. En recherche d’expansion tous azimuts, le Groupe va alors saisir une occasion exceptionnelle : celle d’une première présence en Afrique anglophone.

C’est au Kenya que se situe cette opportunité. La Banque Indosuez, en cours de fusion avec le Crédit Agricole, y possède depuis longtemps une filiale, issue de ses antécédents coloniaux. Installée à Nairobi et Mombasa-, la banque est petite mais elle est bien gérée par une équipe de qualité : elle compte de très grandes entreprises clientes à l’international, possède une bonne réputation et son portefeuille de crédits est sain.  

Le pari est très risqué : le secteur bancaire kenyan est un des plus performants et compétitifs -près de 45 banques – d’Afrique, et le Groupe BOA est absent de la zone. Mais la tentation est trop belle : les discussions s’engagent donc en 2002 avec Indosuez et dureront deux longues années. Cette aventure passionnante laissera plusieurs souvenirs inoubliables.

Pour les négociations, il faut d’abord faire admettre BOA comme interlocuteur acceptable, ce qui est assez vite obtenu grâce à un réseau désormais consistant, une bonne image et un actionnariat original. Les débats sur le prix de la transaction sont plus délicats : Indosuez met haut les « enchères ». Les négociations, menées dans le plus grand secret à Paris et Nairobi, sont difficiles, parfois au bord de la rupture. Il faut toute l’expérience des négociateurs et avocats représentant BOA pour trouver les arguments pour les diminutions de prix demandées. Toutefois, Indosuez, avant tout sensible à l’honorabilité du repreneur et aux engagements qu’il prendra, apprécie les méthodes et les objectifs de ce candidat, et un accord est finalement trouvé.

Dans l’intervalle, BOA a dû trouver un montage juridique original pour répondre aux exigences de la Banque Centrale du Kenya (BCK) pour l’actionnariat des banques commerciales. Grâce à la participation, aux côtés des holdings de tête du Groupe, des BANK OF AFRICA du Bénin, de Côte d’Ivoire et de Madagascar, le dossier d’agrément progresse. La confiance entre la holding et ses filiales, grâce à la transparence des décisions prises et l’adhésion de tous aux programmes de développement, permet encore une fois de réussir ce nouveau projet. L’arrivée ultérieure du FMO et du Fonds d’Investissement Aureos consolideront ce « tour de table » initial.

Les derniers travaux préparatoires, menés enfin à découvert, permettent de rencontrer les équipes en place. Il faut les convaincre de la qualité du projet. Celui-ci va bouleverser les habitudes antérieures – avec une banque surtout tournée à l’avenir vers les entreprises kenyanes, l’innovation dans les produits et la création de nouvelles agences – et inclura de fortes prévisions de croissance. Il offre en échange à chacun le maintien au sein de la nouvelle entité et de réelles possibilités d’évolution à l’avenir. La franchise du discours et les bons échos émis par le Groupe parviennent à l’emporter sur le handicap de son origine francophone, et l’engagement sans réserve de tous est rapidement obtenu. Après une dernière péripétie juridique rencontrée pour l’adoption de notre nom, la BANK OF AFRICA-KENYA est agréée le 30 juin 2004.

L’entrée au Kenya est une immense satisfaction pour la BOA. Les 35 millions d’habitants que compte déjà le pays et sa puissante économie, fleuron de l’Afrique de l’Est, ouvrent des perspectives inespérées. Mais le plaisir de ce succès s’accompagne sans délai de la conscience des défis à relever. Il faudra notamment réussir dans l’urgence deux lourds chantiers pour éclaircir l’horizon. Le premier est interne : le Groupe doit à la fois construire à Nairobi une organisation fidèle à sa philosophie mais adaptée aux méthodes de travail et aux approches commerciales pertinentes au Kenya, maîtriser le nouveau contexte réglementaire, conserver toute la clientèle antérieure, obtenir l’adhésion des équipes locales aux objectifs de développement et de diversification, et assurer une bonne intégration de la nouvelle filiale au sein du réseau BOA. La mobilisation de tous -salariés comme Administrateurs- permet de progresser sur ces objectifs, mais l’avancée est lente. Les aménagements du management introduits en 2008 et le soutien massif des actionnaires -avec un capital déjà quintuplé en 2010-accélèreront l’adaptation et donneront à la banque une autre dimension. Le second est externe. Pendant que l’entité prend peu à peu sa place sur le marché kenyan, le Groupe parvient à s’implanter dans les deux pays voisins : l’Ouganda en 2006, la Tanzanie en 2007. La présence de la BOA dans les trois pays de l’East African Community (EAC) change la donne et apporte à BOA-KENYA un souffle nouveau.

Appuyée sur cette base renforcée, la banque va pouvoir consolider peu à peu son rang parmi ses consoeurs locales et devenir le « hub » de BOA dans l’AEC. Grâce à l’expérience et l’efficacité de ses équipes et à l’appui du Groupe, elle est présente aussi bien dans le financement des entreprises et des ménages que sur les marchés financiers nationaux, et son public s’élargit. Certes, les variations du Shilling Kenyan ne permettent pas toujours aux actionnaires étrangers de récolter le fruit de la croissance et des résultats dégagés. Mais toutes les parties prenantes sont confiantes : l’implantation au Kenya, qui fête ce 30 juin son vingtième anniversaire, a été un acte de foi sur l’avenir du continent, l’essor prévisible des échanges entre grandes régions de celui-ci et la construction de groupes bancaires régionaux interconnectés.

Vingt ans plus tard, ces espoirs sont plus que jamais vivaces et il n’est nul doute que la BOA-KENYA y apportera avec assurance et succès sa contribution.

Joyeux anniversaire.

Pau Derreumaux

Article publié le 24/06/2024

Sénégal : retour sur les marchés internationaux de capitaux

L’émission réussie par le Sénégal d’un Eurobond de 750 millions de USD est une bonne nouvelle à trois titres.

Pour le pays, elle constitue un apport peu attendu de ressources financières additionnelles qui aideront les nouvelles Autorités politiques à concrétiser un ambitieux programme, aussi bien économique que social. Elle montre aussi la confiance des prêteurs internationaux dans la vision comme dans le pragmatisme des dirigeants récemment élus, dans la solidité de leur base politique, et dans les évolutions à court et moyen terme de l’économie sénégalaise Pour l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, elle illustre la vision optimiste que les investisseurs étrangers continuent à avoir de la solidité de la zone. En 2024, trois des quatre Eurobonds émis en Afrique subsaharienne ont en effet concerné la région : Côte d’Ivoire, Bénin, Sénégal (le 4ème étant réussi par le Kenya). Les tensions politiques et risques sécuritaires sur le territoire de certains membres demeurent donc pour l’instant moins prééminentes que les performances économiques récentes et attendues de l’ensemble de l’Union et que sa capacité à trouver des solutions aux problèmes de l’heure.

Pour l’Afrique subsaharienne entière, elle représente l’espoir reconnu à l’étranger que les transformations positives à l’œuvre dans certains pays et regroupements régionaux peuvent se renforcer et s’étendre, et l’emporter sur tous les risques possibles de dégradation. Vue de l’intérieur du continent, elle constitue un encouragement à consentir les efforts requis pour conduire ces mutations et mobiliser à cette fin une jeunesse impatiente.

Toutefois, cette réussite n’est pas sans risques.

D’abord, l’emprunt est à un taux élevé et sa durée courte. Son remboursement pèsera sur les finances publiques d’un Etat parfois considéré comme trop endetté, qui devra peut-être réaliser des économies de charges compensatoires ou une restructuration en bon ordre de certaines parties de sa dette   

Surtout, les Autorités auront la lourde responsabilité d’assurer une affectation optimale de ces ressources complémentaires. L’atteinte d’un bon équilibre entre deux impératifs est déterminante. D’abord, répondre en actes aux aspirations populaires en matière de cherté de certains coûts ou d’amélioration des protections sociales, trop attendues pour être reportées, mais d’une application souvent délicate. Par ailleurs, procéder aux dépenses productives requises pour un lancement optimal des activités pétrolière et gazière et la poursuite d’investissements urgents, comme dans l’énergie. Enfin, des questions clés, comme celle de la monnaie commune, auront à être traitées sans perturber les autres priorités.

Ces défis sont complexes. Ils exigeront innovation et audace, mais aussi rigueur. La superbe élection démocratique de juin dernier, qui interdit l’immobilisme, a toutefois montré qu’un combat juste peut triompher de beaucoup d’obstacles.

Paul Derreumaux

BANQUE DE CREDIT DE BUJUMBURA ET BANK OF AFRICA : 16 ans d’une coopération réussie

C’est dès 2006, et en raison de ses contacts étroits avec la banque Belgolaise, que le Groupe BANK OF AFRICA envisage une implantation au Burundi. Les relations entre les deux groupes bancaires existent alors depuis plusieurs années et sont excellentes : le puissant réseau international de la grande banque belge facilite les opérations étrangères des BANK OF AFRICA qui grandissent ; la Belgolaise a de son côté choisi la BOA pour négocier le possible rachat par cette dernière de certaines de ses filiales africaines. Pour l’heure, ces tentatives de cession n’ont pas abouti, mais les deux réseaux demeurent proches et ont établi des liens de confiance.

Alors que la Belgolaise subit une pression grandissante pour « alléger » son réseau africain, l’intérêt de la BOA pour ses filiales est-africaines s’accroit à la suite de l’ouverture de la BANK OF AFRICA-KENYA en juin 2004. La Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) est donc une des entités, avec celles de l’Ouganda et de la Tanzanie, pour laquelle s’engagent des négociations. Figurant parmi les deux premières banques de la place bancaire de Bujumbura, elle permettrait une entrée en force du Groupe dans le pays. Toutefois, compte tenu de cette place essentielle, la BCB a aussi valeur de symbole et l’Etat tient à devenir majoritaire dans l’actionnariat en cas de départ de la Belgolaise. Le réseau BOA n’a nulle part l’expérience d’un partenariat avec des Autorités locales détenant la majorité des actions de la filiale et sa notoriété est loin d’atteindre celle de la Belgolaise dans cette zone géographique. Une fois la décision de principe validée, il faudra donc du temps, un montage spécifique et une forte volonté mutuelle d’aboutir pour conclure en mai 2008 l’accord pour la reprise de la Banque. Selon le schéma adopté, l’Etat renforce sa participation et détient désormais 55% du capital. Les 45% restants sont acquis par trois actionnaires, à parts quasiment égales : la holding de BOA ; l’institution BIO, structure officielle belge d’appui au secteur privé des pays en développement ; et la banque De Groof, importante banque privée belge. Tous les actionnaires acceptent de confier à BOA la responsabilité de la gestion de la banque et un contrat d’assistance technique est signé à cette fin par le Conseil d’Administration de la nouvelle BCB, qui garde son appellation antérieure. Le Directeur Général est désigné par l’Etat et son Adjoint par la BOA qui accepte, à titre exceptionnel, de renoncer à donner son nom à la Banque.

Chaque partie prenante a ainsi préservé ses préoccupations premières tout en s’efforçant de satisfaire au mieux celles des autres intervenants. L’Etat domine maintenant l’actionnariat et maintient le nom chargé d’histoire de l’institution. La BOA aura les moyens de mettre toute sa compétence technique et commerciale pour piloter la banque et maximiser le développement de celle-ci. Les autres actionnaires privés sont rassurés par le rôle confié à la BOA et, au moins pour BIO, sont bien connus de l’Etat, ce qui devrait faciliter le fonctionnement du Conseil d’Administration. Ce bon équilibre formel sera surtout servi par la volonté que mettront toujours en œuvre tous les Administrateurs, les dirigeants et l’ensemble des équipes de la Banque pour faire prévaloir les intérêts à court et moyen terme de la structure face à l’ensemble des défis à relever.

Les longues négociations pour obtenir cet accord équilibré n’ont en effet entrainé aucune perturbation dans la gestion de la BCB. Les équipes de celle-ci ont assuré avec un soin efficace pendant la transition tous les services fournis de longue date à la nombreuse clientèle, et notamment aux grandes entreprises du pays. Dans cette période, les banques Belgolaise et BOA ont coopéré pour que la crédibilité de la BCB soit maintenue au Burundi comme à l’étranger. Dès la conclusion des accords, le Groupe BOA a mis à la disposition de la Banque son expertise technique, son réseau de correspondants étrangers, ses approches commerciales innovantes et l’appui d’un réseau de filiales en expansion, et son équipe d’assistance technique a coopéré avec détermination et transparence avec le personnel local. Comme promis, et respecté partout par le réseau BOA, aucun licenciement collectif n’est intervenu. Dans le Conseil d’Administration, tous les Administrateurs ont eu à cœur d’intensifier le développement et la solidité de la Banque. En effet, il a vite été reconnu par tous que l’atteinte d’une gestion harmonieuse, d’une croissance régulière et d’une rentabilité optimale de la Banque, dans le respect des contraintes réglementaires fixées par les Autorités monétaires, était la meilleure voie pour satisfaire aux objectifs de chaque acteur, y compris au souci de l’Etat de continuer à faire de la BCB une référence historique et une institution leader du marché bancaire national.

Seize ans après ces changements, la BCB apparait avoir gagné son pari. Certes, le système bancaire est nettement plus dense, désormais relié à l’espace prometteur de l’East African Community qui a amené au pays les puissantes banques kenyanes et tanzaniennes. Mais la BCB demeure une des grandes institutions de la place, grâce à ses performances et à l’attachement que lui portent toutes les catégories de clients. Le Groupe BOA, pour sa part, a contribué activement à faciliter la modernisation de la Banque, tel qu’au plan informatique, et a développé avec la BCB une coopération permanente et multiforme : la BCB est ainsi bien intégrée dans un Groupe bancaire panafricain en gardant son autonomie

Puisse cet équilibre se renforcer continûment pour conduire la BCB et tous ceux qui participent à ses activités et à sa croissance vers d’autres succès futurs.

Paul Derreumaux

Article publié le 29/05/2024

BOA-FRANCE : Vision stratégique et ténacité

La création d’une institution financière en France est sans conteste un des projets du Groupe BANK OF AFRICA qui a mis le plus de temps à voir le jour, mais il sera peut-être un de ceux qui joueront un rôle crucial pour son futur.

Dès la naissance de la BANK OF AFRICA-MALI en 1983, l’intérêt de disposer d’une agence à Paris apparait comme une évidence au vu de l‘importance des rapatriements réguliers d’épargne de la diaspora malienne en Europe et des actions déjà menées par d’autres banques du pays pour collecter ces flux. Les rencontres en 1991 avec des représentants de la Banque de France « douchent » cependant cet enthousiasme. La jeune banque, à l’actionnariat africain privé et éparpillé, sans institution de référence, ne peut répondre aux critères des Autorités françaises de contrôle des banques. Il faudra alors se contenter d’un bureau de représentation réservé aux contacts avec la clientèle malienne installée en France et trouver des partenariats avec des structures françaises comme La Poste pour les transferts des migrants.

Cette solution est très imparfaite et produit des résultats limités. Elle est très éloignée des ambitions des dirigeants du réseau BANK OF AFRICA qui a commencé à grandir. Une nouvelle tentative est donc lancée en 1996 par la holding du Groupe. Celle-ci prendrait une participation majoritaire, en étant épaulée par une banque française partenaire de l’époque. Mais la holding n’est pas régulée par une Autorité monétaire, ce qui empêche le projet de satisfaire aux règles en vigueur : c’est un nouvel échec.

L’idée va reprendre vie en 2008. Le schéma s’est modifié. L’élargissement du réseau BOA en Afrique subsaharienne permet de composer un « tour de table » avec plusieurs BANK OF AFRICA dûment agréées par des Autorités monétaires locales : toutes celles qui sont contactées acquiescent avec engouement et détiendront ensemble une large majorité d’un capital de 5 millions d’Euros. Notre partenaire Proparco s’engage aussi pour une participation de 20%. L’agrément est cette fois accordé au début de 2009. La Banque Marocaine du Commerce Extérieur, désormais actionnaire principal du Groupe, a approuvé cet investissement, mais n’y est pas associée. Il faudra ensuite une bonne année pour installer cette nouvelle filiale, embaucher l’équipe, concevoir des procédures et une organisation adaptées aux normes françaises bancaires. Le bureau de représentation de la BOA-MALI va être intégré à la nouvelle filiale et donnera à celle-ci un premier point de contact avec la clientèle. Sur ces bases, BOA-FRANCE ouvre ses portes en mai 2010, avec un statut d’établissement financier.

La nouvelle entité affiche un double objectif : d’abord, imposer sa présence dans les rapatriements d’épargne des migrants des pays subsahariens où elle est implantée ; à moyen terme, devenir un « hub » pour les opérations internationales des filiales africaines du réseau BOA. Dans la mise en œuvre de cette stratégie, elle va affronter pendant une dizaine d’années d’importantes difficultés. Les deux nouvelles agences créées à Paris pour la clientèle africaine assurent un premier essor des activités de détail, mais la concurrence est toujours plus intense et diversifiée et freine le mouvement. Surtout, les exigences de conformité sur ces opérations se durcissent constamment et les caractéristiques de la clientèle de BOA-FRANCE rendent difficile le respect par celle-ci des contraintes fixées en la matière. L’institution doit rapidement mettre au second plan ses actions commerciales et « mettre à plat » toutes ses procédures et méthodes de travail   pour que celles-ci soient en parfaite harmonie avec les standards requis. Ceci constituera une priorité pesante et de longue haleine, menée avec patience et détermination par toute l’équipe de BOA-FRANCE et l’appui multiforme et décisif du Groupe BOA. Les buts visés seront atteints, mais la compétition féroce sur ce créneau et le durcissement du traitement en France des opérations en espèces conduisent BOA-FRANCE à fermer ses agences et à restreindre ses activités dans ce créneau qu’elle avait privilégié. Ces handicaps retardent la rentabilité de l’institution et contraignent les actionnaires à accroitre à plusieurs reprises leur investissement initial. Convaincus du bien-fondé de leur projet et confiants dans la solidité et la qualité de l’équipe et de son management, les BOA actionnaires adhèrent à chaque nouvel effort financier.

A partir de 2015, des hésitations stratégiques du Groupe entraineront une nouvelle période d’incertitudes pour BOA-FRANCE et son positionnement. Il faudra toute la volonté et la force de conviction du Directeur Général, appuyé sur l’expérience et la ténacité de son personnel, pour faire admettre les perspectives de développement de la filiale française, basculer le « centre de gravité » de la structure vers sa seconde composante stratégique, celle d’un centre d’opérations internationales pour les BOA, et même au-delà de ce périmètre, et lancer BOA-FRANCE dans une nouvelle vie sans délaisser totalement son orientation première. Près de 5 ans et des actions opiniâtres quotidiennes seront encore requises pour démontrer que cette option était pertinente. La confiance constante de toutes les BOA à BOA-FRANCE, la croissance continue du Groupe ont alimenté cet essor, que la réticence de plus en plus forte des banques françaises à coopérer avec les banques africaines a en outre involontairement renforcé. A l’aube de 2024, BOA-FRANCE est bien armée pour progresser dans cette voie prometteuse, tandis que de nouvelles possibilités éclosent pour exploiter des relations innovantes avec la clientèle privée africaine. La double orientation stratégique de l’entité, jamais abandonnée, retrouve ainsi toute son actualité.

Une bonne nouvelle pour saluer les 14 ans d’activité de BOA-FRANCE et lui souhaiter un brillant avenir !

Paul Derreumaux

L’exemple de l’East African Community (AEC) : une autre approche d’Union Economique Régionale

L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est une des régions de l’espace subsaharien les plus remarquées pour sa robuste croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) depuis plus d’une dizaine d’années, et une bonne maitrise de l’inflation grâce à l’arrimage de sa monnaie à l’EUR, mais elle préoccupe par les tensions politiques et sécuritaires qui la touchent aujourd’hui. A plusieurs milliers de kilomètres de là, une autre Union se distingue aussi par son dynamisme, ses ambitions et ses réussites récentes : l’East African Community (AEC). S’il est vraisemblable que les deux zones pourraient peser sur le destin du continent en raison de leur poids croissant, elles offrent en tout cas des « modèles » de construction assez différents.

Le périmètre de l’AEC a connu ces deux dernières années une augmentation considérable. Reconstituée en 2000, après une mise en parenthèse de plus de 20 ans, par ses trois fondateurs -Kenya, Ouganda et Tanzanie-, la Communauté Est Africaine s’est étendue en 2007 au Burundi et au Rwanda, puis au Sud-Soudan en 2016. Elle a surtout inclus en 2022 la République Démocratique du Congo (RDC) et ses quelque 100 millions d’habitants, et vient d‘accueillir la Somalie comme 8ème membre.

L’ensemble pèse lourd. L’AEC couvre aujourd’hui 16% de la surface du continent – plus de 20% de sa partie subsaharienne-, traverse l’Afrique d’Ouest en Est et s’ouvre désormais à la fois sur l’Océan Atlantique et, largement, sur l’Océan Indien. Sa population globale dépasse maintenant 300 millions d’habitants, soit 25% de toute l’Afrique subsaharienne et plus de 2 fois celle de l’UEMOA. Elle augmente de plus de 2% par an et compte quatre poids lourds de la démographie africaine : Tanzanie, Ouganda et Kenya, et surtout la RDC dont la croissance est la plus rapide du continent et qui pourrait être le 2ème Etat subsaharien le plus peuplé en 2050. Le PIB cumulé des 8 pays atteint en 2022 307 milliards de dollars US, ce qui en fait globalement la 3ème puissance subsaharienne et représente environ 1,65 fois le PIB de l’UEMOA. La répartition est cependant fort inégale : le Kenya assure à lui-seul le tiers de l’ensemble, et la Tanzanie et l’Ouganda réunis un second tiers ; pour le reste, la RDC fournit l’essentiel malgré le faible niveau du revenu par habitant.

L’évolution et la situation actuelle de l’AEC sont pour une bonne part le résultat de l’approche pragmatique et libérale des trois pays fondateurs de l’Union, caractéristique de leur culture anglophone : s’appuyer sur le dynamisme et les atouts respectifs de chacun pour construire un grand marché où l’essor des entreprises locales peut s’exprimer le plus aisément avec des contraintes politiques communes minimales et la préservation optimale par les Etats des intérêts nationaux. Le Kenya a joué le rôle de pionnier et de premier bénéficiaire dans cette approche de terrain, grâce notamment à l’avance d’un appareil industriel puissant et diversifié, et à la sophistication de son système financier. Mais Tanzanie et Ouganda ont pu en tirer profit en restant vigilants sur les particularités – historiques, politiques, sociologiques, ..- qui leur semblaient essentielles à sauvegarder tout en utilisant au maximum cette ouverture des économies. Beaucoup des entreprises et des banques ont donc adopté une stratégie régionale qui a permis à la fois de stimuler leur propre croissance et de diffuser dans les trois pays des progrès structurels. Les structures communautaires ont veillé par ailleurs à encourager ces tendances de renforcement des liens économique régionaux – création d’une zone de libre-échange en 2008 ; mise en place d’un marché commun régional en 2010 pour favoriser la circulation des biens, personnes et capitaux, avec une protection de l’extérieur assurée par un tarif unique. Mais cette libéralisation a laissé à chaque Etat beaucoup de prérogatives régaliennes : on compte ainsi dans l’AEC autant de monnaies et de banques centrales que de pays et plusieurs Etats ont créé leur propre bourse mobilière.  Les ambitions fortes comme une monnaie commune et une construction plus fédérale restent affichées, mais le terme de leur réalisation a été mis au second plan.

En adoptant cette optique, les dirigeants de l’EAC ont donc visé avant tout des objectifs limités en termes d’intégration structurelle, mais surtout volontaristes en matière de croissance économique, en s’appuyant sur des politiques suffisamment concrètes et solides pour être utiles à des acteurs dynamiques dans un marché en expansion rapide. L’évolution historique de l’AEC observée depuis 2007, rappelée ci-avant, témoigne de l’attraction de cette politique et quelques exemples montrent ses impacts positifs. Les données géographiques et démographiques, déjà citées, parlent d’elles-mêmes. Au plan des ressources naturelles, on trouve maintenant dans l’immense espace de l’AEC aussi bien de riches cultures d’exportation -café, thé, fleurs du Kenya, d’Ouganda, de Tanzanie – que des zones forestières et, surtout, une large gamme de produits miniers allant du pétrole en Ouganda aux métaux rares -cobalt, coltan,..- dont est si bien dotée la RDC. Les puissantes banques kenyanes -le bilan d’Equity Bank, première banque kenyane, est 2 fois supérieur à celui de la Société Générale de Côte d’ivoire -, grâce à des rachats ou de nouvelles implantations, sont en train de devenir dominantes en RDC comme elles l’avaient fait au Sud-Soudan où elles ont ouvert des filiales vite florissantes dès l’indépendance de ce pays. Elles accélèrent ainsi l’inclusion financière dans toute la région. L’AEC a aussi la chance de posséder des membres précurseurs dans certaines infrastructures. Le Kenya est numéro 1 en Afrique pour l’éolien, grâce à son parc géant de Turkana, et pour la géothermie, par ses installations dans la vallée du Rift. Il pourrait être une locomotive pour rattraper le retard considérable de la RDC ou de la Somalie. L’AEC est aussi une exception en matière ferroviaire avec plus de 7000 kms de voies ferrées opérationnelles et de nouveaux projets d’extension. Le Kenya abrite un appareil industriel de grande envergure et de large composition qui a déjà commencé à inspirer ses deux voisins immédiats. Le tourisme est un secteur prospère, sous des formes variées, aussi bien en Tanzanie et au Kenya qu’au Rwanda.

D’autres impacts espérés devraient être cependant plus lointains ou incertains à l’avenir. En particulier, le nouvel ensemble, s’il a gagné en taille, a aussi perdu en homogénéité -linguistique, culturelle, de niveau de vie-, ce qui peut rendre plus difficiles les mutations structurelles profitables à plusieurs pays. De plus, les investissements industriels et en infrastructures, stratégiques pour les derniers membres arrivants, risquent de prendre du temps pour se concrétiser et porter leurs fruits. Surtout, deux questions majeures interpellent. La première, ancienne, est d’ordre monétaire. Le shilling kenyan, le moins fragile dans l’EAC, a ainsi perdu plus de 50% de sa valeur par rapport au Dollar US de 2000 à 2024 contre 15% seulement pour le FCFA sur la même période, le repli ayant été plus élevé pour l’Ouganda et la Tanzanie. Cette situation a des effets variés. Ainsi, selon les données de la Banque Mondiale, le revenu par habitant du Kenya en dollars courants a crû deux fois plus vite que celui de la Côte d’Ivoire sur ces deux décennies, mais la même variable exprimée en parité de pouvoir d’achat a été dans le même temps plus performante de 10% en Côte d’Ivoire. De même, les soubresauts du Shilling absorbent souvent une partie notable des bénéfices des sociétés pour les actionnaires extérieurs et peuvent freiner des investissements encouragés par d’autres motifs.  Ces constats tendent à confirmer qu’une monnaie, quelle qu’elle soit, ne constitue ni un handicap dirimant pour le développement économique, ni un avantage décisif face à cet objectif. Le secret de la performance se trouve davantage dans d’autres facteurs, liés à la sphère réelle et à la qualité de la vision et des politiques économiques. La seconde interrogation, plus récente, est que les élargissements récents de l’EAC ont eu lieu alors même que des tensions politiques semblaient s’exacerber entre membres et postulants, le cas le plus marquant concernant la RDC et le Rwanda. Certaines adhésions ont aussi été agréées alors qu’elles pouvaient gêner les relations avec de puissant voisins, tels le Soudan pour le Sud-Soudan et l’Ethiopie pour la Somalie.  Il apparait donc que les motivations et critères d’adhésion sont essentiellement économiques, tablant sur une espérance d’amélioration par effet d’entrainement dans un espace performant, mais aussi que les différences politiques entre membres, même majeures, n’ont pas entrainé jusqu’ici d’arrêt des synergies ni de volonté de scission. Il reste à voir si cette conception saura être maintenue alors que des tensions s’avivent entre certains membres de l’EAC.

L’évolution des vingt dernières années ne semble pas encore indiquer si, dans la comparaison possible entre l’AEC et l’UEMOA, l’une des deux Unions aurait durablement pris le pas sur l’autre en termes de perspectives. En économie, les indicateurs témoignent des importantes avancées des deux espaces régionaux, les atouts et handicaps de l’un et de l’autre l’emportant tour à tour selon la conjoncture, notamment internationale. En politique, le niveau variable d’intégration des deux communautés rend difficile l’appréciation de leurs succès et échecs respectifs. Cette « compétition » peut être bénéfique. En cette période où surgissent beaucoup de remises en question, fortifier de toutes manières les constructions régionales les plus crédibles, parfois en imaginant qu’elles peuvent susciter des inspirations réciproques, est sans doute un bon moyen de faire progresser à la fois la paix et le mieux-être pour tous.

Paul Derreumaux

L’implantation de la BANK OF AFRICA-GHANA : un pari osé mais pertinent.

Début 2011, le Groupe BANK OF AFRICA va enfin pouvoir saisir une opportunité qu’il guettait depuis longtemps : s’implanter au Ghana. Ce pays est alors déjà considéré comme l’un des plus prometteurs en Afrique de l’Ouest, tant par ses atouts économiques que par le dynamisme de ses entreprises et par la vitalité acquise par sa démocratie. Certes, la valeur de sa monnaie connait d’importants à-coups au niveau international et l’ouverture du pays aux banques nigérianes a encore durci la concurrence dans un secteur financier animé et diversifié. Mais la recapitalisation imposée par la Banque Centrale du Ghana en 2010 amène certaines banques locales à rechercher des partenaires pour continuer leurs activités. Encouragée par la série d’expansions réussies menées depuis 2006, la holding du Groupe décide donc d’explorer les possibilités d’une implantation.

Les premiers contacts sont difficiles face à des interlocuteurs souvent peu pressés d’accueillir des actionnaires étrangers et de partager leurs ambitions. Après un premier échec, les discussions se révèlent cependant prometteuses avec Amalgamated Bank (AMAL BANK). Le Groupe retrouve dans la personnalité des dirigeants, dans leur approche de terrain, dans l’attention qu’ils portent à leur banque, dans la transparence des négociations menées avec eux, beaucoup de points qui ont marqué la culture de la BANK OF AFRICA depuis près de trente ans. Chaque partie défend bien sûr ses intérêts mais conduit les négociations de manière constructive avec la volonté d’aboutir. La Banque Centrale, vigilante, précise ses exigences mais manifeste aussi son ouverture et donne de précieux conseils à chaque partie. Dans cet environnement anglophone moins familier au Groupe – l’apprentissage n’a démarré qu’en 2004 au Kenya-, les contraintes sont plus pesantes face à des pratiques commerciales et une réglementation différente, et devant des concurrents aguerris et des clientèles bien informées.  Malgré tout, les choses progressent bien. Les avancées sont facilitées par l’appui qu’apportent les anciens actionnaires et administrateurs, tous restés au cœur du dispositif de la nouvelle Banque, aussi bien que par la coopération active des équipes de AMAL BANK, rassurées par notre engagement de ne procéder à aucun licenciement.

Avant la fin du premier trimestre 2011, l’agrément est accordé et la BANK OF AFRICA-GHANA (BOA-GHANA) peut démarrer ses activités. Les débuts ne sont pas faciles dans une économie soutenue par une croissance solide mais handicapée par des taux d’intérêts élevés et les contraintes monétaires. Mais l’énergie et la solidarité de tous permettent à BOA-GHANA de mettre en oeuvre progressivement des caractéristiques fondamentales de la  BOA -ouverture d’agences, évolution vers une banque tous publics – et de s’inscrire au mieux dans les circuits de financement ouverts aux banque. En 2018, BOA-GHANA traversera avec succès la phase difficile imposée aux banques ghanéennes par un triplement en 18 mois de leur capital social minimum : elle figurera ainsi début 2019 parmi les 23 banques rescapées alors que 11 devront cesser leurs activités Il n’est nul doute que le franchissement de cet obstacle a renforcé les ambitions de la Banque  et lui ouvre les portes d’importants développements à venir.

Bon anniversaire à la BANK OF AFRICA-GHANA et à ses équipes, et beaucoup de réussites futures à savourer.

Paul Derreumaux

The setting up of BOA-GHANA: A daring but relevant bet.

At the beginning of 2011, the BANK OF AFRICA Group will finally be able to seize an opportunity it has been waiting for a long time: to build a footprint in Ghana. At the time, the country was already considered as one of the most promising in West Africa, both in terms of its economic assets and the dynamism of its businesses and the vitality acquired by its democracy. Admittedly, the value of its currency was experiencing significant international shocks and the country’s opening up to Nigerian banks had further tightened competition in a dynamic and diversified financial sector. But the recapitalisation imposed by the Central Bank of Ghana in 2010 led some local banks to look for partners to continue their activities. Encouraged by the series of successful expansions carried out since 2006, the Group’s holding company decided to explore the possibilities of setting up a company.

Initial contacts were difficult in front of interlocutors who were often reluctant to welcome foreign shareholders and share their ambitions. After an initial setback, however, discussions with Amalgamated Bank (AMAL BANK) proved promising. The Group finds in the personalities of the managers, in their approach in the field, in the attention they pay to their bank, in the transparency of the negotiations conducted with them, many points that have marked the culture of the BANK OF AFRICA for nearly thirty years. Of course, each side defends its own interests, but conducts the negotiations constructively with the will to succeed. The Central Bank, vigilant, clarifies its requirements but also shows its openness and gives valuable advice to each party. In this English-speaking environment, which is less familiar to the Group – apprenticeships only started in 2004 in Kenya – the constraints are heavier in the face of different business practices and regulations, and in the face of seasoned competitors and well-informed customers. Despite this, things are progressing well. Progress has been facilitated by the support of former shareholders and directors, all of whom have remained at the heart of the new Bank’s system, as well as by the active cooperation of AMAL BANK’s teams, reassured by our commitment not to make any lay-offs.

Before the end of the first quarter of 2011, approval was granted and the BANK OF AFRICA-GHANA (BOA-GHANA) was able to start operations. The beginnings were not easy in an economy supported by constant dynamism but handicapped by high interest rates and an internationally unstable currency. But thanks to the energy and solidarity of involved, BOA-GHANA was able to gradually implement the fundamental characteristics of the BOA – opening branches, evolution towards a bank for all public – and to be part of the financing circuits open to banks. In 2018, BOA-GHANA successfully go through the difficult phase imposed on Ghanaian banks by tripling their minimum share capital in 18 months: it will thus be among the 23 banks restated in early 2019 while 11 will have to cease their activities. There is no doubt that overcoming this hurdle has strengthened the Bank’s ambitions and opened the door to important future developments.

Happy birthday to the BANK OF AFRICA-GHANA and its teams and many future successes to savour.

Paul Derreumaux

BOA-BURKINA FASO … plus de 25 ans de croissance continue

En se tournant vers le Burkina Faso début 1997 pour y installer sa 5ème filiale après avoir racheté deux banques, au Niger puis en Côte d’Ivoire, le Groupe BANK OF AFRICA revient à ses premières expériences : créer un établissement ex-nihilo comme il l’a déjà fait à ses débuts au Mali et au Bénin. La période et le lieu sont favorables à ce nouveau pari.

Le réseau BANK OF AFRICA (BOA) a maintenant plus de 10 ans d’existence : il a acquis une bonne réputation dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) où il a gagné en puissance et en rentabilité grâce aux évolutions positives de ses quatre établissements en activité. L’économie du Burkina Faso est certes encore modeste, mais elle progresse régulièrement en s’appuyant notamment sur une agriculture solide et diversifiée, et sur une classe de commerçants actifs et bien organisés. De plus, le système financier national, longtemps inchangé, connait quelques transformations qui peuvent faciliter la croissance des entrants. Dans le même temps, l’UEMOA ouvre de belles perspectives aux banques qui, comme la BOA, ont décidé d’utiliser au mieux toutes les opportunités d’une approche en réseau dans un espace financier bien intégré : cette empreinte géographique additionnelle consolide donc aussi le Groupe.

Le premier essai est celui du rachat d’une entité en restructuration, mais la compétition tourne au profit d’une banque française qui a maintenant disparu du paysage local. Qu’importe, car la décision est prise et les expériences du Mali et du Bénin ont laissé aux équipes les acquis pour piloter tambour battant les principales phases préparatoires à une création. Le tour de table est d’abord concrétisé selon les principes habituels d’un équilibre optimal : la holding du Groupe ; des actionnaires privés burkinabés motivés et crédibles ; deux institutionnels déjà partenaires, Cauris et FMO, auxquels vont s’ajouter les BOA du Bénin, du Mali et du Niger. Confectionné dans l’été 1997, le dossier de demande d’agrément est accepté dès septembre de la même année. Un grand immeuble en construction est identifié pour le futur siège et, grâce à la vigilance de tous les instants des dirigeants et des actionnaires, sera finalement disponible en mars 1998.

Une banque école s’est mise en place fin 1997 pour former la vingtaine de jeunes recrues qui viennent d’être rigoureusement sélectionnées. La formation approfondie qui y est donnée met en valeur leurs qualités -compétence, sérieux, solidarité, engagement-, qui seront retrouvées dans tous les renforts qui les rejoindront selon le même processus au fur et à mesure que la banque grandit. Ces ressources humaines assureront à la BANK OF AFRICA-BURKINA FASO (BOA-BURKINA FASO) une régularité exemplaire dans sa progression et ses performances, et quelques-unes dirigeront plus tard avec brio d’autres banques du Groupe.

Le reste va très vite. BOA-BURKINA FASO entrouvre ses portes le 12 mars 1998 pour tester son personnel et son fonctionnement et accueille le public le lundi 23 mars. Le succès qu’elle rencontre alors ne se démentira jamais, alimenté notamment par le soutien décisif de ses actionnaires nationaux, la disponibilité de ses équipes et l’audience croissante du Groupe. Il conduira la Banque avant 2010 dans le trio de tête des établissements burkinabés, qu’elle n’a pas quitté. La cotation en Bourse de ses actions en 2010, parfaitement réussie, reste un des points d’orgue de cette belle odyssée qui se poursuit toujours.

Bon anniversaire à la BOA-BURKINA et belle série de prouesses pour l’avenir…

Paul Derreumaux

Afrique subsaharienne : Début de retour en grâce de l’endettement extérieur ?

En quelques mois, le discours dominant d’un endettement public excessif des pays subsahariens s’est fait plus discret, tandis que se précisent des marques d’intérêt de prêteurs, publics comme privés, pour ces financements. Ces deux situations ne sont cependant pas forcément contradictoires : de nouveaux concours de ce type peuvent faciliter ou accélérer le développement économique, mais les limites de leur usage restent nombreuses.

Une bonne illustration de la nouvelle donne est l’émission en janvier 2024 par la Côte d’Ivoire d’un Eurobond en Dollars US (USD), le premier depuis 2021. Ce lancement a surpris, mais son succès sur le marché international a étonné encore davantage. D’un montant total de 2,6 milliards de USD, l’opération a attiré plusieurs centaines de grands investisseurs et a été sursouscrite plus de 3 fois, à un taux moyen de 6,6% et sur une durée de 9 ou 13 ans selon ses deux composantes. Cet endettement supplémentaire apparait pertinent a un double titre : il devrait servir en bonne partie à racheter et/ou restructurer des emprunts internationaux antérieurs dont les coûts étaient plus onéreux ou les échéances plus proches, améliorant ainsi le profil de la dette extérieure ; il financera aussi une fraction de l’important programme d’investissements inscrit dans le Plan de Développement du pays. Il s’inscrit ainsi dans le prolongement du programme financier de 3,5 milliards de USD conclu en 2023 entre les Autorités d’Abidjan et le Fonds Monétaire International (FMI) pour la poursuite des réformes structurelles du pays.

Cette attractivité renouée de la Côte d’Ivoire auprès des grands bailleurs internationaux inspire d’autres nations. Le Kenya vient de réussir en février la levée d’un Eurobond de 1,5 milliard de USD, lui aussi notamment destiné à rembourser des échéances extérieures proches et, grâce aux nouveaux taux obtenus, réduire le taux moyen de ses emprunts étrangers.  Le Nigéria estime être en mesure de renégocier prochainement sa dette actuelle et de revenir en 2025 sur les marchés privés étrangers grâce aux réformes menées depuis la nouvelle présidence de Bola Tinubu. Comme souvent, les plus grandes institutions d’appui au développement ont été à la base de ce changement d’approche. Au Ghana par exemple, où la crise financière et l’hyperinflation de 2022 avaient gelé tous concours extérieurs tandis que le pays devait effectuer de douloureuses réformés, le FMI accélère le déblocage de son aide financière et la Banque Mondiale pourrait reprendre ses financements, ouvrant la voie à d’autres intervenants. De même, la Guinée escompte pouvoir obtenir un financement de cette même institution pour la réalisation de plusieurs projets d’infrastructures.

Le retour de prêteurs internationaux ne remet cependant nulle part en cause le recours à la dette intérieure. Dans la plupart des pays, les émissions locales de bons et d’obligations sont devenues des ressources budgétaires de plus en plus courantes. Dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), où cet instrument a moins de 30 ans, l’encours global des titres émis -par adjudication et par appel public à l’épargne – a crû rapidement et approche 25000 milliards de FCFA pour l’ensemble des 8 pays fin 2023. Pour les seules adjudications, et malgré la hausse récente des taux qui renchérit ces ressources, les émissions attendues pour 2024 pour la zone pourraient atteindre 9500 milliards de FCFA, soit plus de 15 milliards de USD.

Trois raisons principales expliquent ces changements. D’abord, les taux de croissance et les perspectives de développement de la zone subsaharienne se redressent : +3,8% en 2024 et +4,1% en 2025 du Produit Intérieur Brut (PIB) de la zone selon les nouvelles prévisions du FMI, plus optimistes.  L’amélioration escomptée s’appuie sur une relance possible des économies après plusieurs crises majeures -Covid 19, Ukraine, forte inflation, hausse brusque des taux d’intérêt-, et surtout l’annonce de nombreux investissements- infrastructures, énergie, certaines matières premières, investissements « verts ». Accélération de la croissance et transformations structurelles se combinent pour amoindrir les craintes sur le niveau élevé de la dette publique. Les grands Partenaires Techniques et Financiers (PTF), aux ressources parfois récemment confortées, sont donc plus ouverts à s’engager à nouveau sur les créneaux porteurs et, par leur taille et leur rôle, entrainent avec eux des institutions privées toujours à l’affut de bonnes opérations. La Commission Européenne (UE) et la Banque Africaine de Développement (BAD) viennent ainsi de conclure un accord-cadre  pour « stimuler » des investissements dans de grands projets d’infrastructure. En second lieu, les montants considérables de capitaux internationaux en recherche permanente d’emplois rémunérateurs voient se réduire les alternatives dont ils disposent : l’Europe attend pour 2024 une croissance économique atone et une possible baisse des taux d’intérêt ; en Chine, le plongeon des cours boursiers, les difficultés de certains secteurs, le ralentissement de la croissance incitent beaucoup d’investisseurs à chercher des relais au moins provisoires ; beaucoup de pays émergents voient leurs monnaies s’affaiblir. Avec ses prévisions relevées de croissance économique, l’immensité des besoins en investissements de toutes sortes et un soutien retrouvé des PTF, certains pays subsahariens redeviennent attractifs.  Le troisième aspect est en effet une différentiation de plus en plus nette entre nations, dans la prééminence donnée aux questions économiques et au rythme des réformes qu’elles requièrent. Certaines apparaissent désormais installées plus solidement et durablement sur des trends de croissance parmi les plus élevés au monde -au moins 6% : des Etats membres de l’UEMOA et de l’East African Community (EAC) et quelques autres, tel le Botswana, reviennent le plus souvent dans ces statistiques. Ces pays se caractérisent moins par le montant de leur PIB que par leurs économies plus diversifiées, donc moins vulnérables, et par leur vision à moyen terme, donc souvent plus pertinente.

Pourtant, ces atouts sont à évaluer avec prudence. En premier lieu, l’accès aux financements internationaux privés reste réservé à une petite minorité d’Etats subsahariens. Pour la majorité au contraire, seuls interviennent les PTF ou des Etats amis ou intéressés surtout par des investissements qui servent aussi leurs propres objectifs. Les Investissements Directs Extérieurs (IDE) se sont globalement réduits et sont toujours limités à quelques secteurs : matières premières essentiellement, infrastructures parfois. Les avertissements sur un surendettement public de la zone restent nombreux, confirmés par les défauts de paiement déjà enregistrés vis-à-vis de prêteurs extérieurs : à la Zambie et au Ghana vient de s’ajouter en décembre dernier l’Ethiopie, un des piliers de la croissance économique africaine fragilisé par les difficultés politiques internes. Ces pays moins favorisés pèsent aussi globalement le plus, en termes de PIB comme de population.  L’endettement intérieur et les recettes fiscales, celles-ci peinant à gagner en intensité, demeurent en conséquence dans ces régions les ressources budgétaires stratégiques. Elles ne peuvent cependant couvrir à elles seules les dépenses courantes et des programmes d’action de grande envergure. De plus, les perspectives économiques plus optimistes pour le continent vont se heurter à une inflation encore forte en beaucoup de pays -plus de 15% actuellement-, à des menaces sur les monnaies -comme au Nigéria-, à des crises politiques qui se sont multipliées et peuvent prendre la priorité sur les aspirations de développement économique. Un accès plus intense et généralisé des pays africains à ces capitaux internationaux devrait par suite être lent et difficile. Il doit aussi être évalué en tenant compte d’un service de la dette qui va encore nettement progresser dans les années à venir en liaison avec les endettements supplémentaires et les hausses de taux de la période récente. La seconde limite réside dans un possible renouveau de la concurrence d’autres régions du monde, et notamment de l’Europe ou des « Emergents » comme emprunteurs de qualité. La volatilité de ces masses financières risquerait alors de les ramener à ces périmètres, d’ailleurs mieux connus, et de réduire l’attractivité des horizons africains.

En s’engageant sur les marchés de capitaux internationaux, les nations subsahariennes pressenties comme des championnes possibles d’une croissance économique solide, durable et porteuse de véritables progrès endossent donc une double responsabilité. Il leur faudra d’abord atteindre effectivement les objectifs annoncés pour maintenir leur crédibilité, mais aussi veiller à ce que la charge de cet endettement accru soit supportable à court comme à moyen terme. Leur succès démontrerait que ces pays sont en mesure de s’extraire des turbulences diverses qui freinent depuis longtemps l’évolution en zone subsaharienne et d’être un stimulant pour leurs voisins et leurs partenaires. L’effet de contagion, trop souvent négatif, pourrait alors agir au profit d’une émulation collective et enclencher un cercle vertueux tant attendu.

Paul Derreumaux

OMBRES ET LUMIERES D’AFRIQUE (Tome 3) : Chroniques de temps d’inquiétude

« Le spectateur engagé ». C’est ainsi que me nomme Lionel Zinsou dans sa préface au Tome 3 de cette trilogie. J’accepte avec plaisir cette épithète en exergue de sa très aimable introduction, qui m’honore et pour laquelle je le remercie vivement. Spectateur de longue date de sujets qui me semblent importants pour l’Afrique subsaharienne, j’ai continué à l’être entre 2019 et 2023 avec le souci d’analyse et de précision qui m’avait guidé pour les deux tomes précédents d’OMBRES ET LUMIERES D’AFRIQUE. Engagé car, face à des thèmes divers, je me suis toujours efforcé de comprendre et d’expliquer et, devant les difficultés recensées et chaque fois que je le pouvais, d’identifier des pistes de solutions possibles ou en gestation.

Pour être utile à l’action, le diagnostic posé doit être fondé et lucide, même s’il est désagréable et préoccupant. Et c’est justement une inquiétude grandissante qui domine les constats des années 2019/2023 et qui oppresse beaucoup de citoyens subsahariens. Bien sûr, des avancées importantes se poursuivent dans des domaines cruciaux, tel par exemple celui des secteurs financiers, souvent en bonne santé et en profonde transformation, et l’Afrique est toujours la référence mondiale incontestée de l’essor du téléphone mobile. Mais ces succès perdent de leur impact positif si, dans le même temps, les retards s’accumulent par rapport au reste du monde sur nombre d’indicateurs vitaux et sur des évolutions majeures. En économie, tout se passe comme si, malgré les efforts accomplis et les financements engagés, le « logiciel du développement » sur ce sous-continent subsaharien n’est pas encore véritablement au point ou se heurte à trop d’obstacles infranchissables, laissant la pauvreté s’enkyster pour plus de 30% de la population. En politique, la fragilité des régimes en place conduit de plus en plus à des ruptures durant lesquelles, par nécessité ou par choix, des acquis sociaux et sociétaux et des urgences économiques peuvent passer au second plan des priorités. De vastes régions, comme le Sahel, frappées en outre par l’insécurité, sont particulièrement exposées sur ces deux fronts. La tragédie du Covid-19 montre combien ces difficultés rendent l’Afrique plus vulnérable et isolée, même si sa capacité de résistance ne cesse d’impressionner.

Si elle obscurcit l’horizon, cette inquiétude légitime ne doit conduire ni au désespoir ni au renoncement. De nouveaux motifs d’espérance et d’optimisme germent et se renforcent. L’un d’eux tient à la diversité qui caractérise de plus en plus la zone subsaharienne : dans des pays et régions, certes encore minoritaires, des cercles vicieux semblent s’être brisés de manière durable pour laisser prospérer des forces capables de réaliser les transformations vertueuses espérées depuis les indépendances. Ces espaces privilégiés pourraient inspirer des émules. Un autre, majeur, est la volonté inexpugnable qui habite des catégories essentielles de la population igurant pourtant parmi les plus malmenées : les femmes, trop souvent sous-considérées mais qui se révèlent des entrepreneuses débordantes de créativité et de pugnacité ; la jeunesse, rejetée du travail et des responsabilités, qui ne se résigne pas à voir son destin se déliter ; les acteurs de la solidarité, sur la générosité desquels repose la survie de beaucoup d’exclus.

Comme dans tout corps vivant, coexistent donc faiblesses et atouts, déceptions et espoirs dans un cocktail mouvant. Dans ce monde subsaharien en particulier, où la vitalité transparait aux yeux de tout observateur, la domination des premières aux dépens des seconds n’est jamais immuable. La démographie, trop souvent oubliée par les décideurs, en est la preuve : aujourd’hui souvent un fardeau, elle rend la zone incontournable pour demain sans qu’on sache encore comment ce pouvoir se manifestera. Mieux connaitre les motifs d’inquiétude pour mieux les combattre et les dépasser, recenser les fêlures et les impasses, rien ne peut mieux aider les femmes et hommes de bonne volonté à trouver, ensemble, les meilleures pistes à suivre pour réparer les dysfonctionnements et construire un avenir meilleur.

 

OMBRES ET LUMIERES D’AFRIQUE -Tome 3 est maintenant disponible à Abidjan (FNAC CAP Sud ; Librairie de France), Bamako (Librairie Autour du Livre ou sur commande au 44 90 46 45 ), Dakar (Librairie des Quatre Vents) et, à compter du 13 mars, en Europe ( Ginkgo Editions, Amazon, Fnac, Cultura, librairies)

 

Paul Derreumaux