Mali : Le mois de la solidarité

Un coin lumineux dans un sombre horizon

 

En quelques années, le Mois de la Solidarité, décrété au Mali chaque mois d’octobre, est devenu une véritable institution et connait un succès qui ne faiblit pas. Tout le monde va de sa bonne action, depuis les hommes (et femmes) politiques jusqu’aux individus en passant par les entreprises grandes ou petites. Pour les institutions de tous genres et les personnes physiques qui se consacrent à des actions sociales, ce dixième mois de l’année est devenu, avec le Ramadan et Noël, la période durant laquelle les soutiens qu’elles recherchent à longueur d’année sont les plus consistants. Ce flux inhabituel d’aide leur permet de réaliser quelque épargne pour satisfaire autant que possible aux besoins pour l’année entière.

C’est dans ces quelques semaines qu’on peut mieux saisir le rôle remarquable des initiatives qui  s’efforcent de répondre aux drames, aux désarrois, aux manques qui sont le lot d’une part de la population. En ce pays où près de 40% de la population vit encore sous le seuil de la pauvreté (moins de 1,25 USD par jour), beaucoup sont en effet encore loin de ce plancher et vivent dans une misère absolue, ne devant leur survie qu’à la générosité d’autrui.

Kadidia Deme est une de ces bonnes fées et l’orphelinat Ashed (Association pour le Soutien des Handicapés et Enfants Démunis) qu’elle a créé est une  structure étonnante. Restauratrice de son état, Mme Deme a recueilli « son » premier enfant abandonné en 2002. Elle ne sait plus trop bien pourquoi. Peut-être parce qu’une bouche de plus à nourrir importe peu dans cet environnement où les traditions vous ont donné l’obligation morale du partage, même (ou surtout) si vous possédez peu. Peut-être parce qu’il lui est apparu impossible de rejeter ce bébé dans la rue. Peut-être tout simplement parce qu’elle avait en elle les qualités rares de ceux qui arrivent à mettre leur sort au second plan face à la détresse des plus démunis. Ce hasard est sans doute vite devenu une évidence et une nouvelle raison de vivre et de se battre. C’est ainsi qu’est né Ashed, qui accueille ses petits pensionnaires dans un vieux bâtiment loué en face de son restaurant. Les enfants de Madame Deme arrivent ici amenés par des parents démunis de ressources, ou par des jeunes femmes chassées de leur famille ou violentées. Parfois, un nourrisson est laissé au petit matin devant la porte, comme on les a laissés en France pendant longtemps devant les Eglises. C’est Mme Deme qui le déclare alors à l’état-civil en lui donnant pour nom le prénom d’un ami ou d’un bienfaiteur du Centre. 59 gamins, âgés de 3 jours à 15 ans, sont aujourd’hui pensionnaires de ASHED. Au-delà de 15 ans, les adolescents sont repris par leur famille, même éloignée, ou intégrés autant que possible dans des centres de réinsertion. Les plus jeunes sont les plus nombreux, puisque le bruit s’est vite répandu que « maman Kadidia » a du mal à dire non face au grand yeux inquiets d’un enfant. Les nouveaux venus se multiplient lors des crises comme celle que le Mali traverse depuis 2012

Mme Deme a tellement eu l’habitude de se battre seule que cela parait presque normal et qu’elle hésite à tendre la main pour solliciter de l’aide. En 15 ans de dévouement, elle a reçu de l’Etat une belle lettre la félicitant pour son action au plus fort de la guerre contre les terroristes, mais aucun soutien financier n’a jamais accompagné cet encouragement. Alors, quand elle reçoit un appui, l’émotion la submerge et elle remercie sans cacher ses larmes d’émotion. C’est ce qui lui arrive ce jour : l’Association qui lui est désormais fidèle lui apporte argent, vivres et produits sanitaires pour au moins trois trimestres, De quoi tenir sans encombres la moitié de 2018. Une bonne partie des enfants se sont rassemblés pour la brève cérémonie. A la manière de jeunes mamans, les fillettes portent les plus petits. Bruyants, affairés, les enfants  vont et viennent entre les quelques invités. Pas de tenue endimanchée, mais quand même quelques splendides coiffures sur les têtes de petites élégantes. Les mines souriantes, pensives ou espiègles esquissent les personnalités qui commencent à se former. A l’annonce de chaque contribution reçue, tous applaudissent comme dans un spectacle, étonnés par l’effervescence qui règne encore davantage qu’à l’accoutumée. Une petite plus hardie, Aicha, se lance dans une danse improvisée au son de la musique d’un rap malien que crache un vieux haut-parleur. Rassurée pour l’avenir proche de ASHED, Mme Deme ose une confidence : une grande institution lui a récemment proposé de construire pour l’orphelinat un nouveau bâtiment, plus loin du centre-ville mais beaucoup plus grand. Alors, elle espère, patiente et optimiste : Dieu est grand.

Plus tard, le même jour, à quelques kilomètres de là, la Pouponnière de Bamako reçoit de la même Association son lot de vivres, de produits divers et d’argent frais. L’atmosphère est plus cérémoniale. Importante institution d’entraide du Mali, vieille structure étatique, la Pouponnière accueille des orphelins, comme d’autres établissements à Bamako, mais possède surtout un Service dédié aux handicapés moteurs ou cérébraux. Même plus officielle, l’atmosphère est tout autant poignante. Les nourrissons somnolent paisiblement au premier étage, souvent à deux par lit faute de place. Les jeunes enfants, les plus nombreux, sont assis sous une grande véranda, silencieux, attentifs. Amadou, un gamin de quatre ans, s’est cependant lancé dans un grand discours qui fait rire toute l’assemblée. Quelques enfants plus âgés, handicapés pour la plupart, évoluent dans la cour, dévisageant ces invités d’un jour. Les chambres sont propres et bien tenues et, comme chez Ashed, tout le monde a l’air en bonne santé. Les infirmières et aides-soignantes ont cet air décontracté du personnel médical habitué à rencontrer douleur et peur et capable par son calme de restaurer confiance et espoir.

La Directrice explique les problèmes qu’elle affronte chaque jour: afflux croissant des orphelins et des malades, exigüité  conséquente et vieillissement des locaux, insuffisance des dotations de l’Etat. Le nombre des enfants est passé en 10 ans d’une centaine à plus de 250, mais les moyens réguliers n’ont pas suivi pour le fonctionnement ou l’investissement. La Pouponnière subit de plus les effets de l’interdiction récente des adoptions par des étrangers. Difficile de savoir les raisons profondes de cette interdiction, mais son impact a été immédiat: les dotations financières des associations extérieures au Mali intervenant dans ce processus se sont drastiquement réduites et risquent de se tarir à bref délai La Pouponnière est en outre contrainte de garder ses petits hôtes beaucoup plus longtemps, ce qui risque de conduire à une situation intenable si ces moyens financiers ne se renforcent pas. Malgré ces menaces, calme et souriante, Mme Traore guide les visiteurs dans les Services et explique posément comment fonctionne La Pouponniére et ce qu’elle espère. Le personnel d’encadrement, en ce jour de détente, en vient à oublier sa fatigue, ses salaires dérisoires et le fait que l’effectif tend à diminuer alors que les petits pensionnaires ont plus que doublé. A l’annonce des contributions reçues, la doyenne des infirmières esquisse un pas de danse  et les enfants entonnent une chanson. Au Mali comme souvent en Afrique, rires et bonne humeur viennent cacher pudiquement la peur ou la souffrance.

La joie de Kadidia et de Mme Traore en ce samedi d’octobre ressemble bien sûr à une fugitive averse sur un sol désséché : agréable mais très insuffisante. Dans ce contexte, où les actions à mener dépassent de loin les bonnes volontés, l’Etat pourrait sans doute faire (beaucoup) plus malgré l’immensité de ses charges, dans au moins trois directions.

Un soutien de plus grande ampleur pourrait d’abord être accordé à ces actions privées, qui préservent sans doute la vie mieux que l’Etat pourrait le faire lui-même et qui sont au centre de l’inclusion dont tout le monde disserte. Le cumul des fraudes avérées, des surfacturations de toutes sortes, des perdiem injustifiés des fonctionnaires, des études inutiles et inutilisées, des milliards de FCFA investis dans des projets qui resteront sans suite donnerait l’importance des gisements de ressources existants. Leur réaffectation au moins partielle  à l’appui à ces initiatives, de façon objective et sous contrôle, permettrait  de multiplier ces oasis de survie et de réduire le nombre de ceux qui sont toujours exclus de tout.

Cette politique n’a toutefois de sens que si les jeunes ainsi sauvés ont accès à un enseignement et à une formation professionnelle dignes de ce nom, puis à la possibilité d’éviter le chômage, au même titre que ceux, plus chanceux, qui n’ont pas du affronter ces handicaps dans leurs premières années. Les difficultés actuelles, quantitatives et qualitatives, des secteurs de l’éducation et de l’emploi montrent bien l’ambition élevée de cet objectif. Pourtant, il devrait être obligatoirement pris en compte pour que la première étape n’ait pas été menée en vain. Il est aussi une autre facette de cette inclusion économique et sociale.

Enfin, la maîtrise de l’accroissement démographique semble une dernière condition essentielle  pour que les efforts accomplis aux deux niveaux précédents soient pleinement efficaces. Le lourd afflux annuel de population supplémentaire, les effets déstabilisants d’une urbanisation galopante et l’aggravation régulière de la pyramide des inégalités sociales se combinent en effet. Ils conduisent à une telle multiplication de ceux et celles qui se retrouvent dans ces situations de dénuement et d’isolement que le « gap » avec les capacités de réponse aux besoins ne peut que grandir.

Loin de ces réflexions soucieuses, Aicha chez Ashed, Amadou à la Pouponnière, et tous leurs petits compagnons, s’endorment paisiblement, fatigués par l’excitation de cette journée. Leur esprit s’évade dans des songes sans doute emplis de jeux, sans peur de ce qu’ils vont vivre le lendemain. C’est sans doute la première récompense de ceux qui prennent soin d’eux.

Paul Derreumaux

Article publié le 24/11/2017

La grande misère de l’habitat en Afrique de l’Ouest – Acte 1: le casse-tête foncier.

Afrique de l’Ouest : la grande misère du secteur de l’habitat.

I : Le casse-tête foncier

 

Le sujet revient régulièrement à chaque élection d’un nouveau Président ou dans les présentations de vœux de ceux-ci : l’Afrique de l’Ouest francophone souffre d’un grave déficit de logements décents et les choses doivent changer. Vite et fort.

Ce constat bien réel concerne, sous des formes différentes, aussi bien les espaces ruraux que les zones urbaines.  Mais le problème est crucial dans les grandes villes où l’exode rural vient ajouter ses effectifs à ceux qui découlent de l’augmentation naturelle de la population. L’origine du mal est lointaine. Depuis les indépendances, la financement du logement a été délaissé, voire combattu, par la plupart des institutions internationales d’appui au développement sous le prétexte qu’il était dangereux ou spéculatif. Face à l’immensité des besoins de tous ordres auxquels ils avaient à répondre, les Etats ont eu des réactions variées. Dans quelques pays, comme la Côte d’Ivoire et, surtout, le Sénégal, les Autorités ont su organiser pendant un temps des filières de construction de vastes programmes de logements, économiques ou non, articulées autour de l’intervention de sociétés d’Etat et appuyées sur des institutions de financement à long terme. Seul le Sénégal semble avoir réussi à assurer jusqu’ici la pérennité de cette stratégie. Ailleurs les Etats, faute de moyens financiers et/ou d’intérêt prioritaire pour ce secteur, sont restés à l’écart de celui-ci en le laissant aux forces du marché. Tout naturellement, les logements de standing (et de grand standing) ont alors été privilégiés. Pour le reste, les sociétés de promotion immobilière locales, aux moyens limités et souvent mal organisées, n’ont satisfait qu’une frange minime des  demandes. L’auto-construction a été le principal contributeur à la création de logements, mais a été elle-même très insuffisante par rapport aux besoins. Il en est résulté la multiplication d’ « habitats spontanés », souvent insalubres et surpeuplés. Dans la période récente, avec le changement d’approche des bailleurs de fonds pour le secteur et l’accélération de l’urbanisation, certains pays ont lancé des programmes importants de logements sociaux, largement subventionnés par l’Etat, tels les opérations « ATT-Bougou » au Mali dans les années 2000. Des dysfonctionnements freinent cependant la poursuite de ces programmes alors que la demande garde sa rapide expansion.

La Banque Mondiale évaluait récemment à 800000 le nombre des nouveaux logements qui seraient requis chaque année dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), la majorité d’entre eux dans les zones urbaines. Compte tenu de la dramatique lenteur du rythme annuel de constructions, le « gap » s’accroit donc chaque année. Il est estimé à plus de 500000 pour la seule Côte d’Ivoire. Au Mali par exemple, une simple évaluation de l’accroissement de la population urbaine conduit à chiffrer le besoin annuel à un minimum de 60000 logements, nombre incomparablement supérieur aux réalisations annuelles Au Niger, ce nombre pourrait rapidement dépasser 80000. Le décalage constaté doit être relié à trois principaux obstacles, dont les effets négatifs se combinent : le casse-tête foncier, la désorganisation du secteur, l’inadaptation des financements.  

Initialement, la question foncière était facile à résoudre. Certains Etats de l’Union ont longtemps  attribué aux entreprises à majorité de capital public, pour des sommes très modestes, des terrains urbains leur appartenant, pour la réalisation de projets immobiliers. La Sicogi en Côte d’Ivoire, la Sema au Mali, la Sicap au Sénégal, ont ainsi  mené  à bien de nombreuses opérations de plus ou moins grande envergure. Leur rôle s’est cependant souvent amoindri avec le temps sous l’effet de difficultés de gestion et /ou de rareté croissante des terrains étatiques disponibles, alors même que la demande de logements explosait. Ces pionniers se trouvent désormais en compétition avec des promoteurs privés, essentiellement nationaux ou libanais selon les pays, pour la réalisation de nouvelles opérations et la constitution de réserves foncières achetées sur le marché.

Or celui-ci est désormais fortement perturbé par plusieurs facteurs. Avant tout, les prix au m2 des terrains constructibles ont partout crû de manière exponentielle en raison d’une spéculation qui a joué à plein. Faute de contrôle efficace des Autorités, des terrains acquis de longue date par des privés, à des prix souvent dérisoires, parfois sous la seule forme de permis d’occuper, sont restés inexploités pendant des décennies et ont même pu être transformés en titres fonciers sans aucune mise en valeur malgré les textes en vigueur. Cette « thésaurisation » du foncier, jointe à la réduction des nouvelles surfaces disponibles et à la pression croissante de la demande, a provoqué une « bulle foncière » généralisée. Les prix au m2 dépassent maintenant le million de FCFA (1525 Eur) dans les centres-villes d’Abidjan et de Dakar et 400 000 FCFA (610 Eur) dans les quartiers centraux de Bamako. Ils atteignent 30000 FCFA (45 Eur) ou plus pour la périphérie immédiate de Bamako. En y ajoutant les coûts élevés d’une viabilisation rarement prise en charge par les Etats, les prix deviennent prohibitifs pour l’accès à la propriété de la plupart des ménages.

A ce point majeur s’ajoutent d’abord deux risques annexes, reflétant surtout une mauvaise gouvernance. D’abord, des Autorités locales procèdent à des ventes anarchiques, voire frauduleuses, de terrains à bâtir, qui génèrent contestations, doubles ventes possibles du même site et remises en cause périodiques par les Ministres en charge du foncier. Des anomalies analogues touchent des transactions privées et, ensemble, perturbent aussi le marché, en renforçant sa désorganisation et l’incertitude de nombre d’acquisitions foncières. Les affaires de ce type ont par exemple été nombreuses au Mali ces dernières années et les tentatives de remise en ordre ont toujours du mal à s’imposer face aux lobbyings politiques, partisans du statu quo et des passe-droits qu’il autorise. En outre, viennent parfois s’ajouter des tensions avec les occupants séculaires de terres ayant précédemment un statut rural et visées désormais par l’immobilier. En Côte d’Ivoire, ces conflits sont spécialement fréquents et tendus : des chefs  traditionnels ou des villageois bloquent ainsi, de Grand-Bassam à Angré ou ailleurs, par une occupation « musclée » et des actions en justice, des aménagements de terrains, même réalisés par les sociétés les plus crédibles de la place.  L’origine profonde de ces difficultés est double : absence d’un cadastre couvrant la totalité du territoire et précisant de manière incontestable les limites comme le propriétaire de chaque parcelle de celui-ci ; difficulté des Autorités à empêcher ou stopper ces revendications qui sont souvent du dilatoire et dont peuvent profiter des promoteurs peu scrupuleux.

Cette faiblesse des Etats se révèle encore à un autre niveau. Les quartiers centraux les plus anciens sont souvent mal viabilisés, parfois insalubres et emplis de logements de qualité médiocre. Le réaménagement ambitieux des centres-villes fournirait donc une excellente opportunité pour la réalisation de projets de grande ampleur, mêlant services et commerces modernes, sièges des grandes entreprises, administrations mais aussi immeubles de logements. Il serait ainsi possible de densifier l’utilisation de l’espace et de mieux rentabiliser les équipements publics de ces zones restructurées. Pourtant, ici encore, les blocages sont multiples. Les expropriations nécessaires se heurtent à de fortes résistances sociales, en partie liées aux difficultés d’indemnisation, ce qui gêle souvent de tels projets. Ceux qui sont réalisés, comme « Ouaga 2000 » au Burkina Faso, laissent peu de place aux habitations autres que celles de grand standing. Enfin, dans certains pays, la copropriété d’immeubles de logements ne s’inscrit pas encore dans les mœurs et conduit à la dégradation rapide des bâtiments concernés : au Mali par exemple, la loi sur la copropriété votée en  2001 n’a même encore jamais été appliquée. En conséquence, les villes s’étendent de manière démesurée, grevant les coûts de transport : à Bamako ou Cotonou, d’anciens faubourgs autonomes intègrent le périmètre de la ville-mère et deviennent des satellites-dortoirs où se développent commerces et services de proximité, tandis qu’Abidjan et Grand-Bassam se rejoignent peu à peu dans une vaste conurbation. Les projets de villes nouvelles, comme ceux de Diamniadio au Sénégal, pourraient être une alternative mais sont très longs à mettre en œuvre.

Enfin, le levier de la fiscalité foncière n’est guère utilisé pour corriger des dérives et encourager le secteur immobilier. Un premier handicap en la matière réside dans le caractère lacunaire des cadastres nationaux et les retards dans leur numérisation : une corrélation négative pourrait sans doute être vérifiée entre ces faiblesses et l’efficacité d’une politique nationale de l’habitat. Hors cet aspect, les droits à acquitter sont souvent peu incitatifs à la mise en valeur des terrains urbains. Au Mali, il n’existe ainsi aucune taxe foncière, aucune surtaxe pour les terrains inexploités et les droits de mutation sont particulièrement élevés, ce qui raréfie les transactions, favorise la hausse des prix et encourage les opérations frauduleuses. Dans toute la région, les taxes d’habitation sont minimes ou inexistantes et les loyers échappent souvent à l’impôt. En cédant ainsi au puissant lobby des propriétaires terriens, souvent proches du pouvoir, l’Etat se prive de ressources fiscales significatives mais aussi d’un instrument possible au service d’une stratégie de développement

Ainsi la question foncière, qui constitue le premier des trois piliers d’une politique de l’habitat, apparait-elle surtout semée d’embûches. Hausse effrénée des prix, mauvaise gestion des terrains publics, insécurité des transactions, lenteurs des immatriculations, politique fiscale erratique se cumulent pour faire de l’acquisition d’un site foncier ou d’une parcelle une opération coûteuse, dangereuse et lente, pour le promoteur comme pour l’acquéreur. Si ceux-ci passent cette étape, il leur restera à franchir celles, aussi délicates, d’une construction de qualité et du financement de celle-ci. (A SUIVRE)

Paul Derreumaux

Article publié le 03/11/2017